Auteur Sujet: PURE FUCKING METÔÔÔÔLE  (Lu 134495 fois)

Hors ligne The Endoktrinator

Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1125 le: 28 décembre 2022 à 15:32:54 »
Alors, je vais faire une exception. L’année 1987 est si incroyable pour moi, que je ne vais pas faire une rétrospective complète. Je vais plutôt faire un vrai top. Et pas des moindre, un top 11, parce que, comme dirait l'autre, j’aime bien aller une étape au-dessus.




ADXSuprématie.

On continue sur la lancée du métal français et cette fois, on décroche le gros lot. Si un jour, on m’avait dit que je lancerais un album de Heavy/Speed tout en haut d’un classement, je crois que je lui rirais au nez. Heureusement que je suis bien tombé parce qu’en plus, ce n’est même pas en ayant écouté au préalable que j’ai acheté ce disque, réédité par No Remorse Records. Les progrès sont tout simplement foudroyants… à une exception près, mais j’y reviendrai.
Malgré l’aspect un peu désuet de l’intro "Nostromo", l’album démarre sur les chapeaux de roue. La chanson-titre décoche un petit speed hargneux au niveau des couplets. La mélodie s’affirme au fil des disques chez ADX et ça se sent. Les solos sont également à la hauteur. C’est vrai, de penser à une mise en bouche et de ne pas bourrer tout de suite. Et ça, ils l’ont très bien compris quand on écoute "Victime". Certainement la plus speed de toutes, la plus acharnée, celle avec le plus l’ambiance, en témoigne l’interlude avec le petit rire nous rappelant qu’on est avant les années 90. Cette époque où on n’avait pas peur de la Fantasy underground. Les jeux de rôle, les livres dont vous êtes le héros et autres. Avec ce titre et "Brocéliande", on est en plein dedans. On pardonnera d’ailleurs le fade-out inapproprié sur ce dernier titre, de même que l’instrumentale, "Le Secret de l’Olympe", plus faible que "Alésia" (l’interlude qui n’a rien à foutre là). C’est bien simple : TOUS les refrains sont forts, entrainants, et n’ont plus rien à envier aux pontes européens. Surtout ceux du "Jugement de Salem" et "Templier". Le morceau le plus réussi est sans contexte "Notre Dame de Paris". Le plus heavy de tous, le plus hargneux. Je me souviens du concert du groupe en 2017 près de chez moi. C’était juste avant que Pascal Betov ne quitte le groupe. Ce soir-là, Phil m’avait confirmé que Exécution et Exécution Publique seraient réédités. On attend encore le live (pour l’anecdote, il devait s’appeler Saucisson à Live).
Même si l’extrême bat son plein dans le reste du monde, ça fait plaisir de voir que le métal français puisse encore faire de superbes chansons et qu’un groupe n’a pas (encore) jeté l’éponge après l’hémorragie de 1986. Plein de bonnes choses en perspectives.




SlaughterStrappado.

Celui-là n’est pas le meilleur de l’année, loin de là. Pourtant, c’est un sacré coup de cœur. Un thrash/death punkoïde fonçant à toute vitesse au risque de rompre ("One Foot in the Grave"), une rythmique marteau-pilon, des riffs abrutissants mais jouissifs. Il peut paraître lourd mais sa petite demi-heure en fait une dose supplémentaire en cas de lassitude de Reign in Blood. D’ailleurs, le disque avait été enregistré en février  1986, mais n’a pas pu sortir avant l’année suivante, et amputé de quatre titres.
Ce qui est fort dommage, malgré les défauts de One Foot. Les trois autres, surtout l’implacable "Maim to Please", se battent furieusement pour ne pas être occultés par les autres. Il faut surtout écouter la version réarrangée pour resituer le disque. Cela dit, les sept titres sortis initialement y arrivaient. Certes, "Parasite" et "Tales of the Macabre" sont un peu en deçà, mais qu’importe. La furie dans cet album et sa spontanéité qui firent même fuir un Schuldiner déjà en quête d’autre chose sont étourdissante. Imaginez ce que des titres comme "Disintegrator/Incinerator" ou "Tortured Souls" auraient pu donner dès la sortie prévue. C’est frustrant, mais déjà en 1987, c’était quelque chose, et le death metal n’était pas encore établi. La réputation, elle, l’était déjà : l’advance tape était déjà accessible aux fanzines de l’époque. Le plus terrible reste "Nocturnal Hell" et ses riffs vicieux entre Discharge et Celtic Frost.
Le groupe n’arrivera pas à battre le fer tant qu’il était chaud, hélas. Le délai a pu leur être fatal et les nouveaux morceaux étaient plus classiques. Ils n’avaient pas cette colère acide. Alors autant ne pas bouder son plaisir et se payer une rasade de contrebande bien cognée. One Two Fuck You !!!!!




HelloweenKeeper of the Seven Keys, part 1.

On peut comprendre Kaï Hansen d’avoir recruté Michael Kiske. La formule à quatre, fonceuse, puissante, mélodique, fonctionnait. Mais sa voix n’allait bientôt pas pouvoir suivre les compositions qui allaient bientôt accueillir des arrangements en plus grande quantité. Vous imaginez, "Halloween" avec la voix de Kaï ? Moi non plus.
Tout le monde sait que ce disque fut un tournant pour le groupe qui tient là un chanteur en or malgré la défection des acharnés du punkoïde qui avaient déjà la bière qui remontait en écoutant Bruce Dickinson. Mais ce que tout le monde ne sait pas, et surtout ce que Hansen n’avait peut-être pas imaginé, c’est que Michael Kiske n’allait pas se contenter de chanter, d’être frontman et donc de servir de mascotte. Non. Il veut composer aussi. Et quand on écoute "A Little Time", on sait qu’on a affaire à quelqu’un qui n’a pas été égaré par là. Comme Michael Weikath qui l’avait déjà prouvé avec "How Many Tears" puis "Twilight of the Gods". Certes, le groupe commence à planter une graine qui, peu à peu, va faire sa réputation à tort de groupe de happy metal avec "Twilight of the Gods" et "Future World", et le simple fait que l’ensemble est moins agressif que Walls of Jericho et les autres groupes de speed comme Living Death ou Grave Digger. Sans parler du thrash qui assoit sa domination. Reste le morceau phare du groupe : les treize monumentales minutes d’"Halloween", dont je n’avais écouté pendant un moment que les cinq du clip, sont éblouissantes. Il est peut-être dommage que la formule allait être stupidement clonée, sans efforts de variations ni de fulgurance, mais c’est ainsi. Le filon va rapidement s’épuiser niveau qualité, n’accouchant que du groupe Scanner.
C’est peut-être le dernier disque ou le groupe montre une équipe soudée. L’égo est quelque chose de difficile à maitriser, surtout quand il  se multiplie. Hansen va l’apprendre aux dépens du groupe, mais les voir en concert était à l’époque un bonheur. Surtout avec Kiske qui s’en sort bien avec des titres comme "Ride the Sky".




Infernäl MäjestyNone Shall Defy.

Ah oui, deux albums canadiens. Cette scène de thrash est moins pionnière qu’aux États-Unis, moins iconique qu’en Allemagne et pas très novatrice à part Voïvod. Un peu comme la Suisse qui a Coroner. Mais elle est constante malgré tout, comme la scène allemande. Razor, par exemple, est aussi ponctuel que Motörhead, Sacrifice fait un bon thrash slayerien et D.B.C, on va en parler en dessous.
Et là, c’est ENCORE plus slayerien. Peut-être au-delà du raisonnable, mais il est tellement puissant qu’il surpasse totalement Overkill à ce moment-là et Testament qui, eux, ont jeté leur dévolu sur Metallica. Ignorant suprêmement la virée sur Reign in Blood, le groupe a sûrement écouté en boucle Hell Awaits en essayant de ne rien piquer. Il y en a ("Night of the Living Dead"), mais ils cherchent bien le riff qui tue. On excusera la pochette un peu trop cartoonesque, pour se concentrer sur la voix vicieuse qui représente à elle toute seule le côté clone toujours, tu m’intéresses du groupe (lu dans un vieux fanzine), mais des guitares lourdes et tranchantes et une basse rampante au possible. Les termes slayeriens sont aux rendez-vous, un peu comme ceux de Jaws dans Piranhas. Fracassant d’entrée de jeu avec "Overlord", assombrissant davantage la base, le groupe réitère cette tuerie avec le morceau-titre et son refrain implacable et la dinguerie qu’est "Skeleton in the Closet". Si "Night of the Living Dead" reste le titre le plus abouti, l’ambiance est plus intense sur le vrai dernier morceau (on jette l’outro et ses chœurs too much) : "Anthology of Death". Parfois, c’est à se demander si Trey Azagthoth et David Vincent n’ont pas acheté cet album en trois exemplaire histoire d’en user deux jusqu’à les casser.
Hélas, cette bombe sera leur unique assaut, n’arrivant pas à tenir les égos en place. Les quelques démos finiront pas donner suite à la séparation du groupe. Ils sont revenus depuis, ont fait quelques albums, mais perso, je n’ai pas écouté. Peut-être par peur de ternir ce petit. Cela n’arrive pas toujours de faire un foutu skeud avant de disparaître dans un nuage de fumée.




AnthraxAmong the Living.

Je me rappellerai toujours de la gueule de mon professeur de guitare en entendant le riff speed de "Among the Living", tant il le trouvait débile. Il faut dire que les trois barrés avec ce rythme-là donne l’image du moshing. Mal élevé, énergique mais un brin béta.
Bon après, heureusement que le reste du titre dresse la barre plus haut avec son refrain et ses refrains, montrant une autre façon de reprendre des titres. D’ailleurs, le groupe éblouit en enchaînant presque sans temps mort les trois premiers morceaux, et surtout les très soutenus "Caught in a Mosh" et "I am the Law", thrasherie dingue sur Judge Dredd. D’autres titres sont peut-être un peu en deçà, peut-être moins mémorable. Cela dit, "Skeletons in my Closet" s’en tire bien, et les autres titres gravitent autour de la grande tuerie de l’album, justifiant un gros travail rythmique : "Indians". C’est d’ailleurs ça la force du groupe : des riffs killers et surtout une exécution… très physique. On se surprend à hurler "WAAR DAAAAAAAAAAAAAAAAAAANCE" quand se termine le  refrain imparable.
Jo Belladonna est au sommet, confirmant son statut dans le groupe depuis le précédent et ses autres thrasheries à la limite du crossover. Même si State of Euphoria ne sera pas à la hauteur, d’autres prendront le relais pour mosher.




CoronerR.I.P.

Contrairement à certains, Coroner a fait l’effort d’écrire des titres spécialement pour un premier album, avec la signature chez Noise Records. Qu’on se rassure, pas sûr qu’un autre label les aurait mieux traité. Leur mixture, à ce moment-là, de Metallica, de Celtic Frost et de flamenco a pu faire reculer.
En même temps, passé "Nosferatu", ça devient un peu erratique. Si "Totentanz" reste un puissant instrumental qui fera dire à Coroner que sans voix, ce n’est peut-être pas très concluant au-delà de deux titres ("Last Entertaintment" et "Host" sont un peu des tricheries). "Suicide Command" est bancal, en plus. Alors pourquoi avoir mis cet album si haut ? Parce que les autres font envoler le groupe déjà loin, bien sûr. L’assaut meurtrier de "Reborn Through Hate" montre déjà un groupe en possession de moyens suffisants pour être un des meilleurs groupes de métal du moment. Le seul de l’album qui soit devenu un classique, et ce n’est pas pour rien. La guitare de Baron et la voix de Royce font dire à Marquis que ça valait le coup. On retiendra aussi le sous-estimé "Where Angel Dies" et le "Fried Alive", précurseur des riffs de plus en plus tordus à venir.  Plus compliqué est le remaniement de "Spiral Dream". Il est moins inutile vu que le groupe prend ses marques après le parrainage de Tom Warrior, mais semble déjà daté avec l’affirmation du trio et surtout de la paire d’écriture que constituent Baron et Royce.
A signaler que si, à l’époque, un groupe comme Death était du gore metal, c’est bien parce que l’appellation death metal était déjà prise. Et par ni plus ni moins que des groupes comme Coroner.




D.B.CDead Brain Cells.

Encore un groupe du Canada ! Hé oui. Et si celui-là avait eu une vraie carrière, on ne se serait pas contenté de Voïvod. Arrivant de Montréal et sortant une ou deux démos, ils parviennent à ouvrir pour la bande de Piggy au fameux Spectrum, salle de spectacle réputée pour avoir accueuilli une grande partie de la scène extrême (World War III avec notamment Destruction, Celtic Frost et Possessed).
L’album est nettement moins bas du front que Strappado, mais ce n’est pas encore la finesse. Cela dit, on sent un certain besoin physique pour pouvoir jouer avec eux. On a tantôt un thrash presque hardcore (cette voix) ultra agressif, mais qui arrive de temps en temps à lever le pied sans faire une croix sur les riffs ("Negative Reinforcement"). Le groupe se voit attribuer les services du déjà réputé Randy Burns, qui confère aux guitares le tranchant qu’il faut et à la basse une place de choix dans le mix. Paré de ces atours, le disque bombarde la zone de ses riffs destructeurs ("Deadlock") et parfois assez tordus ("Tempest"). Remarque amusante : je n’avais jamais remarqué le crâne, croyant que c’était un visage tourmenté dans l’ombre. Cela pourrait être une version raw, brute, underground de Coroner. Du moins s’ils avaient pu maintenir le niveau de puissance et incorporer leur volonté de progresser sur Universe. A dire vrai, le groupe se rapproche plus du meilleur de Nuclear Assault. Mais en encore plus vicieux, comme on peut l’entendre sur "Terrorist Mind". Même si on peut entendre Dark Angel ("Power and Corruption").
On ne peut pas vraiment parler de Big Four canadien tant Razor et Sacrifice furent plusieurs crans en dessous. En tout cas, D.B.C peut se vanter de se hisser parmi les meilleurs thrashers du pays et de l’Amérique. Et aussi d’avoir été découvert jusqu’à aujourd’hui via le magazine Hard Force et le spécialiste du speed, Hervé S.K Guégano.




MotörheadRock ‘N Roll.

Orgasmatron était un galop d’essai, ce disque est une tuerie. Sa production, aussi façon garage, donne un côté très brut, façon autoradio. Pas trop un mal, quand rarement un disque aura porté aussi bien son nom. Pour l’occasion, l’Animal revient aux futs, pour relancer la machine infernale à coups de double-pédale.
"Rock ‘N Roll" est un pur hymne au sens attitude rock. Moins séminal que "Overkill", ce titre assène tout de même un riff puissant, et déboule sans se perdre. Il en sera de même pour le carré d’as à la suite, surtout "Stone Deaf in the USA" et "Blackheart", rappelant les grandes heures avec "Fast" Eddie, mais sans son bordel sous fumette. Wurzel et Campbell sont bien incorporés dans le groupe, déchargent parties rock et furieuses (l’implacable "Traitor"). Lemmy décide même d’inaugurer un peu : une chanson d’amour. "All for You", un tube qui aurait pu en détrôner certains aux USA, montre le plus l’apport de ces deux-là. Surtout Campbell et son solo plus mélodique que tous ceux de Fast (pas dur !). Parlons aussi de "Eat the Rich" : a-t-on entendu aussi efficace depuis "Ace of Spades" ou "Stay Clean" ? Pas sûr. Parfois le doute habite.
Ce sera parti pour une pause de quatre ans. La seule dans la carrière du groupe qui, par la suite, plafonnera à trois ans d’attente entre chaque disque au fil de la santé de Lemmy.




DeathScream Bloody Gore.

Parfois, on peut se demander si enregistrer les titres depuis le début de carrière ne serait pas un défaut. Déjà que le premier Maiden ne contient pas que des tueries, celui de Death sera assez vite dépassé dans ses plus vieux titres par les groupes de thrash, déjà passés à autre chose. Prenez "Evil Dead" par exemple : difficile de ne pas penser à l’intro de Amazone de Sortilège, non ?
Ce titre est le plus ancien, datant même de la période Mantas, période pré-Death avec les autres membres de Massacre, Rick Rozz et Kam Lee. A ce moment-là, Charles Schuldiner s’appelle encore "Evil Chuck" et son logo est encore sanguinolent et poussiéreux. Mais entre-temps, le metal va faire du chemin : Sortilège est plus sophistiqué, Slayer plus canalisé dans ses agressions et les thrashers les plus furieux de plus en plus violents. Possessed sort Seven Churches. Autant dire que pour rester dans la course, ça sent le roussi. D’autant qu’on est sans pitié avec ceux qui vont voir les majors après avoir fait la réputation dans les circuits parallèles avec tape trading, correspondance, etc. Le cas de Death est plus épineux : il est le seul à avoir gardé l’approbation avec Scream Bloody Gore et courtisé ceux jusque-là peu enclins à écouter plus de deux titres de thrash qui dégueule. Avec "Zombie Ritual" et "Sacrificial", Death peut atteindre facilement ce quota, et même le dépasser avec "Land of No Return" ou "Mutilation". "Torn to Pieces" et "Regurgigated Guts" semblent avoir été écrits pour remplir.Il aurait mieux fallu sacrifier pour garder dix titres sur CD comme sur vinyle.
C’est peut-être ça, l’exploit : avoir gardé la base et su conquérir de nouveaux adeptes. Surtout avec d’anciens titres comme "Infernal Death", datant de 1985, et surtout cette production, poisseuse à souhait et pourtant si spécieuse. Avec  une seule guitare, Schuldiner envahit l’espace mais laisse de quoi vombrir à la basse, qui ne mettra pas longtemps à disparaître sous le magma morrisoundien.




Joe SatrianiSurfing with the Alien.

L’éternel débat technique/feeling aurait dû être enterré depuis les premiers albums de Malmsteen. Mais puisque certains intégristes du vieux blues insistent, on peut remercier Joe Satriani poser le dernier clou dans le cercueil des idées reçues du rock. Dommage que les deux se soient perdus depuis, ayant perdu toute inspiration et recul au tournant des années 90.
Mais en 1987, Joe "Stach" a une révélation : et si c’était ma guitare qui chantait ? L’idée imparable : l’auditeur aura son compte de mélodies et de refrain tout ne versant pas un cachet supplémentaire. Et il va tellement bien broder l’album que celui-ci va être une petite révolution : sa décantation depuis des années et surtout l’inécoutable premier disque. A se demander qui est le Surfer d’argent : lui ou Vai, son élève zappien ? A moins que ce ne soit Galactus. La production est en tout cas à l’avenant : rarement un son aura sonné aussi laser. Et aussi daté tant on dirait les compresseur de la Préhistoire. C’est la différence avec Malmsteen qui creuse dans de vieux et brûlant Marshall. Satriani a deux autres cordes à son arc avec le laser : le sustain des années 80 et une sonorité plus rock ("Midnight"). Tandis que la rythmique en béton armé accompagné d’une boite à rythmes déboule, la guitare joue, virvelote, shredde… et chante (la chanson-titre). "Ice 9" fout déjà la honte à la génération suivante de groove metal et "Satch Boogie" rappelle que le jeu de cet alien humanoïde est une grande synthèse.
Si le meilleur son est à entendre chez The Extremist, la meilleure écriture est à chercher sur Surfing with the Alien. A défaut d’être au niveau de Van Halen, Satch est méritant dans le domaine de l’innovation. Encore aujourd’hui, cet album toise hautainement des hangars complets de disques aussi stériles et brinquebalants les uns que les autres,  ne jurant que par la technique (démonstrative) ou que par le feeling (limité).




PoisonInto the Abyss.

Une démo ? Ah oui. Mais Espoir ne signifie pas concrétisation. Hélas, c’est surtout malheureux pour ce groupe tandis qu’un autre groupe sans lendemain, Violent Force, a pu décrocher le contrat, Dieu sait pourquoi. En plus, j’ai hésité avec l’album I.N.R.I de Sarcofago, mais c’est bien parce que je préfère la production de cette cassette.
Lorsqu’en 1987, le magazine Rock Hard sort le sampling Teutonic Invasion Part 1 en 1987, il espère en tirer de futurs grands de la scène. Les enregistrements sont bruts de fonte, seulement remixés pour la forme. Parmi eux, se trouvent des groupes de thrash dans le giron de Destruction ou de Metallica. Aucun d’entre eux n’accèdera au même rang, pas même Paradox se contentant d’un statut un peu culte. Surtout pas Minotaur ou Poison, celui qui va nous intéresser. Et c’est bien dommage, tant ce titre laissait présager quelque chose pour la scène death, parent pauvre entre le heavy/speed mélodique imposé par Helloween, et le thrash imposé par Destruction. Sans parler du pur speed de Running Wild, de Rage et de Grave Digger. Avec un batteur en place, un bassiste encore plus présent et surtout une voix plus black que death, on aurait eu un album certes auto-produit, mais à l’impact aussi indéniable que celui de Repulsion. "Sphinx" tente quelques plans d’ambiance et décharge le thrash slayerien avec conviction. Plus vicieux, "Yog-Sothoth" est un sprint sous un coktail dangereux de produits dopants. Son pré-refrain est méchant à souhait, rappelant Slayer et les débuts de Kreator. Même si "Requiem/Alive" n’est pas au même niveau, la surprise attend le thrasher au tournant : "Slaves (of the Crucifix)". Du death/thrash haletant, tonitruant et élastique, ne relâchant jamais sa prise pendant les 9 minutes et demi d’assaut, d’écrasement et d’asphyxie. La guitare envenime avec ce son malade pendant le pont, reprise de la montée en puissance imparable du début.
Probablement un des pires gâchis de la scène extrême cantonnée aux fanzines avec Mefisto. Même si le groupe n’a pas influencé grand monde, le guitariste ne lâchera pas l’affaire avec le groupe similaire R.U. Dead ? puis le groupe de stoner One Past Zero. Façon de boucler la boucle dans un doom/rock à l’imagerie aussi sale que celle de Hellhammer, qui les avait aussi inspiré.
« Modifié: 28 décembre 2022 à 22:10:57 par The Endoktrinator »
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1126 le: 28 décembre 2022 à 20:05:02 »
[:hurle] MON TOP 1987



1 - KING DIAMOND - Abigail
Alors qu’en 1986 King Diamond testait et affinait ses compétences de conteur macabre sur une poignée de titres, il décide de sauter le pas l’année suivante en écrivant et composant un concept-album intégral, basé sur une histoire type horreur de série B. Ici, le croquemitaine Danois campe le rôle du narrateur en plus d’interpréter tous les personnages en modulant sa voix si caractéristique. L’ambiance petit budget et doubleur solitaire semble très risquée ; d’ailleurs en découvrant le disque il y a maintenant presque 25 ans, j’ai souvent ri de malaise devant ces ululements outrancièrement théâtraux.
Cependant, tout a basculé le jour où j’ai acheté le CD dans un bac à promos pour le fun. Je me suis mis à lire les textes pour la première fois, en écoutant la musique en même temps, pensant m’en payer une bonne tranche… et je me suis retrouvé happé dans l’histoire totalement par surprise. De morceau en morceau, je plongeais en 1845 en compagnie de Jonathan, Miriam, des cavaliers noirs et du fantôme du comte, avec une certaine délectation pour ce kitsch intégralement assumé, ainsi que cette singulière adéquation entre la voix et les textes – lors des dernières notes de l’oeuvre, mon avis sur le chant de King Diamond avait pivoté de 180°. Quant aux compositions, j’avais remarqué dès le début que les musiciens n’étaient pas là pour déconner. Heavy metal classieux, structures à tiroirs, guitare solo lumineuse ou forcenée, rythmiques biscornues : Arrival, A Mansion in Darkness et The Family Ghost, ces 3 compos d’ouverture débarquent avec fracas sur l’Olympe du style et parviennent même à faire oublier la séparation du divin Mercyful Fate. Les autres titres ne sont pas en reste : The 7th Day of July 1777 et sa superbe intro, le riff punitif et le break mélodique d’Omens, l’entraînante Possessed puis l’inquiétante (et étrange) Abigail, et enfin le final grandiloquent de Black Horsemen.
King Diamond se retrouve donc en 1987 au sommet du heavy metal grâce à cette sorte de comédie musicale version Tales From The Crypt ; et en donnant une chance à Abigail, une partie des détracteurs de ce chanteur hors-norme risquent d’expérimenter comme moi une conversion radicale et immédiate, tel un athée tombant à genoux devant un miracle.

2 - CACOPHONY - Speed Metal Symphony
Dans mes tops, je n’ai mentionné qu’une seule fois le producteur Mike Varney, à l’occasion de la sortie d’Yngwie Malmsteen de l’anonymat avec Steeler en 1983. Mais son écurie Shrapnel Records déversait dans les années 80 une benne de groupes ou d’artistes de heavy/speed metal avec une propension pour le shred : Vicious Rumors, Chastain, Tony McAlpine, Vinnie Moore, Apocrypha, Racer X, Fifth Angel, Hawaii ou Cacophony. Si toutes ces formations ont accouché de bons albums, dont plusieurs en 1987, bien meilleurs que les dépréciateurs professionnels du shred ne le laissent entendre (avec cette guéguerre foireuse technique VS feeling ton-cul-sur-la-commode), le dernier de la liste survole la mêlée avec une maestria qui écrabouille la concurrence, bien au-delà des frontières du label.
Emmené par la légendaire paire de guitaristes Marty Friedman, 24 ans, et Jason Becker, 17 ans, Cacophony propose une collection de 7 titres speed metal, dont 5 chantés, qui décollent la tapisserie et fissurent la pierre. 45 minutes de riffs implacables et surtout de guitares virevoltantes, explorant de nombreux territoires mélodiques, des plus réjouissants (l’instrumentale culte Concerto, début du break de Desert Island) aux plus inquiétants et dissonants (outro de Where My Fortune Lies, dernière partie du break de The Ninja, final du morceau-titre) en passant par les plus mélancoliques (intro de The Ninja). Outre le tsunami de solos et d’harmonisations néoclassiques qui noiera sans difficulté les oreilles non aguerries, l’album propose aussi de vrais morceaux avec de vrais couplets, de vrais refrains, de vrais trucs à chanter en même temps que Peter Marrino et son organe granuleux ; les extraits de concerts d’époque circulant sur internet ne sont certes pas à son avantage (je pense surtout à son cri d’agonie porcine sur la version live de Desert Island), mais ici sa performance studio reste solide.
Speed Metal Symphony représente à la fois l’apogée du speed des années 80, et le pinacle du shred au service de la mélodie, orchestré par deux des guitar-heroes les plus incroyables de la scène metal entière. Ici, pas de demi-mesure, toute la gloire des années 80 en matière de virtuosité instrumentale, de permanentes et de futals en cuir a été condensée et distillée pour obtenir cet extrait d’une rare pureté.

3 - SEPULTURA - Schizophrenia
Sepultura réalise le fantasme des lycéens touchant vite fait à la musique : arrêter l’école à 15 piges pour former un groupe et en vivre – même si cela mettra un peu de temps. Si les frères Cavalera cherchaient à faire du metal extrême dès 1984, influencés par Celtic Frost, Slayer, Venom etc., ce n’est qu’en 1987 avec l’arrivée du soliste Andreas Kisser que le groupe eut enfin les moyens de ses ambitions. Terminé, les démos et disques « true » et « raw », désormais les Brésiliens ont le niveau et les idées pour pondre du thrash avec leur propre marque de fabrique, cette ambiance et ce son gargouillant, glougloutant.
Le ton est donné dès le premier morceau, From the Past Comes the Storms : rythmes thrash frénétiques, production étouffée, borborygmes ressemblant vaguement à de l’anglais, mais structure travaillée et cassures mid-tempo gouleyantes qui constitueront l’une des signatures musicales de Sepultura. L’écart de maturité et de compétences techniques avec Morbid Visions, pourtant seulement sorti l’année précédente, est considérable : les compositions ne bourrinent plus bêtement sans discontinuer ou presque, s’architecturent plus intelligemment, multiplient les breaks et égrainent riffs variés et solos intenses (les cultes To the Wall, Escape to the Void et Screams Behind the Shadows). Cet écart de gabarit se transforme même en véritable fossé lors du morceau instrumental Inquisition Symphony, festival de riffs de toutes sortes et de plans inspirés, avec en cerise sur le gâteau les premières incursions de guitare sèche dans leur musique. On peut légitimement se demander s’il s’agit bien du même groupe! Le célèbre label américain Roadrunner Records ne s’y trompe d’ailleurs pas et leur propose un deal.
Schizophrenia relève donc du petit exploit : avec des compétences qui explosent, une griffe plus affirmée et un premier soutien contractuel de taille, cette bande de jeunes chiens fous dessine maintenant son avenir au niveau international. En 1987 ils ont seulement entre 17 et 19 ans, rappelons-le… c’est dire le talent à l’œuvre.

4 - AGENT STEEL - Unstoppable Force
Suite au remarqué Skeptics Apocalypse en 1985, les speed metallers d’Agent Steel accueillent en leur sein l’excellent guitariste Bernie Versailles, qui enrichira drastiquement la musique de la bande : d’un speed metal trop concentré à mon goût sur la vitesse pure, les compositions sont dorénavant plus variées, plus propres aussi, jouant davantage sur les mid-tempos et les harmonisations, tout en gardant une bonne dose de rythmes endiablés et bien sûr ses vocaux haut perchés et nasillards. A vrai dire je n’ai jamais réellement compris l’enthousiasme général que suscitait le premier disque d’Agent Steel, tant Unstoppable Force me semble largement supérieur en tous points.
Au rayon des branlées nous avons le morceau-titre qui alterne refrains sauvages et couplets plus travaillés, Indestructive et son approche conjointe à celle du précédent disque, la subtilité structurelle en plus, et surtout The Day at Guyana, instrumental stratosphérique qui développe l’outro d’un ancien titre du groupe (Let It Be Done, sorti sur l’EP Mad Locust Rising, 1986) et en fait de l’or massif. Le reste ralentit sensiblement la cadence, et se rapproche d’un heavy metal vitaminé riche en galopades, comme sur Never Surrender, Chosen to Stay, Rager ou Nothin’ Left, où les guitaristes continuent de beurrer des solos et des harmonisations juteuses à souhait. Seules Still Searchin’ et Traveler détonnent en levant franchement le pied ; on s’amuse aussi à trouver des ressemblances vocales ici et là entre John Cyriis et Geoff Tate de Queensrÿche – ce qui est plutôt un compliment. En somme, un excellent effort de speed metal libéré du carcan du tachymètre, ce qui constitue d’une façon paradoxale (au premier abord) la recette typique de tous les meilleurs disques de ce style durant les années 80.

5 - SATAN - Suspended Sentence
Nous avions laissé ces fameux Anglais en 1983, auteurs à l’époque d’un grand classique de NWOBHM, un peu plombé à mon sens par une voix manquant de mordant. Ensuite la bande est passée par un changement de chanteur et de nom (Blind Fury) le temps d’enregistrer un album de heavy FMisé (Out Of Reach, 1985), puis re-changement de chanteur et retour du patronyme Satan pour un excellent EP de heavy / speed metal (Into The Future, 1986). Mais comme on l’a vu, cette époque charnière voit exploser d’un côté les groupes de speed/thrash, et de l’autre des formations de hard/heavy FM, souvent regroupées sous le terme bizarre de « hair metal ». Ne sachant sur quel pied danser et déjà relégué au rang de vieillerie 4 ans à peine après Court In The Act, Satan a perdu du temps, n’occupe plus le terrain, et leur retour pour leur deuxième album n’intéresse plus grand monde.
Et pourtant!! Suspended Sentence (à la pochette atroce ; à croire que ces mecs aiment se rajouter des obstacles) est un violent coup de pied dans les parties. Les musiciens, déjà excellents sur leur précédent forfait, parviennent à progresser encore et délivrent ici des performances dévastatrices, pratiquant un speed metal bien corsé, souvent à la limite du prog, aux riffs et solos déments. Je défie tout amateur de rester stoïque devant des missiles comme 11th Commandment, l’alambiqué Suicidal Justice, le redoutable shuffle de S.C.U.M. et surtout le sidéral Avalanche of a Million Hearts. En outre, leur nouvelle recrue au micro (Michael Jackson, plus blanc et beaucoup plus véner que son célèbre homonyme) pallie avec éclat aux lacunes de Brian Ross sur le premier album : sa voix est certes plus râpeuse, moins orthodoxe, mais plus présente, plus intense, opérant ainsi un rapprochement certain avec la scène thrash qui déferle sur l’Europe.
Dommage que ce disque soit un peu terni par trois titres plus quelconques (Who Dies Wins – au super break cependant – ou Vandal et Calculated Execution), car il dispense une vraie leçon de style à maints endroits ; imaginons-les remplacés par Ice Man et Key to Oblivion de leur EP de 1986, et Suspended Sentence s’élevait au stade de chef d’œuvre incontestable et de pièce maîtresse du metal anglais. Cela aurait-il changé le destin du groupe ? Peu probable, car le monde entier est rivé sur une scène US qui ringardise les groupes de la NWOBHM à vitesse grand V.

6 - VOÏVOD - Killing Technology
Après deux premiers disques assez bruitistes sortis en 1984 et 1986, le quatuor Québécois poursuit une évolution légèrement entamée sur Rrröööaaarrr, vraie pétarade dominée par des influences punk hardcore, mais où apparaissaient très discrètement des pointes de progressif – aussi contre-nature que ce mélange puisse paraître. Killing Technology va donc plus loin dans l’antagonisme : sans être un album ultra subtil, ni méga complexe, encore moins successeur d’un classique de Genesis ou Pink Floyd, il commence à nettement pencher vers un côté prog tout en gardant une abrasivité sonore thrash / punk.
L’énergie bouillonne de toutes parts, mais de façon intrigante : Denis Bélanger aboie plus qu’il ne chante, même s’il essaye de faire des notes ici ou là, Michel Langevin fracasse son kit de manière plus alambiquée, Jean-Yves Thériault fait ronfler sa basse en rythmes impairs et Denis D’Amour balance des dissonances partout. Techniquement nous avons maintenant affaire à du tech thrash ; les structures chaotiques, l’agressivité globale et les mélodies déroutantes ne laissent aucun doute à ce sujet. Je retiens surtout le morceau-titre, Forgotten in Space, This Is Not an Exercise, et Ravenous Medicine au vidéo clip fait maison à voir absolument. Les plus pointus remarqueront les textes tournant autour de la science-fiction, quelques effets sonores à l’appui (les voix robotisées du morceau-titre), l’illustration sans équivoque, ou un style de riffing très caractéristique de l’ère post-Vektor (le rapprochement pendant le break de Order of the Blackguards s’impose de lui-même), et oseront parler de premier disque de « sci-fi thrash » de l’histoire, genre de niche qui prendra son envol… plus de 20 ans plus tard!
Le côté clairement avant-gardiste et expérimental avec deux décennies d’avance force l’admiration et justifie la présence de Killing Technology dans ce top ; toutefois il aurait pu être plus haut dans le classement s’il avait été moins bordélique, car les oreilles et la cervelle sont mises à rude épreuve. Voïvod rentre avec ce troisième opus dans le club très fermé des groupes de « techno-thrash », sous-genre au stade embryonnaire à cette date et nommé ainsi a posteriori, et n’ayant pour comparses que Watchtower, Coroner et Mekong Delta – ébauche de scène qui fascine, tant par sa dispersion géographique que par son hétérogénéité stylistique.

7 - CORONER - R.I.P.
Si au début des années 80 il n’était pas rare de croiser des groupes peu expérimentés qui apprenaient quasiment à jouer « sur le tas » et mettaient un ou deux albums à se mettre d’équerre (Sodom ou Kreator, au pif), la fin de décennie approchant et l’offre metal se développant de façon exponentielle, des jeunes formations déjà très avancées techniquement commencent à débarquer pour tenter d’être crédibles et se faire une place dès le premier disque. C’est le cas de Coroner. Ces Zurichois frappent très fort d’entrée de jeu en agrémentant leurs nettes influences Celtic Frost (alors principale formation de metal extrême helvète) de riffs rapides et inépuisables, de solos maîtrisés tirant sur le néoclassique, et de constructions un peu biscornues.
Le niveau du jeune trio est déjà époustouflant et bouscule les lignes ; on le classera dans le tech-thrash par commodité, même si le seul vrai titre thrash ici demeure Totentanz (ou Fried Alive à la rigueur), le reste étant plus volontiers speed metal. L’ouverture de R.I.P. est phénoménale : entre l’efficace Reborn Through Hate, toujours joué en rappel aujourd’hui, l’étrange When Angels Die aux changements rythmiques puissants et aux chœurs magnétiques, et l’instrumentale Nosferatu, qui ressemble à ce que jouerait une version corrompue de Malmsteen, l’effet produit est surprenant, tétanisant. La suite reste excellente, très énergique (Spiral Dream, Coma, Fried Alive), et renoue même avec le sidérant sur le morceau-titre aux fougueuses parties de basse d’une rare clarté - rappelez-vous de Jason Newsted sur le premier Flotsam And Jetsam. Au chapitre des défauts, on pourra citer la production un peu juste, ou ce motif du guitariste Thomas Vetterli [E5 B4 D5 (D5bend)E5] placardé sur quasiment tous ses solos, parfois un ton au-dessus ou deux tons en-dessous, comme si ça suffisait pour masquer ce tic de langage – détail pas très grave en soi, mais qui une fois aperçu peut devenir énervant.
Artistiquement, R.I.P. constitue un départ remarquable, malheureusement peu remarqué : pratiquer un style 1) hors des sentiers battus et 2) dans un pays Européen qui n’est ni l’Angleterre ni l’Allemagne, signifie souvent vache maigre. Coroner n’est probablement pas né au bon endroit.

8 - CANDLEMASS - Nightfall
« I bind unto myself… today the strong name of the trinityyyyyyyyyyy » : ces mots résonneront à jamais dans la mémoire de ceux qui ont, un jour, écouté Nightfall. Sur ce deuxième album, Candlemass prend sa forme classique : Leif Edling, le Steve Harris du doom, ajoute les deux pièces maîtresses qui porteront sa formation au firmament du metal suédois des années 80. D’abord le six-cordiste Lars Johansson, qui éblouit par ses mélodies prenantes et solote comme si sa vie en dépendait, et bien sûr l’immense chanteur Messiah Marcolin du groupe doom Mercy, à la voix profonde et aux mythiques trémolos.
La recette de l’ « epic doom metal » reste inchangée : rythmiques pesantes, vocaux cérémonieux, constructions réfléchies, mélodies prenantes, solos à la limite du shred, et en bonus chœurs fantomatiques, sons de cloches sinistres, et petites accélérations heavy metal. Les titres glorieux s’enchaînent : The Well of Souls, At the Gallows End, Dark Are the Veils of Death, ou l’inoubliable Bewitched au vidéo clip délicieusement kitsch. Au rayon dépression caractérisée, les joyeux larrons dispensent deux merveilleux hymnes au mal de vivre, Samarithan et Mourners Lament, illuminés par des breaks mémorables ; c’est là toute l’intelligence de Candlemass : même lors des morceaux les plus sombres, les plus abattus, il y aura toujours une éclaircie et des modifications inattendues. Nightfall succède ainsi sans honte au monolithique Epicus Doomicus Metallicus, et non seulement se pose en album-référence du doom, mais révèle au monde l’un des meilleurs vocalistes metal ayant foulé cette Terre, rien que ça.

9 - TESTAMENT - The Legacy
1987 est l’année où la deuxième vague de thrashers explose, en particulier Death Angel, Sacred Reich, Heathen, Artillery, Coroner, Nasty Savage, Infernäl Mäjesty, Toxik et Testament. Pour cette neuvième place j’ai vraiment hésité entre ces deux derniers ; même si j’ai plus d’affinités avec le World Circus de Toxik sur le papier, The Legacy me paraît qualitativement plus homogène. Né dans le bon pays et la bonne région (San Fransisco), Testament n’a pas eu beaucoup de soucis pour percer par rapport à d’autres formations, hormis gérer un changement de nom de groupe à la dernière minute pour une histoire de droits. Sous contrat du label spécialisé Megaforce dès 1986, le premier album cartonne à son échelle et bénéficie même d’un vidéo clip tournant sur la toute nouvelle émission metal de MTV, Headbangers Ball.
Musicalement, Testament évite intelligemment le piège consistant à vouloir repousser les limites de l’agression thrash (Slayer ayant refroidi tout le monde en 1986) et se concentre sur les mélodies, les refrains, les solos marquants et virtuoses, ce qui répond à cette tendance globale de la fin des années 80 à vouloir ajouter de la subtilité, du savoir-faire technique et des variations à une musique en grande partie influencée par le punk, l’éloignant ainsi de ses racines minimalistes. Ici, seul le titre C.O.T.L.O.D. bastonne sans offrir d’espace respirable, sinon The Legacy distribue les airs entraînants par packs de 36 : le break d’Over the Wall, de First Strike Is Deadly et d’Apocalyptic City, les riffs principaux de The Haunting et Burnt Offerings, les couplets de Raging Waters, les refrains de Do or Die et Alone in the Dark… Testament brille par la qualité de ses accroches, sa voix bien dosée entre abrasion et notes chantées, ses solos mitraillés par un guitar-hero en devenir, Alex Skolnick (18 ans…), mais sait aussi balancer des gnons avec de grosses cavalcades régulièrement placées pour ne pas que l’auditeur oublie qu’il écoute du thrash made in San Fransisco.
Le quintet a beaucoup de talent et je ne le lui enlèverais pas : il a su se frayer un chemin rapide vers le succès, certes en étant aidé par un environnement propice à son développement (contrairement à d’autres), mais en surpassant la pléthorique concurrence. The Legacy est un grand classique du thrash metal à ne pas négliger.

10 - SAVATAGE - Hall Of The Mountain King
Les espoirs du heavy metal américain avaient disparu de la circulation dans mes sélections d’albums depuis leur très bon Sirens en 1983 : la suite comporte de bonnes choses mais s’avère moins reluisante, et surtout émaillée de conflits avec leur maison de disques Atlantic Records qui faillirent avoir raison du groupe. Cependant, leur contrat avec un label majeur leur permet de garder contact avec un large public en tournant en support de Kiss, Metallica ou Motörhead, et de mettre ces efforts à profit lors de la sortie du quatrième album : Hall Of The Mountain King. Un soudain regain d’inspiration associé à un retour aux riffs bruts sont les deux mamelles du succès à une période où le rock dur truste les ondes aux Etats-Unis, et la carrière de Savatage peut enfin décoller de magnifique manière avec un disque qui frise souvent la perfection.
Le heavy metal y est pratiqué dans les règles de l’art : riffs accrocheurs (Beyond the Doors of the Dark, Legions, Devastation), subtils (24 Hours Ago, morceau-titre), et même un peu sucrés (Strange Wings), refrains fédérateurs, breaks toujours superbes et interventions solos fantastiques. La seule ombre au tableau est le zèle déployé par le chanteur Jon Oliva. Même si sa voix est techniquement au top, et va jusqu’à faire preuve de majesté à de nombreuses reprises, il rajoute toujours cette couche non nécessaire, la vocalise de trop, à la limite de m’irriter : « aaaaaah », « oooooh », « yeeeeaaaaah », « aah-aah-aah-aah-aah-aah », ou encore « haaaaaaaaa haaaaaaaaa » ou « ooooh aaaaaAAAAAH ». Quatre, cinq, six, sept fois… par titre. Ça peut saouler. Il n’y avait pas ce côté envahissant sur les albums d’avant et ce vice est d’autant plus regrettable qu’il apparaît sur leur plus belle collection de titres.
Hall Of The Mountain King reste néanmoins un grand disque de heavy metal pouvant rivaliser avec les références anglaises en la matière, surtout grâce à la classe surdimensionnée du guitariste Criss Oliva, la vraie force créatrice de Savatage, mais aussi plus largement en passe de devenir celle de la scène heavy américaine.

11 - HELLOWEEN - Keeper Of The Seven Keys Part I
Contrairement aux apparences, finir 11ème de mon top 10 pour 1987 n’est pas une médaille en chocolat : de tous les bons disques que j’ai dû éliminer cette année, j’ai choisi d’en repêcher un. Après un Walls Of Jericho infernal, une reconnaissance grimpant en flèche, des concerts à la pelle où Kai Hansen montrait ses limites au poste de chanteur guitariste, et une dépression nerveuse de son compère Michael Weikath, les Allemands semblent déjà sur les rotules à peine leur carrière commencée. Entre alors en scène le jeune Michael Kiske et sa voix d’or ; Hansen peut alors composer plus librement sans se demander s’il parviendra à chanter en jouant en même temps ce qu’il écrit, et laisse Weikath au repos.
Keeper Of The Seven Keys Part I apparaît régulièrement dans les listes d’albums emblématiques de heavy/speed des années 80, à l’instar de son petit frère Part II sorti l’année suivante, et l’écoute de la galette en dévoile les raisons : les bombes de happy metal I’m Alive et Twilight of the Gods, le single irrésistible Future World, et le pavé de 13 minutes Halloween aux nombreuses parties et changements (donc metal progressif de fait). Question style, le speed metal débridé de Walls Of Jericho subsiste partiellement, Helloween infléchissant son approche dans une direction simplement heavy metal, mieux produit, mais gardant ce feeling joyeux voire naïf. Le chant académique de Kiske éloigne également la bande des territoires rêches précédemment empruntés par la voix de Hansen, plus râpeuse et thrashouille. Et c’est une franche réussite pour les fans et la presse, qui commencent à voir en eux les successeurs d’Iron Maiden. Pourtant le reste de l’opus est un peu juste : un ancien titre apporté par Kiske datant de son précédent groupe Ill Prophecy (A Little Time, sympa sans plus), une intro, une outro, et une ballade désespérée qui tranche avec le reste (signée par un Weikath neurasthénique) que le chanteur tente de sauver de la noyade à coups de vocalises (A Tale That Wasn’t Right).
Malgré tout, ce KOTSK Part I emmènera les citrouilles faire une tournée en terre promise en compagnie de Grim Reaper et d’Armored Saint ; le succès pointe le bout de son nez, le groupe est au seuil de la renommée internationale et KOTSK Part II enfoncera le clou, alors que les tensions s’immiscent dans cette mécanique en apparence souriante et bien huilée.
"Je veux une bonne fois tenter l'épreuve qui fera voir jusqu'à quel point nos semblables, si fiers de leur liberté de pensée, supportent de libres pensées" Nietzsche

Hors ligne The Endoktrinator

Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1127 le: 12 janvier 2023 à 16:15:34 »
1988.

Tableau d’Honneur :



RiotThundersteel.

Riot est un groupe qui avait plus à gagner que d’autres groupes. Oubliez les Crimson Glory, Cirith Ungol d’avant Paradise Lost, Helstar et autres Satan. En plus d’avoir un management aux abonnés absents, ce groupe n’arrêtait pas de changer de formule. Cette fois, ils s’essaient au heavy/speed metal (non, je refuse de parler de power metal). Allez, sur un malentendu, ça peut marcher, même sans Guy Speranza.
Et ben ouais. Ils y sont parvenus. Tony Moore n’est peut-être pas le chanteur ultime pour un tel virage, mais c’est autre chose que Mike Vescera, tout de même. Et puis on peut dire qu’il arrive à être méritant dans son registre. Thundersteel est une des meilleures mues de groupe qui fut durant les années 80. Navigant entre speed et heavy, mélodique, enlevé, gorgé de riffs tueurs et de refrains imparables, voilà ce qu’on peut appeler un vrai disque sous-estimé. Surtout que son brelan de début est assommant au possible : entre le riff comète de Pégase de la chanson titre et la lourdeur épique de Sign of the Crimson Storm, le groupe semble être parti pour enfin faire oublier la débandade de "Restless Breed" et "Born in America". Mais il l’est vraiment lorsqu’on entend le deuxième titre, qui mélange les styles de ces deux chansons pour un résultat des plus explosifs. "Fight or Fall" est peut-être la meilleure chanson de l’album, entre sa cavalcade infernale et son refrain ultra-entrainant.
Le reste peut éventuellement baisser, mais rien de grave. A part peut-être de terminer l’album par un trop longuet Buried Alive (Tell Tale Heart). Cela n’aurait pas été un mal de terminer l’album par le fort et rampant "Run for your Life", une des rares évocations du rock ‘n roll Fire Down Under. A dire, vrai, "Fight or Fall" avait un sérieux concurrent au titre de meilleure chanson de l’album. Après le moins bon "Johnny’s Pass" qui suit assez mal les tonitruants "Flight of the Warrior" et "On Winds of Eagles", "Bloodstreets" coupe le souffle. Une fausse flute et une acoustique plus tard, le groupe lance le titre le plus mélodique, riffant, et donne tellement envie de sauter sur sa chaise et de courir tel Rocky prêt à se battre contre le monde. Un refrain et demi des plus accrocheurs et élaborés.
En 1988, le groupe tente quelque chose et y parvient. Mais quand on a été absent pendant cinq ans, déjà cinq trains sont passés. Il est difficile de rattraper plus d’un train en marche. Face au thrash dominant, à la fuite en avant de la sophistication et à l’underground bouillonnant, Riot va voir la situation lui échapper. Tout le monde n’a pas pu être comme Maiden, ainsi va la vie.




CoronerPunishment for Decadence.

Il est des paradoxes assez difficiles à expliquer et surtout à assumer. La production des deux premiers Coroner en est un sacré exemple. Déjà, je parle de production sonore au sens général et pas seulement de pure qualité sonore. Pourtant, à ce stade, il n’est pas (vraiment) question d’arrangements, de choix de sonorisations et de jeu au moment d’entrer en studio. Le trio en est encore à sortir ce qu’il y a à sortir. C’est-à-dire des riffs et un peu de solos parce que bon, faudrait pas rester dans l’ombre de Celtic Frost.
Ici, le paradoxe est que sur Punishment for Decadence, le son est moins brut et grossier que sur le précédent, mais est moins clair, la basse se détachant difficilement de la guitare. La batterie, débarrassée de la réverb encombrante, se contente d’un écho pas trop envahissant. Reste que c’est plus étouffé dans l’ensemble. Fort heureusement, le travail peut commencer, amenant à une véritable personnalité pour le groupe, en sonorisation comme un écriture. Et ça démarre fort avec les deux premiers titres que sont "Absorbed" et "Masked Jackal". Les riffs sont moins rigides sur le premier, qui préfigure les futurs plans tordus et sinueux, même si niveau solos, ce n’est pas encore ça. Le Baron décochera son meilleur solo sur "Masked Jackal", une pure merveille en deux partie séparées par un refrain et demi, scandé furieusement par Royce. Bendé, speedé, vicié, ce solo fait déjà rêver.
La suite va un peu osciller : une tuerie, un titre plus en deçà. Ou c’est l’inverse, on ne sait pas trop. Quelle idée, aussi, de terminer par la reprise dispensable de Purple Haze, ne parvenant pas à se fondre dans l’ambiance globale de disque. Le meilleur exemple de cet aspect est l’enchaînement "Sudden Fall"/"Shadow of a Lost Dream"/"The New Breed". Le premier succède à l’implacable "Skeleton your Shoulder", le plus mieux construit, le plus riffesque et au refrain le plus agressif, et baisse un peu. Shadow of a Lost Dream, plus basique mais tout aussi puissant, laisse quand même place à un double refrain. On pense qu’il commence après le premier couplet. Erreur ! C’est encore après. Dans le heavy, on peut citer "Dream Fantasy" de Loudness. Dommage que "The New Breed" soit moins ultime.
Coroner, avec Masked Jackal, obtient son premier clip et ses premières dates à l’étranger, et notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. Noise Records ne se bougent pas plus que ça au niveau de la promotion, le groupe étant peut-être jugé trop distant par rapport à Kreator, Running Wild ou Helloween, la superstar du moment. 




MegadethSo Far, So Good, So What.

On parle souvent de Gar Seamulson et de Chris Poland, musiciens venus du milieu jazz et parachutés dans un groupe de thrash metal. Mais si Chuck Beller n’a rien qu’un premier de la classe, Jeff Young a tout de même certaines connaissances dans la musique au point d’être diplômé d’une école qui a vu surgir Paul Gilbert ou Jeff Buckley. L’anecdote de son recrutement est amusante : il devait apprendre en urgence les titres de Megadeth à un candidat au poste laissé vacant par Poland, mais Mustaine décide de la choisir en l’entendant.
L’album qui en résulte est un tournant, tant en production qu’en compo. Davey est tout content de pouvoir utiliser plus d’effets et ne va pas se priver d’en abuser, notamment au niveau de la réverb qui va se révéler assez envahissante, compromettant le raffinement de l’ensemble. Cela dit, la basse est toujours là, massive et claquante, et la batterie au même niveau qu’auparavant. D’ailleurs, côté compos, cela ne semble pas renversant : la furia est toujours là, du bombardement massif sur "Set the World Afire" à "Liar" en passant par le hard "502". Si Mustaine sait dédier ses choix de titres avec la reprise d’"Anarchy in the UK" (en soutien à un fan membre de l’IRA), cette reprise n’est pas énorme malgré un Mustaine plus furax que jamais.
Non, la surprise vient de deux titres : "Mary Jane" et "In my Darkest Hour". Mustaine veut plus fin, plus posé, plus fort aussi. Et pas juste sur une intro comme pour "Good Mourning/Black Friday". Au fur et à mesure, le travail sur la voix paie, et il suffit d’entendre l’autre titre pour s’en convaincre. En colère retenue, en souffrance ("Feel so Cold, very coooold, no one cares for meeee"). J’avais entendu ce titre sur la vidéo Decline of Western Civilization part 2, et ça tranchait avec le bolide qui fonçait sur moi avec Peace Sells. Puis vient la furie malgré une batterie plus contenue, remplissant moins la mesure qu’avant.
1988 est une année importante : Mustaine remporte sa première victoire contre ses anciens comparses, compactant ses riffs là où la bande à Hetfield les étire jusqu’à la rupture. La guerre des tranchées continuera, mais pour ceux qui savent, la victoire commence à se voir d’un certain côté. Rendez-vous dans deux ans.




DeathLeprosy.

C’est toujours utile de garder le contact avec les vieux amis. Ce sera hélas la dernière fois que Chucky se souviendra de ce conseil, mais pour l’heure, faute de grives, il est bien obligé de reprendre un second guitariste, un bassiste et un batteur. Fripon, il décide donc de priver Kam Lee de ses troupes de Massacre. Bien qu’il doive partager l’écriture des morceaux à part "Leprosy", Pull the Plug et Primitive Ways qui est de Rick Rozz, on sent qu’il a une vision.
Chose utile à savoir, l’album n’a pas été enregistré au Morrisound Studio, seulement mixé. Et Schuldiner doit encore se taper les parties de basse tant Butler n’est pas encore au niveau pour les jouer. Mal pour un bien, il va la rendre aussi lourde que sur le précédent disque, conférant toujours une aura poisseuse. Le râle morbide qu’il pousse dès le premier morceau est équivoque : ce ne sera plus seulement une bande de délinquants zombies qui vous foncent dessus pour vous bouffer, c’est un broyeur de cadavres qui vous piège. La batterie, surmixée, et les guitares mélangées à cette basse grasse, écrasent. Si Chucky n’écoute pas encore du jazz le dimanche, il pense encore au heavy de sa prime jeunesse. Toute la face A est sa vitrine, tant sa face B pèche plus. "Choke on It" fait filler, et "Primitive Ways" est un titre de Rick Rozz. Dommage que Massacre n’ait pas sorti ce titre via un album ou au moins un EP en 1988, ça aurait permis une meilleure place dans le death metal que pièce rapportée du temps des tape trading.
Le milieu de l’album est tout simplement époustouflant : si "Pull the Plug" ne démérite pas, il reste coincé entre deux tueries : "Left to Die" et "Open Casket". Le premier est l’un des plus pensés, comme une version améliorée de "Zombie Ritual" ou "Sacrificial", tantôt brutal, tantôt sombre. Encore aujourd’hui, les hurlements dégrénés de Schuldiner font douter de la pertinence du brutal death. "Open Casket", lui, percute l’auditeur de son break vicieux et de son interlude tordue, de laquelle s’échappe un solo plus mélodieux que de coutume. Les textes y sont les plus personnels, évoquant la mort du frère de Chucky auquel il était tant attaché. Le temps des soirées entre potes bourrés devant le film d’horreur du dimanche  soir est bien terminé. Et bientôt l’aventure avec le groupe Massacre tant la tournée qui s’en suit commence à épuiser Schuldiner qui pense de plus en plus trainer ses comparses comme des boulets.
A mon sens, ça s’arrêtera là pour Death en tant que pionnier du death metal. Lui-même ne se rend pas compte, à ce moment-là, à quel point il est référentiel dans le milieu. Il a déjà des envies d’ailleurs. Cela le poussera à l’irréparable : rejeter le milieu qui l’a vu naître et auquel il se montrera même ingrat en s’autoproclamant auteur de toute la musique. L’histoire ne dit pas si des fans ont lâché l’affaire, mais l’envie sera de plus en plus forte.




Iron MaidenSeventh Son of a Seventh Son.

C’est ça, la musique : on tâtonne mais on finit par trouver. C’est que pense Adrian Smith en écoutant les maquettes puis les bandes de l’album fraîchement enregistré pourtant dans une routine. Somewhere in Time était le prototype, Seventh Son of a Seventh Son est l’accomplissement. Et autant dire qu’on peut être fier de faire plier un patron comme Steve Harris.
Pourtant, ce dernier montre qu’il reste le patron : "Can I Play with Madness ?" continue de perpétuer la tradition du heavy fonceur et épique des premières années, inspirées par les dix minutes homériques de "Achilles Last Stand" du dirigeable. "Seventh of a Seventh Son" est moins une épopée que "Alexander the Great" et "Rime of the Ancient Mariner" et tire un peu trop, mais parvient à tenir la barre en milieu d’album. Cet album est le plus raffiné des années 80, et même les synthés glissent dans cet ensemble et ne perturbent plus les guitares. Mieux vaut donc commencer par cet album pour voir que les synthés dans le metal, c’est possible (à l’époque, c’était très mal vu). Cela tombe bien, puisque "Moonchild" commence ces nappes de synthé. Puis on enchaîne.
En réalité, tout le répertoire, ancien comme nouveau, est raffiné, amélioré, sublimé, presque. Un album synthèse, en somme. On a déjà cité Can I Play with Madness ?, mais The Evil that Men do, signé Dickinson et Smith, le montre également. A tel point que Jannick "Bozzo" Gers ne fait pas n’importe quoi à la place du solo de Smith. C’est la marque des grandes composition : quand toute variation, ajout ou suppression est impossible. Je dirais même que "The Prophecy" est une surprise : là où Déjà-Vu n’était pas franchement inoubliable, ce titre est vraiment excellent, montrant une marge de progression dans les accords, distillant d’autres types d’atmosphères, ici plus étranges que de coutume.
Malheureusement, Steve Harris va vite atteindre ses limites en terme de tolérance d’un changement de style. Il avait espéré revivre le départ de Dennis Straton qui n’hésitait pas à participer à la composition, mais c’en est trop. A son grand dam, la sophistication, en vogue dans le hard US, entre autres, ne lui convient déjà plus. Reste quand même deux très bons disques. Seventh Son of a Seventh Son est-il un disque progressif ? Pas pour autant, non.




ManowarKings of Metal.

Manowar a un sacré handicap par rapport à ses thèmes, son attitude et son image : il a tendance à en faire trop. Pas en terme de composition ni de jeu, leur dynamisme est encore pertinent aujourd’hui quand tout le monde veut en foutre des tartines en étirant leurs compos avec un mur sonore équivalent à la Grande Muraille. Non, c’est le fait de foutre n’importe quoi dans leurs albums, pourvu que ça en rajoute dans la surenchère.
En effet, ici, il faut toujours enlever l’interlude à la basse et la narration qui ne sert absolument à rien. C’était déjà un soucis sur Fighting the World, mais au moins, le reste de la chanson "Defender" permettait de passer outre. Ici, le problème, c’est qu’on a quatre minutes de racontars que la musique évoquait déjà toute seule. En plus, sur cet album-ci, un autre problème intervient : le bonus CD. Quand on achète un vinyle ou une cassette, la question ne se pose pas vraiment. Mais dans les années 80, se payer un CD coûtait d’autant plus cher qu’il en fallait une bonne poignée pour rentabiliser l’achat de la platine nécessaire. Et souvent, c’était la déception qui était au rendez-vous. Ici, c’est la gêne. Quand on lit un texte consternant comme celui de "Pleasure Slave", il y a intérêt que le riff soit assez puissant pour passer la pilule. Erreur : c’est moyen.
Heureusement que sept autres tueries nous attendent. Manowar se codifie de plus en plus mais maintient un excellent niveau. Il sait se trouver toujours aussi inspirant avec Heart of Steel, et même avec la chantante "The Crown and the Ring (Lament of the Kings)", fausse narration rangeant un temps guitare et basse au placard. Des groupes comme Atlantean Kodex devraient s’en rappeler. Il faut vraiment profiter de cet album car c’est aussi l’aspect rock qui disparait, incarné par le morceau-titre qui prolonge ce qu’on entendait dans l’explosif "Blow your Speakers". Le groupe se hisse au niveau du légendaire Sign of the Hammer avec  deux immenses tueries : "Hail and Kill" et "Blood of the Kings". Une guitare, une basse, une batterie et un chanteur qui montent à l’assaut, pourquoi s’emmerder avec des pistes de guitare à ne plus savoir quoi en faire ou même un orchestre ? C’est la base de l’évocation : donner l’impression de.
Cet album marque la fin d’une série de très bons disques. Un album charnière, presque. Dommage que les années 90 vont être moins tendres et servir de prologue à la grande tragédie des années 2000 : la déchéance d’un grand groupe de heavy metal. HAIL AND KILL !!!!!



Reçus :




QueensrÿcheOperation Mindcrime.

Les concepts albums, c’est compliqué. La réussite n’est pas tant dans le concept en lui-même que dans son traitement. Il suffit de voir le naufrage de Nostradamus récemment ou, anciennement, la demi-teinte de Savatage avec Streets. Dans les années 80, si on peut parler de Maiden, Queensrÿche reste le groupe emblématique de cette démarche de par sa proximité avec la progression, et surtout Pink Floyd.
Pourtant, rien ne rapproche Operation : Mindcrime de The Wall. L’un est américain et l’autre anglais, et très franchement, on pourrait en rester là. Duel de guitares dans la tradition hard rock chez les US, approche plus classique chez la perfide Albion. Aspect larger than life chez Sam, ambiance plus lourde chez Albion. Deux guitares et un peu de synthés et autres arrangements simulateurs ou multiplication des instruments. De toutes façons, seule l’ambition rapproche ces deux groupes. Queensrÿche ne franchira le Rubicon que par la suite. Et à ses dépens. En 1988, le groupe reste heavy, sophistiqué, moins aventureux pour plus solide qu’avec Rage for Order. Rien que la production  en atteste : les arrangements continuent à enrichir le merdier, tout est toujours plus lisse sans être aseptisé, et puis cette basse… mais bordel, combien de bassistes ont pu profiter d’un son pareil ? Pas grand monde. Les débuts tonitruants ("Revolution Calling", "Speak"), la recherche de quelque chose de grand sur tous les aspects ("Sister Mary’s Suite")… quelle meilleure façon de terminer cet album que par Eye of a Stranger et son refrain avec un Geoff Tate au top de son maximum.
On aura beau essayer de convaincre avec d’autres groupes, comme Sword, Crimson Glory, Fates Warning. Game over. Queensrÿche est tout en haut. Trop, peut-être. Résultat, ils vont redescendre dès Empire, nettement moins bon, puis se rapprocher dangereusement de la croute terrestre qu’ils atteindront en 2008 avec le culotté (dans le mauvais sens du terme) Operation Mindcrime 2.




VoïvodDimensions Hatröss.

Killing Technology ne fait pas partie de mes Voïvod préférés. Je n’avais pas beaucoup adoré d’autres titres que "Killing Technology", "Ravenous Medecine" et "This is Not an Exercise". Mais ça restait un bon disque, moins charnière que Rrröööaaarrr, cela dis. En 1988, le groupe va pousser plus loin et se fixer sur une chaise au lieu de bloquer son cul avec une autre.
Cette fois-ci, le thrash punkoïde s’affine tout en restant agressif. Mais plus au sens rythmique bourrine et riffs bruts à tout berzingue. La stratégie est désormais toute autre. La production est toujours métallique, le monstre d’acier pointu de partout se devine encore. Pour combien de temps, ça, difficile à dire. Surtout quand on écoute "Chaosmöngers", qui préfigure Nothingface et tout le côté… comment dire… cyber hard rock ? Oui, on peut dire ça. Pour l’heure, "Tribal Convictions" tabasse encore un peu et "Brain Scan" distille ses riffs et ses solos dissonants à souhait. Voïvod, c’est LE groupe unique de cette époque-là. Mekong Delta et Watchtower s’inscrivent dans la mouvance cherchant la technicité via les musiques plus nobles, Coroner reste encore ancré dans le Metal pur avec ses assauts thrashy. Voïvod est autre. C’est l’extra-terrestre dans tous les sens du terme, confirmant ce qui était à l’œuvre dès "Live for Violence" issu de War and Pain.
Disponible uniquement sur CD en bonus à cette époque, la reprise du thème de Batman est aussi marrante qu’intéressante. Il s’agit du thème de la série avec Adam West, et Piggy la transforme en un cyber-metal vicieux. Cela aurait pu faire une musique pour une approche plus millerienne du Batman par Burton alors en approche.




Napalm DeathFrom Enslavement to Obliteration.

Quand on a défini la frontière du bruit avec Repulsion, il est assez difficile de faire encore plus brutal après. Le groupe de Justin Boraderick a de la chance : leur hardcore overspeed va vite être obsolète avec l’arrivée de Shane Embury et Mick Harris, qui en écoutant la démo Slaughter of the Innocent, va transférer le matraquage sur la cymbale vers la caisse claire, donnant forme au blast-beat connu aujourd’hui.
FETO est plus un album entier que son prédécesseur qui pourrait être un split tant les deux formations sont différentes. Lee Dorian et Bill Steer installent une ambiance plus lourde, plus trouble que durant le bordel punk des débuts. Cela fonce toujours autant, mais c’est plus oppressant que sur le titre "Scum", et il n’est plus question de blagues genre "You Suffer". "Evolved as One" donne presque le ton : Quelques plans groove de batterie, une voix déclamante et quelques coups de basse. Puis la guitare déboule, comme une scie découpant lentement un fémur. Puis Dorian se déchaîne, puis reprend une sorte de voix... doom ? une avant-première de Cathedral ? Possible. Si les titres les plus courts sont encore plus violents que sur Scum, c’est sur d’autres qu’il se démarque : "Unchallenged Hate", le morceau-titre, "Mentally Murdered" ou "Cock-Rock Alienation" se montrent moins bête. Cela reste sale, mais Bill Steer montre déjà quelques capacités, tandis qu’il s’occupe également de Carcass, autre formation anglaise qui va tenter de pallier les carences extrêmes de l’Angleterre.
Le groupe se paie le luxe de descendre sous la barre des trente minutes. Règle siné qua non pour réussir à tenir un concept ultra-brutal sans lasser l’auditeur. La leçon Slayer a fait des émules, comme on va le voir plus bas, puis chacun bordera la formule au fur et à mesure, diminuant la furie à l’œuvre en cette bouillonnante année 1988.




SlayerSouth of Heaven.

Ben, d’ailleurs, les inspirateurs vont aussi donner l’exemple. Que dire après Reign in Blood ? Ben pas le choix, il faut redescendre. Et se concentrer sur la teneur des titres. Si ça pouvait encore être maladroit avec Show No Mercy et Hell Awaits, passer chez Rick Rubin exige bien des sacrifices chez chaque membre de Slayer.
Tom Araya est le premier à en faire les frais. Plus question pour lui de lancer ses cris suraigus qui ne faisaient mouiller que les plus fêlés du bocal (c’est moi). Il va falloir crier normalement, puis peut-être même modérer sa voix. De toutes façons, il ne peut plus monter trop haut depuis la tournée de 1987. Alors, lui et les deux tueurs à la six-corde vont en profiter pour lever le pied et revenir à un travail plus mélodique sans l’aspect trop juvénile de Show No Mercy. Même la reprise de Judas Priest se fond dans le bloc intransigeant. Mais c’est "Behind the Crooked Cross" qui va donner le ton de ce changement. Araya chante presque, c’est dire. La composition rappelle presque "Necrophiliac" sur Hell Awaits, et c’est confirmé sur d’autres titres comme "South of Heaven" et aussi "Spill the Blood". Le plus intéressant est à la cinquième piste, "Mandatory Suicide", qui lui va préfigurer le prochain album, de par son côté rampant et ses lignes de guitares toujours plus malsaines.
South of Heaven est le dernier tour de roue sataniste de ces années-là. L’aspect reprise de Venom va disparaître et laisser place à un groupe toujours plus lourd. Plus sinistre. Plus violent, peut-être, loin  de la sauvagerie primaire des débuts. Comme l’attesteront même les paroles, de plus en plus américaines, si on puit dire.




Metallica...And Justice for All.

Comme dit à propos de Mekong Delta et Watchtower, on veut toujours prouver quelque chose. Metallica, affecté par la mort de Cliff Burton, refuse de chômer et veut lui aussi prouver quelque choses. Deux choses, plus précisément. La première, prouver que le groupe n’est pas mort avec leur copain. La seconde, que eux aussi, savent faire complexe.
La première mission est réussie… à moitié, dirons-nous. Il y avait de quoi leur donner entièrement raison. En 1988, lorsque le fan achète le disque, il ne le paie pas au prix habituel. Metallica décide en effet de faire payer…and Justice for All, album double… au prix d’un simple. Aucun autre label n’autoriserait une telle chose, pouvant condamner un groupe au suicide commercial. Dans le rock, on appelle cela de l’attitude. Entre ça et Garage Days (renouvelé en 1998), Metallica en a encore auprès de ses fans : on dit même que les royalties avaient permis à un membre de Diamond Head de payer la fac à son fils. "Blackened" déboule donc, terrassant tout sur son passage et asseyant Hetfield comme un excellent chanteur, mesurant les progrès accomplis depuis. Problème : où est la basse ? Sur tout l’album, elle surnage péniblement dans une production plus sèche que la Vallée de la Mort avec une batterie sponsorisée par Omo. La seconde promesse est ratée. Le morceau-titre est à des encablures des précédents, certains titres comme "The Shortest Straw" se perdent tant tout est étiré de manière hasardeuse. Cela dit, le groupe, saligaud, nous refait le coup des tueries compensant le reste. En sus de "Blackened" déjà évoqué, le groupe réitère le coup de la ballade qui s’emballe avec "One", un des tout meilleurs titres du groupe et qui s’offre un clip tranchant sévèrement avec la concurrence.
Un titre furieux avec hymne contre l’autorité parentale (nombre d’enfants de cette époque en pleurent encore) plus tard, l’album vient affirmer quelque chose. C’est peut-être la fin du thrash chez Metallica, c’est la fin des années 80, mais qu’importe. Trois albums et demi entrés dans la légende, un groupe inspirant pour toute une génération. Tous, admirateurs ou détracteurs, continuent de les regarder au lieu de tracer leur route. Tant mieux ou tant pis.




SadusIllusions.

Si cet album été plus maitrisé, il fuguerait dans mon tableau d’honneur. Tout simplement parce qu’il est responsable d’un changement chez moi. Avant, j’étais un con de guitariste et je pensais à la batterie au cas où. Mais bon, le manque de place chez soi quand la maison ne sert pas à habiter le conjoint et les gosses… c’est compliqué. Puis tout a changé avec Scream Bloody Gore et surtout Sadus, dont le bassiste détraqué, Steve DiGeorgio, a déboulé.
Cette époque bénie est un peu en train de revenir, mais pendant un moment, la quatre-corde fut négligée, noyée dans les mix grassouillets du death ou trop tronçonneurs du black. Et ne parlons même pas du heavy/speed mélodique teuton où faut se lever de bonne heure pour ne pas en entendre une en plastoche. Pas de ça ici : la basse est claquante, légèrement grasse et agressive. Soutenant des riffs thrash, lorgnant vers la brutalité du death, et parfois heavy ("Undead"). Comme Napalm Death, passer sous les trente minutes s’avère toujours judicieux quand on est furibard comme ça. Et puisqu’on a évoqué du black, difficile de ne pas y penser en entendant la voix de Darren Travis, un écorchement proche de Destruction ou du Slayer le plus énervé. Bathory est passé  par là depuis, et la même année, enfonce le clou avec Blood, Fire, Death, dont "A Fine Day to Die" va installer le black nordique.
Avec Certain Death, Hands of Hate ou encore Twisted Face, Sadus se positionne entre les genres. Thrash, black, death ? Qu’importe. Avec Protector, Sepultura ou encore Messiah, le thrash est plus que jamais à la croisée des chemins. Entre les cimetières sinistres et la porte de l’enfer.




Suicidal TendenciesHow Will I Laugh Tomorow if I Can’t Even Smile Today ?

Beaucoup citent The Art of Rebellion et Light… Camera… Revolution pour illustrer le tournant mélodique de Suicidal Tendencies. Et après tout, c’est bien normal : les deux albums coïncident presque avec l’apparition de Robert Trujillo dans le groupe. Pourtant, ce tournant a eu lieu bien avant. Cela dit, il est vrai que ce tournant est précédé de celui du passage du hardcore au metal.
Mais How Will I Laugh Tomorrow… est bel et bien un cap. Plus encore que son prédécesseur. Rien que le morceau-titre en atteste avec ses passages beaucoup plus posés, ce riff tout en descente et les interactions à la guitare. Ce qui lui permet de se rapprocher d’Anthrax qui a déjà Spreading the Disease et Among the Living. Cela ne l’empêche pas d’enchaîner le thrashcore toujours soutenu comme sur "Hearing Voices" ou "If I Don’t Wake Up", plus lent et menaçant. Les meilleurs morceaux permettent d’ailleurs d’illustrer le travail collaboratif entre Mike Muir et surtout Mike Clarke qui signe "The Miracle" et "One Too Many Times". Mais on peut aussi y voir l’influence de Louiche Mayorga, bassiste historique du groupe et qui a eu le temps de participer à "Hearing Voices", "Pledge Allegeance" et "Suicyo Mania", derniers tours de roue dans la période crossover.
Parmi les albums charnières, ce disque en est un des meilleurs. Il peut même être préféré à Nuclear Assault ou Anthrax si on est allergique au côté fonceur du premier et surtout aux chanteur dans le cas du second.




Nuclear AssaultSurvive

Celui-là est particulier : c’est à la fois un chéri et pas un chéri. Moins puissant et spontané que le précédent, se traînant une reprise en carton de Led Zeppelin, il reste quand même dans la lignée du thrash solide et caustique. Pas aussi bordélique que S.O.D, mais c’est normal : il s’agit d’un projet plus dans la durée pour Dan Lilker.
Même si on occultera pudiquement Got Antother Quarter et PSA. Et ce serait tant mieux avec Gooid Timers, Bad Times, car la durée serait parfaite. Neuf titres plutôt méritans quoiqu'un poil en dessous du premier album. La voix de Connely gagne en précision, Bramante en dextérité. Sans oublier le passé underground, bien sûr ("Fuck"). Perso, mon titre préféré est en début d’album avec Brainwashed. Découvert lui aussi via les chaînes musicales de M6 dans des émissions de fin de soirée (à enregistrer parce que ça commençait à minuit). Le rappel de la furie des titres comme Game Over, Hang the Pope ou autres, avec un Connely au bord de la crise cardiaque erst bien présent. Plus heavy, on trouvera des titres comme "Fight ot Be Free" et surtout le terrifiant "Wired", un titre écrasant et au niveau des plus massifs de Suicidal Tendencies. Et enfin, on n'oubliera pas l'ultra-speed et énervé "Equal Rights", bien à propos devant le succès grandissanty du rap contestaztire de Run DMC et son tube "Fuck da Police".
Même si le genre crossover reste flou, il est assez rassurant qu'il soit porté par des groupes d'une telle qualité. Sinon, il est assez recommandé de prendre Game Over en CD avec l'EP The Plague, qui vaut le coup d'oreille.

Espoir(s) :




TormentorSeventh Day of Doom.

Faire du metal extreme, ce n’était déjà pas chose facile dans un pays occidental peu habitué à des secousses pareilles, alors plus à l’Est où même Pink Floyd était considéré comme subversif... Tormentor, formation à cinq, tente un peu l’aventure mais comprend vite que ça va être compliqué de s’exporter : les cassettes et les fanzines arrivent au compte-gouttes et la police politique ne lâche pas le morceau, même en pleine Glasnost. Cette démo arrive quand même à s’extirper et provoque le même choc que Bathory un an plus tôt : maléfique, sombre, tordu (ces trémolos en va-et-vient au lieu sur une note). Il suffit de s’envoyer "Damned Grave", le morceau-titre et surtout Tormentor. La suite sera plus épique dans tous les sens du terme, mais on est un trve ou on ne l’est pas. La voix rapeuse de Attila Csihar est prémonitoire, difficile de savoir à quel point, en ces temps-là.



Recalés :





SaxonDestiny.

Comme dit à propos de Judas, Saxon aura beaucoup moins de chance pour percer aux USA malgré leur entêtement. Et si jusque-là on retenait un ou deux singles potentiels, c’est la banqueroute. Va commencer alors une traversée du  désert dont on se serait bien passés pour sortir des années 80 qui avaient pourtant si bien commencées.




Judas PriestRam it Down.

Ce n’est pas parce qu’on applique une recette qu’on va sortir un bon plat. C’est le cas avec Ram It Down montrant un groupe tenter de nouvelles choses… mais sans donner un résultat à la hauteur des grands albums. Ni même de l’exploit pas très récompensé de Turbo. Ce prototype-là, durcissant le ton face aux thrashers qui lui pillent ses exploits passés, doit être considéré comme une chrysalide d’où surgira un papillon scintillant, aux ailes de metal.




CarcassReek of Putrefaction.

L’inverse de Napalm Death : le titre d’ouverture sert à appâter le chaland pour mieux lui bousiller le plaisir. Sauf que la décharge est trop forte en volts, donc ça grille les doigts plus que ça n’électrocute. Pourtant, "Genital Grinder" et un ou deux titres faisaient illusion. Mais le vomi, non merci.
Shit still Happens, so deal with it - psychanalysm

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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1128 le: 14 janvier 2023 à 12:39:23 »
Belle sélection, je ne suis pas d'accord sur tout, mais on aura quelques trucs en commun.
Le plus gros scandale reste l'absence du 2ème Crimson Glory [:haha pfff]
Je trouve aussi que le Riot, quoique très bon, est un peu surestimé (le riff de Thundersteel est quand même un quasi copié collé de celui de Déesse du Crime [:fufufu]). Mais il est clairement dans mes potentiels top dix-ables.

1988 est une merveilleuse année et j'ai un mal de chien à faire mon top 10 - qui aura aussi un repêchage en 11ème place comme en 1983 et 1987.
Si ça se trouve t'as le temps de faire 1989 avant que je puisse me décider  [:aie]
"Je veux une bonne fois tenter l'épreuve qui fera voir jusqu'à quel point nos semblables, si fiers de leur liberté de pensée, supportent de libres pensées" Nietzsche

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PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1129 le: 26 janvier 2023 à 15:53:05 »
[:hurle] MON TOP 1988



1 - IRON MAIDEN - Seventh Son Of A Seventh Son

En l’espace 8 ans (1980-1987), Iron Maiden est monté au firmament du heavy au rythme effréné de 6 albums studio, dont le moins bon était déjà excellent, et de 4 tournées mondiales en tutoyant les 800 concerts. C’est une institution, une religion même. Humainement, ce tour de force a néanmoins fait quelques dégâts : fatigue, perte de motivation, inspiration émoussée, même si un grand professionnalisme masque efficacement ces maux au public, qui n’y voit que du feu. C’est la lecture par Harris du livre « Seventh Son » d’Orson Scott Card qui va relancer leur entrain, surtout chez Dickinson ; l’idée germe ainsi de créer des morceaux reliés par cette thématique paranormale d’un enfant doué de perceptions extrasensorielles. Il en résulte un septième album collaboratif, vaguement conceptuel, qui demeure pour beaucoup de fans l’expérience ultime Iron Maiden.

Si Somewhere In Time fricotait avec des sons MIDI via les guitares, les Anglais déboulent cette fois avec les gros synthétiseurs sans aucune gêne, déclenchant l’ire de la frange la plus intégriste des amateurs. Certes, un adoucissement musical est à signaler : cela reste du heavy metal, mais le son est globalement plus poli, plus lisse (le joyeux Can I Play With Madness, Only the Good Die Young). Maiden évolue également dans une direction plus complexe, plus progressive, en gardant son sens de l’accroche légendaire (The Clairvoyant, ou la première partie du morceau-titre, grandiose à souhait malgré un refrain un peu radoté) et en s’autorisant des plages entières de trajets sinueux (le magnifiquement structuré Infinite Dreams, The Prophecy aux changements de tonalités dispersés à l’envi, ou la seconde partie du morceau-titre absolument mythique). Restent enfin les immenses Moonchild et The Evil That Men Do, incisifs, percutants, riffus et mélodiques.

Pas besoin d’en écrire des tonnes, j’ose espérer que ceux qui lisent ces lignes connaissent déjà ce disque par cœur car c’est un monolithe, une stèle cyclopéenne dans l’histoire du heavy metal. Après un règne quasi sans partage sur le genre au début de la décennie et ayant fait preuve d’une belle résistance face à l’augmentation d’une concurrence que le groupe a en partie contribué à créer, Iron Maiden reprend son trône en 1988, non pas par la force brute mais par la ruse, la stratégie, le sens du détail.


2 - Marty Friedman - Dragon’s Kiss

Sentant bien qu’il avait là 2 poules aux œufs d’or qu’il fallait bichonner et exposer au maximum, le producteur de Shrapnel Records réalise en 1988 le triplé : un second opus de Cacophony (qui avait copieusement aplati le monde du speed metal en 1987), et les albums solos totalement instrumentaux de ses deux artificiers, Jason Becker et Marty Friedman. Ceux qui ont été époustouflés par Speed Metal Symphony sont donc priés de se jeter sur ces trois sorties. Personnellement c’est le monde du caniche au poignet droit cassé qui m’a le plus emporté.

Dragon’s Kiss démarre pourtant étrangement avec un Saturation Point très imprévisible, aux accroches mélodiques assez ardues et au final dissonant. On se gratte la caboche pendant 5 minutes, en se disant que les 31 restantes risquent d’être lourdes à digérer, mais la suite remet directement l’album sur le chemin de la mélodie qui se grave au burin dans le cerveau. Une collection de compositions instrumentales doit captiver en premier lieu son public par les thèmes mémorisables, chantables, et Marty en déverse des bennes, du savoureux mid-tempo Dragon Mistress à l’enjoué Thunder March, en passant par le speed metal punitif de Evil Thrill ou Anvils, les enjôleurs Namida et Jewel où le son clair est à l’honneur, et bien sûr le monumental Forbidden City. Dragon’s Kiss est aussi un disque de shred, mais seulement en second lieu ; Friedman éclabousse ses compos de passages techniquement improbables, de bends et pre-bends d’une rare maîtrise, de vibratos étincelants, se jouant d’ambiguïtés tonales délirantes. On n’avait pas connu une telle débauche de talent métallique alliant musicalité et virtuosité depuis les débuts de Malmsteen (dans un autre genre), s’il on ne compte ni Cacophony ni Jason Becker.

Apprivoiser une œuvre dépourvue de chant n’est pas chose facile pour qui n’écoute pas déjà des styles où c’est majoritaire (musique savante en général), car c’est le principal point de repère dans l’immense famille des musiques populaires ; mais ce premier effort solo de Marty Friedman tient son auditoire par la main pendant une bonne demi-heure sans pour autant oublier de lui coller 2-3 tannées de riffs écrasants et de solos d’une autre galaxie. A la fois accessible et sans concession, Dragon’s Kiss se pose comme une sortie majeure, non seulement dans le monde de la guitare instru, mais également dans celui du metal en général.


3 - CORONER - Punishment For Decadence

Le thrash metal existe depuis en gros 5 ans, et les scènes Américaines et Européennes débordent maintenant littéralement de groupes en pratiquant, servant pour la majorité à peu près le même brouet. Le mouvement commence à tourner en rond et l’on a assisté en 1987 à de rares expérimentations sur son versant technique, succédant aux pionniers de Watchtower : Voïvod et Coroner surtout, ou Mekong Delta en mode camouflage, tous trois testant des approches assez éloignées les unes des autres. Il se trouve que la mayonnaise prend, et un an plus tard plusieurs formations s’accrochent au train qui démarre : Realm, Anacrusis et Target surtout (3 disques de très bonne tenue), mais aussi Blind Illusion, Hexenhaus, Sieges Even (qui a tenté de damer le pion à Watchtower, on y reviendra plus tard) ou les futurs cadors Atheist qui sortent leur seconde démo. Même Destruction tente quelque chose dans cette veine, et réussit plutôt son pari. Mais cette année, en la matière, c’est Coroner les patrons.

Le premier opus des Suisses, R.I.P, avait fait forte impression avec son speed metal rêche imbibé de quelques plans néoclassiques et autres signatures impaires. Leur nouvelle galette reste donc dans le même registre, quoique plus thrash, et aligne les brûlots : Absorbed ou Shadow of a Lost Dream et leurs refrains fracassants, le superbe single Masked Jackal construit avec application, l’instrumental Arc-Lite qui rappelle l’excellent speed metal néoclassique de Nosferatu (voire même du Cacophony), tous ces breaks dingos, ces solos lumineux et ces riffs tranchants donnent le tournis (Skeleton on Your Shoulder, The New Breed, ou le massif Sudden Fall !!). Le trio parvient par on ne sait quel miracle à améliorer la recette de R.I.P ; par contre quelques imperfections subsistent : le tic mélodique de Tommy Vetterli évoqué l’année dernière est toujours utilisé (mais que 4 ou 5 fois, donc ce n’est plus systématique), et la basse est moins présente (par exemple un passage monstrueux juste avant le solo de Voyage to Eternity se retrouve totalement noyé sous les guitares).

Coroner s’impose dorénavant comme le leader du tech thrash européen, mais leur label allemand Noise Records ne fait pas vraiment d’efforts en termes de promotion, se concentrant surtout sur leur triplette Helloween / Celtic Frost / Kreator. Une injustice supplémentaire à rajouter sur la très longue liste des groupes sous-estimés et plus ou moins laissés livrés à eux-mêmes malgré des sorties en béton et un potentiel énorme.


4 - QUEENSRYCHE - Operation Mindcrime

Le groupe Américain originaire la banlieue de Seattle a toujours été considéré comme l’un des pionniers du metal prog en compagnie de Crimson Glory et Fates Warning ; pourtant seul ce dernier correspond quasi-parfaitement aux futurs codes du metal prog des 90s (l’album No Exit le prouve encore, même s’il n’a pas réitéré les exploits de 1985 et 1986). Crimson Glory et Queensrÿche quant à eux, ne se sont finalement pas aventurés au-delà des structures standards plus souvent que sur une petite poignée de titres, à croire qu’à l’époque on collait l’adjectif progressif assez facilement, ou que personne n’était d’accord sur son sens. Et s’il y avait en plus du concept-album dans l’air, c’était du prog, obligé.

Mais Operation Mindcrime n’est pas un album de metal prog. Un titre et demi de prog (le majestueux Suite Sister Mary et l’intro Anarchy-X) sur 12, c’est trop léger pour qualifier ainsi l’entièreté de l’œuvre. Ou alors à ce compte-là, Powerslave ou Abigail sont aussi des disques de prog, large. Par contre c’est bel et bien un concept-album de heavy metal, et pas l’un des moindres. L’histoire développée ici tire sur le film noir et machiavélique : l’auditeur suit le parcours chaotique d’un junkie manipulé et hypnotisé par un révolutionnaire qui en fait sa machine à tuer. Le scénario se déroule au fil des nombreux hymnes de l’opus, des fédérateurs Revolution Calling, Speak, The Mission, à la descente aux enfers du personnage principal sur The Needle Lies, I Don’t Believe in Love, ou Eye of a Stranger. Une succession impitoyable de tubes dont les refrains s’impriment durablement, parfois même trop, puisque certains peuvent littéralement vous hanter en surgissant en boucle dans votre tête en plein milieu de votre journée (I Don’t Believe in Love, le pire de tous, quelle saloperie ce truc). Instrumentalement, tout est dosé à merveille : solos sobres et mélodiques, thèmes mémorables, atmosphères sombres, rythmique claire et détaillée, voix céleste – Geoff Tate pendant les 80s, what else.

Queensrÿche en 1988 est un groupe au top de sa forme, qui artistiquement laisse ses deux premières réalisations The Warning et Rage For Order à des kilomètres derrière, et ne réussira jamais à se remettre de ce troisième album. Le suivant, Empire, aura un gros succès commercial même si d’après moi il n’arrive pas à la cheville de celui-ci. On a l’impression qu’ils ont tiré toutes leurs cartouches d’un coup, laissant tout le reste de leur carrière dans l’ombre de ce carton plein.


5 - CRIMSON GLORY - Transcendence

1986 voyait l’apparition de cette formation véritablement exceptionnelle qui conjuguait bon goût, puissance, technicité, et fougue de la jeunesse, créatrice d’un premier album éponyme faisant date dans l’histoire des plus grandes démonstrations de talent sortant de nulle-part. Après avoir tourné en compagnie d’Anthrax et Metal Church jusqu’en Europe (dont une date au célèbre Hammersmith Odeon), Crimson Glory s’est fait un nom, et forcément dans ce genre de cas, le deuxième effort est grandement attendu. Le défi est relevé, avec une légère évolution de la recette.

Tout en gardant ce sens inné de la mélodie délicatement FM-isée (Painted Skies, ou le sublime single Lonely) parfois mariée à des riffs musclés (Lady of Winter), ou de cette brillance heavy si efficace où Midnight essaye de fissurer toute la vaisselle (Red Sharks, Masque of the Red Death ou Where Dragons Rule), cette fois les Américains insistent davantage sur les structures travaillées et des riffs plus sombres. Lady of Winter annonce la couleur en casant en douce une fin de break bien tordue, mais il faudra attendre la moitié de l’album et l’étrange mid tempo In Dark Places pour véritablement parler de metal progressif ; ensuite le goûtu Burning Bridges et surtout le magistral Eternal World viennent enfoncer le clou avec leurs riches agencements.

Du heavy metal d’école, ciselé, ultra-mélodique, incorporant quelques embuscades structurelles mais sans sacrifier la puissance et le punch du style, voilà ce que présente Crimson Glory sur ses 2 premiers albums d’anthologie. J’ai un petit faible pour le précédent, mais son successeur se hisse au même niveau de classe. Porté par une voix incroyable, parmi les plus pures et les plus aigües de la scène toutes époques confondues, le groupe émerveille par ses talents d’écriture, proposant des morceaux raffinés aux multiples tiroirs, tirant ici ou là sur le prog, et aspergeant l’assistance de solos resplendissants. Deux méga-classiques qui n’ont pas volé leur statut.


6 - VOÏVOD - Dimension Hatröss

Les Canadiens, coincés dans un emploi du temps des enfers, écrivent leur quatrième opus pendant les rares pauses de la tournée promouvant le troisième, l’excellent Killing Technology, dans lequel le groupe prenait des chemins de traverse en matière de thrash metal en y mixant structures prog et énergie punkisante saupoudrée de rock indus. Lors de ces sessions de création, les idées pleuvent jusqu’au point de vouloir faire un concept-album sur leur mascotte : Korgüll l’Exterminateur ouvre un portail vers une autre dimension afin de l’asservir, y rencontre des machins, il lui arrive des trucs. En toute franchise, l’histoire n’est ni très claire ni passionnante ; mais ces textes complètent bien l’atmosphère complètement dingo qui suinte de ce disque.

Arrivés au studio Music Lab à Berlin Ouest fin 1987 pour enregistrer leurs titres, les quatre allumés découvrent de nouvelles techniques et effets électroniques, le sampling, expérimentent différents bruitages afin de créer une ambiance toute particulière. Musicalement la jonction avec Killing Technology se fait facilement : toujours thrashy mais un peu moins bordélique, de plus en plus progressif, voire disjoint, et dissonant. Ajoutons-y les vocaux possédés, déclamatoires et paranoïaques de Denis Bélanger, qu’on a même envoyé dans la rue chanter à travers l’interphone de l’immeuble, et c’est parti pour un voyage dans un monde parallèle auquel on ne comprend pas grand-chose, au début. Les compos sont labyrithiques, les mélodies insaisissables, les rythmes excentriques (Experiment, Macrosolutions to Megaproblems, Psychic Vaccum, Cosmic Drama) mais quelque chose de singulier et d’hypnotisant accroche inlassablement l’oreille (Tribal Convictions, Chaosmöngers, Technocratic Manipulators, Brain Scan), et pousse les plus curieux à y revenir encore et encore afin de saisir toutes les nuances et s’imprégner de cette approche du thrash totalement unique.

Je ne sais pas s’il est possible d’aimer Dimension Hatröss dès la première écoute, ça n’a pas été mon cas, surtout à cause de la guitare hallucinée et de la voix en roue libre (rebutante parfois) ; mais il m’a suffisamment intrigué pour que j’insiste, et je le considère aujourd’hui comme un pilier du metal expérimental. Voïvod poursuit donc sa mutation baroque au risque de perdre du monde en chemin, mais il semblerait que cela ne revête pas grande importance.


7 - MEKONG DELTA - The Music Of Erich Zann

Mekong Delta fait partie du club très fermé de la première génération de thrash technique. Leur première réalisation de 1987 montre quelques très bonnes choses et donne aux musiciens une légitimité… dont ils ne pourront pas vraiment profiter puisque le groupe a décidé de rester anonyme (impliquant noms d’emprunts et photos promo à contrejour). A l’époque, en l’absence d’internet et localisé à Velbert en Allemagne, ce délire de line-up secret a pu tenir plusieurs années. C’est donc en anonymes que Mekong Delta continue dans la voie tracée par l’opus éponyme, en affinant la formule : production sensiblement meilleure, riffs toujours effrénés et retors, inspiration sur la pente ascendante.

Age of Agony, True Lies et Confession of Madness lancent les hostilités dans un maelström de mélodies démentes bien soutenues par une basse ronflante et enrichies de changements rythmiques imprévisibles ; les quatre instrumentistes sont à bloc, on en prend plein la tronche. Le milieu du disque est même absolument renversant. Entre Interludium, pièce instrumentale où guitare sèche, rythmiques thrashy et violons s’entremêlent magnifiquement dans un délicieux avant-gardisme, Prophecy, dont le break et le final hanteront très longtemps ceux qui ne peuvent s’empêcher de compter les temps, et l’épineux mid-tempo Memories of Tomorrow, la qualité de ce thrash technique est éblouissante et tutoie celle de Coroner. Cependant il me faut pointer le chant en tant que maillon faible. L’avantage des vocalistes qui grognent (comme Ron Broder) est qu’on n’en attend pas de prouesses, leur voix passe en arrière-plan ; chez Mekong Delta les tentatives de chant sont nettes, et parfois il vaudrait mieux ne pas essayer. Sans être véritablement mauvais, Wolfgang Borgmann sonne au mieux quelconque mais inférieur à la moyenne, au pire en net décalage, ce qui peut irriter ; ses prises sur Hatred ruinent littéralement le titre, et I King Will Come, la verrue du disque, devient encore plus laide.

Il me reste une chose à mentionner : The Music Of Erich Zann est une sorte de semi-concept-album dans lequel plusieurs morceaux font référence à la nouvelle du même nom signée HP Lovecraft, mais cela ne revêt aucune espèce d’importance. Interludium et Epilogue peuvent participer à créer une ambiance rappelant cette histoire, mais le reste de l’album se concentre majoritairement sur des avalanches de riffs tordus et de rythmiques azimutées. On pourrait tout aussi bien y lire l’annuaire ou des recettes de cuisine, l’avis des amateurs de thrash technique n’en serait pas modifié : il s’agit d’un ajout essentiel au genre.


8 - SLAYER - South Of Heaven

1988, c’est aussi l’abondance du thrash metal. Les anciens se font bruyamment remarquer avec de bonnes sorties, auxquelles on peut cependant opposer quelques critiques : le Metallica avec surtout trois excellents morceaux, zéro repompe (ils l’ont fait !), mais sans basse, et aux autres titres vraiment décousus ; le Megadeth un peu inégal, sûrement pas au niveau des deux premiers ; le Anthrax un chouia fatigué avec des fulgurances ; le Suicidal Tendencies, agréable, qui glisse doucement du skate punk vers le thrash crossover ; le Overkill routinier. La génération suivante s’en sort assez bien : le Flotsam And Jetsam correct mais loin derrière Doomsday For The Deceiver, le Testament qui mixe compos sans pitié et remplissage, le Nuclear Assault, sympa dans l’ensemble. Et des jeunots commencent à pousser au portillon avec une inspiration absolument démentielle mais très discontinue (Forbidden, Sabbat, Znöwhite, Rigor Mortis…). En thrash traditionnel, seul Slayer trouve totalement grâce à mes yeux à cette période.

Le groupe infléchit son style pour un thrash plus posé, davantage orienté vers les mélodies malsaines plutôt que la violence sans concession ; après une telle démonstration de sauvagerie en 1986, à quoi bon recommencer ? Et effectivement, l’ouverture du disque désarçonne le fan de base : pas de riff enragé, pas de batterie frénétique, pas de cris suraigus, mais un morceau-titre rampant qui travaille l’auditeur et se faufile dans son esprit, tout comme plus loin Mandatory Suicide ou Spill the Blood (dommage pour ses couplets monotones). Slayer ne change pas non plus totalement et sait encore faire parler la poudre sur l’incroyable Silent Scream aux textes dérangeants, ou Ghosts of War et son break féroce, mais c’est le mid-tempo qui domine l’album (le standard mais efficace Behind the Crooked Cross, le limite tech thrash Live Undead, ou le sautillant Read Between the Lies débordant de demi-tons).

Pourtant, la production apporte un déséquilibre étrange dans la recette des Californiens ; assez bizarrement pour du thrash les guitares ne sont pas à l’honneur : riffs excellents mais enterrés dans le mix, et solos foutraques (sur ce point ce n’est plus une surprise). Cette fois, les deux phares de Slayer sont Tom Araya (qui ne s’est jamais autant rapproché d’un vrai chant), et évidemment Dave Lombardo, qui avait pourtant quitté le navire fin 1986 en pleine tournée à cause des maigres rentrées d’argent, mais que le producteur Rick Rubin a littéralement harcelé en agitant des biftons sous son nez pour qu’il revienne dans le groupe. Le batteur prodige finit par accepter et explose toutes les performances passées ainsi qu’une bonne partie de celles à venir. Puissant, subtil, rouleau compresseur ou délicat, inspiré dans ses fills, Rubin le pousse devant, en fait la star d’un South Of Heaven devenant pour ainsi dire une démonstration de batterie de 37 minutes.

J’ai assez longtemps boudé ce quatrième opus de Slayer, ado, mais je lui trouve depuis une quinzaine d’années de grandes vertus : plus mature, plus varié, moins dans le concours de quéquette, mélodiquement très travaillé, et présentant toujours une petite facette radicale du thrash metal. Pour moi le deuxième meilleur disque du groupe après le Priestien et délicieux Show No Mercy.


9 - HELSTAR - A Distant Thunder

Cette solide formation de heavy américain s’était octroyée une place de choix dans mon top 1986, millésime pourtant très concurrentiel. Malheureusement il n’en est pas de même dans les charts de l’époque ; disons les choses clairement, c’est la galère. Une éclaircie fait cependant son apparition dans le bulletin météo de la réussite : le groupe signe chez Metal Blade, et Bill Metoyer, qui a notamment travaillé avec Slayer, Fates Warning, Dark Angel, Flotsam And Jetsam ou Omen, se charge de la production ; son travail est certes inégal, mais il a les contacts, le réseau. Des ouvertures de concerts sont donc prévues pour Anthrax, Megadeth, Slayer ou Exodus, de quoi élargir l’audience et faire connaître Helstar et sa vision technique du speed metal à un plus grand nombre de chevelus.

Cette approche complexe déjà entrevue sur Remnants Of War prend ici une dimension plus importante et décrit parfaitement le contenu de A Distant Thunder, qui certes s’ouvre sur un speed metal plus standard (The King Is Dead, Bitter End) mais rapidement le ton change. Au côté catchy et musclé des deux premiers titres s’ajoutent plans tortueux (Whore of Babylon, couplet de Scorcher), architectures compliquées (le tordu Abandon Ship, ou l’exaltant Winds of War) et breaks bien cintrés (Tyrannicide, Scorcher, Genius of Insanity) ; on peut donc parler de « speed metal technique » sans trop se planter. Même si ce style n’apparaît pas dans les Tablettes du Metal, il existe de fait avec la sortie de cet album (et de The Eyes Of Time d’Apocrypha également, les petits frères cachés de Cacophony). En outre, le travail vocal de James Rivera prend de l’envergure : encore un peu à la lutte pour diversifier sa façon d’aborder les couplets, il s’en sort toutefois mieux qu’il y a 2 ans, sait toujours monter très haut mais n’en abuse jamais, et ses refrains deviennent fameux.

Au bout du compte, A Distant Thunder constitue une très bonne performance d’un groupe assez confidentiel qui, me concernant, passe au premier plan de la très bonne vague speed metal de la fin des 80s, devant Pariah, Scanner, Liege Lord, Riot, Pantera, ou Running Wild si on ratisse large. Certainement, leur inclination pour les territoires plus techniques me parle davantage, ce qui ne sera pas le cas de tout le monde. Et l’on mentionnera le désastre visuel de la pochette, pour la troisième fois de rang.


10 - DEATH - Leprosy

Tout comme le heavy, le speed et le thrash, le death metal n’est pas né subitement. Les groupes de thrash les plus énervés du milieu des 80s avaient déjà sorti des disques avec un pied dedans sans vraiment appeler ça du « death metal » : Possessed, Sepultura, Messiah, Vulcano, Sarcófago, ou Incubus qui eux y avaient sept ou huit orteils. Diverses démos assez atroces circulent depuis 1984 (de Mantas à Morbid Angel, pour ne retenir que les plus influentes), mais c’est en 1987 avec Necrophagia et Death (ex-Mantas) qu’apparaissent les premiers vrais albums de death metal sous sa première forme, assez brute, consistant (en gros) à beugler de manière caverneuse et essayer de jouer encore plus vite avec un son encore plus saturé. Les bases étant posées, d’autres formations se préparent à s’enfourner dans la brèche, mais Death fait progresser le style en seulement une année, sous l’impulsion de son leader, Chuck Schuldiner, future icône métallique dont la popularité dépassera largement les frontières du death metal.

Si Scream Bloody Gore était très basique, son successeur Leprosy balaye donc immédiatement les standards précédemment établis pour monter de calibre. D’une part, les textes sont moins primitifs, se détachant modérément des thèmes stéréotypés liés aux morts violentes et aux zombies, et d’autre part la musique se fait délibérément plus travaillée ; dès le morceau-titre le ton est donné : structure à étages, changements de tempo, une petite dizaine de riffs différents. Pendant les 4 premières minutes les plans s’enchaînent sans retour en arrière et factuellement cela commence déjà se rapprocher du metal progressif… au sens strict, car ça ne ressemble pas à Watchtower et encore moins à Fates Warning ; stylistiquement Death fait bien du death metal : c’est rapide, guttural, agressif, mais non sans cervelle. Les autres titres, quoique plus courts, restent orientés de la sorte. Le surpuissant Left to Die, Pull the Plug et Open Casket rivalisent de détours et de surprises, tandis que Born Dead et Forgotten Past étonnent par leurs breaks saupoudrés de mélodies singulières. Même les deux titres de fin, qui me parlent moins (Primitive Ways et Choke on It), sont déjà à cent lieues devant les morceaux les plus élaborés de Scream Bloody Gore.

Leprosy est une pierre angulaire du death metal, le mètre-étalon du genre en 1988. D’autres groupes tels que Morbid Angel, Obituary, Deicide, ou certains passant du grindcore au death metal comme Carcass ou Napalm Death, auront une patte distincte également, et viendront nourrir la scène. Mais Death se montre rapidement destiné à faire cavalier seul dans ce nouveau genre, repoussant constamment leurs limites en termes d’innovation et de maturation. Nous n’en sommes qu’au deuxième album, qui s’impose déjà en tant que monument, et nous n’avons encore rien vu.


11 - RIOT - Thundersteel

Riot est l’un des premiers, sinon le premier véritable groupe de heavy metal américain, formé en 1975 ; il est également connu pour avoir eu l’une des mascottes les plus pourries de l’histoire, cette espèce de sumotori à tête de phoque et armé d’une hache. Après avoir bénéficié d’une certaine reconnaissance suite aux albums Narita et surtout Fire Down Under à l’aube des 80s, l’aventure s’arrête en 1984 faute de succès suffisant. Le guitariste fondateur Mark Reale crée dans la foulée le groupe Narita, et en 1985, les plus renseignés sur la scène et le tape-trading underground entendent pour la première fois la démo du morceau Thundersteel, déluge de speed metal en fusion. Reale reforme Riot en 1986 et construit un disque basé sur d’évidentes influences Judas Priest gonflé aux stéroïdes.

Ce disque démarre à tombeau ouvert avec ce morceau-titre ravageur, bénéficiant cette fois d’un son studio digne de ce nom, et la claque est immédiate. C’est musclé, mélodique, avec des montées vocales homériques et des solos foudroyants. Plusieurs compositions rassemblent ces mêmes caractéristiques : Fight of Fall, Flight of the Warrior, On Wings of Eagles, donnant au disque un aspect authentique, sans concession, destiné à être encore mentionné plusieurs décennies après (et c’est le cas, la preuve). On citera aussi Johnny’s Back, plus heavy metal dans l’esprit, mais marquante de la même manière.

Toutefois mon classement le place 11ème en repêchage. C’est sûrement compliqué à justifier tant il est considéré comme un modèle du genre, mais ce n’est pas infâmant non plus, vu la quantité pléthorique de chouettes sorties que j’ai écartées ; je trouve également qu’il propose une dose de réchauffé que n'ont pas les 10 albums devant lui : mix speed metal mi-80s + Judas Priest + hard FM à la Dokken + heavy 70s directement issu de la première vie de Riot. J’aime aussi rappeler qu’ADX a sorti un disque aussi puissant 3 ans avant, la ressemblance se nichant jusque dans le riff de Thundersteel (écoutez Déesse du Crime), et le public n’en a pas eu grand-chose à foutre. Par contre, à force d’entendre des formations heavy, speed et thrash s’inspirer de son son pour pondre des tueries, le Prêtre de Judas pourrait bien se réveiller, gonfler à bloc ses pecto-nichons et montrer à tous qui est le boss. C’est une hypothèse.
« Modifié: 26 janvier 2023 à 15:56:01 par cacaman »
"Je veux une bonne fois tenter l'épreuve qui fera voir jusqu'à quel point nos semblables, si fiers de leur liberté de pensée, supportent de libres pensées" Nietzsche

Hors ligne The Endoktrinator

Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1130 le: 02 avril 2023 à 22:37:28 »
Comme pour 1987, 1989 est une année exceptionnelle. C'est l'heure de gloire pour le métal extrême, grind et death. C'est encore l'attente pour le black metal, et le thrash compte ses heures. Le heavy agonise malgré quelques tentatives de résister. Mais des drilles à skateboard et dreadlocks dérangent. Une notion extra-terrestre, quasi interdite, va faire son apparition : le groove. Les permanentés, les punks d'arrière-garde et les rôlistes de service tremblent. Et je me permets un classique top 10.



W.A.S.PThe Headless Children.

Oui, ça se gâte, pour le Heavy. Tous ces gorets et ces gueulards commencent à se faire remarquer, et pour ne rien arranger, un vrai fêlé du bocal du nom de Mike Patton s’est mis en tête de mettre, en plus du groove, du piano bar et autres fadaises dans du métal. Et nos mélodies ? Et nos super héros ? Et nos chanteurs qui pètent le cristal ? Heureusement que ça ne s’est pas fait comme au temps du passage des films muets aux films parlants, bonjour la vague de suicides… Cela dit, Blackie Lawless aurait pu y passer s’il n’avait pas travaillé sur The Headless Children.
Dans un mot qu’il a écrit en 1997, il avoue que le métal le lassait. Et pas que ça. Dans une interview juste après la tournée de Inside the Electric Circus, il se lâche sur tous les sujets qui l’agressent et l’entourent : la guerre, la politique, la drogue, l’amour, l’identité, le métal, la police, etc. Une chatarsis qui va se révéler utile : c’est le meilleur album à ce jour avec le suivant, The Crimson Idol. Enfin, Chris Holmes n’est plus bridé et continue de contribuer un peu à l’écriture. Un recrutement à la batterie (Frankie Banali) plus tard, et le monstre est lâché. Finis les roulés à la caisse claire et les intros barnum pour poser. Un vague chœur et une montée en puissance donne le ton : un des groupes les plus outranciers s’est rappelé que la musique reste importante. Et ils vont le prouver en réitérant la réussite de la reprise : "The Real Me" est énergique et son refrain puissant. Mais la plus grosse mutation nous attend par la suite : Lawless veut de l’ambiance, de la profondeur. En général, ce genre d’envies n’est pas raisonnable, mais il parvient à passer pour un homme au raisonnement simple mais plein de bon sens, sans y aller par quatre chemins. "Thunderhead" raconte l’histoire d’un toxicomane totalement soumis à ses addictions, se noyant dans des envolées spatiales à coup de delays. Holmes et Lawless se lâchent comme sur "The Headless Children" et "The Heretic (The Lost Child)".
Ce dernier titre montre d’ailleurs que l’ancien W.A.S.P n’est pas en reste : cavalcade, furia. L’outrance est juste plus lucide. Juste ce qu’il faut. Le concept album n’est pas encore là, mais l’état d’esprit de Lawless et certains titres pourraient donner l’impression. Seule ombre au tableau : l’obsolescence de Neutron Bomber, aux textes écrits en 1988 et se moquant de Ronald Reagan, déjà plus en poste lorsque l’album sort. Mais qu’importe : le titre est percutant comme Mean Man, Rebel in the "F.D.G". et surtout "Maneater", qui sort un étourdissant double-refrain. Les breaks sont d’ailleurs presque tous étourdissants. Une autre mutation se cache sous la ballade. "Forever Free" semble sentir le réchauffé en 1989, année de tous les retardataires de cette décennie pétaradante. Mais la date ne suffit pas toujours et la ballade fonctionne, notamment avec l’interlude "The Mephisto Waltz", idéale pour souffler après le rythme infernal qui a précédé. D’ailleurs, c’est toute l’intelligence du groupe qui utilise habilement le format vinyle pour couper le propos en deux parties. La grande ambition pour la première face, et le retour de la furie en seconde partie.
Avec Seventh Son of a Seventh Son, Operation Mindcrime, Kings of Metal et bientôt quelques disques d’ici un an ou deux, le heavy se lance dans un baroud d’honneur, sachant qu’il n’a rien à perdre face aux extrémisassions et aux complications. Anecdote sur la pochette : l’ayatollah Khomeiny a  été remplacé par Raspoutine sur les pochettes européennes. Censure supprimée depuis les années 2000 et surtout la réédition double CD de 2011, plaçant astucieusement les bonus sur un deuxième disque.



SodomAgent Orange.

Angelripper connaît ses limites : il ne peut pas se reposer indéfiniment sur ses échanges dans les fanzines, et surtout pas avec les fracassés de Norvège qui pourtant ont encore un peu d’humour alors que Dead est déjà au micro, prêt à norcir la tête des charmants bambins vikings. Entre-temps, l’Eventreur d’Anges parvient enfin à recruter un guitariste qui dure plus de quelques mois en la personne de Frank Godzsik, dit Blackfire. Si Persecution Mania et sa reprise de Motörhead annonçait la couleur, c’est sur Agent Orange que ça se confirme.
Enfin, le travail sur le riff paie. Et pas qu’un peu. Tout est moins basique qu’au temps de In the Sign of Evil, mais le groupe ne cède pas aux sirènes vantées par Mekong Delta. Arc-bouté sur la basse Ibanez Destroyer II, Angelripper éructe sur des riffs cogneur. La rythmique béton du morceau-titre est passé à la postérité. La mascotte anti-guerre s’installe, ce presque-concept album sur les guerres d’ingérences américaines (surtout le Vietnam) enchaîne ses plans aussi killers qu’avec Motörhead ou le meilleur de Saxon qui en est encore à se consoler de son échec FM. Cela dit, le groupe sait lever le pied, et pas pour faire on/off comme sur Obsessed by Cruelty. "Remember the Fallen" sait se faire solennel et intransigeant, même si ça dépareillerait dans le film Jardin de Pierre. Par contre, il faudra éviter le morceau bonus sur le CD, issu d’une session différente et au caractère punk pas trop dégrossi.
Mais cela reste un détail face aux assauts déroutants du reste. A peine le morceau-titre est fini, que ça repart de plus belle avec "Tied and Red", qui filerait des boutons à Chuck Norris, ou "Magic Dragon", réitérant la montée en puissance de "Agent Orange". Mais le meilleur titre après ce dernier se situe vers la fin. Il constitue la transformation de l’essai sur la reprise Iron Fist. Augsebombt, à défaut d’être en allemand, étourdit tant ça y va à fond. Une telle décharge électrique, un tel abattage en règle rendrait le père Lemmy fier comme s’il avait un bar tabac. Une double-pédale en mode moissonneuse batteuse, une basse ronronnant de façon menaçante façon Overkill, et le reste qui déboule. Angelripper opte pour une intonation proche de "Remember the Fallen". Choix judicieux : le contraste avec le pré-refrain n’en est que plus saisissant.
Sodom paraissait comme le vilain petit canard comparé aux envolées de Destruction et Kreator. Mais avec ce disque, il laisse Tankard et autres Protector, Violent Force ou Vectom sur le carreau et se hisse sur un triumvirat qui ne se sent pas d’imiter le Big 4 américain. Il serait bien dommage de lâcher un aussi bon guitariste… non ?



CoronerNo More Color.

Vous savez à quoi on reconnaît un fan maniaque ? C’est un mec qui fait une fixation sur les cinq albums de Coroner et en particulier No More Color, qui est au milieu. En général, cet album est considéré comme le juste milieu entre le barouf des deux premiers albums et l’épure de la suite. D’autant que perso, j’avais fait exprès d’avoir ces premiers disques en vinyle et les deux autres avec le best-of en CD.
Comme pour W.A.S.P, les deux faces sont assez distinctes, mais pas pour la même raison. C’est plus une question d’accroche et de qualité. Certains se souviennent  probablement d’une émission appelée Metal Express, et durant un numéro de 1991, Coroner est interviewé, proclamant que No More Color est leur premier album satisfaisant au niveau de la production. Ce qui est assez contestable car la clarté sonore n’est pas revenue au niveau de celle de R.I.P. En revanche, la réverb est dégrossie, équilibrant un peu plus le placement des instruments, même si la voix est parfois un peu plus en retrait, notamment sur "D.O.A". Ce dernier titre conclue en beauté une face alternant riffs serpentant et d’autres plus percutants. Le groupe va même jusqu’à évoquer la méthode Saxon en ramenant un titre à un riff sur "No Need to Be Human". L’amélioration de la production est vraiment significative avec "Read my Scars" et la basse plus rampante que sur tout le reste de l’album et dans la carrière de Coroner jusqu’à présent.
Un défaut à signaler ? Un seul, et plutôt insignifiant comparé au reste. Les soli de Vetterli sont en deçà des deux autres albums. Si on pouvait se laisser porter par ceux de "Masked Jackal", "Reborn Through Hate" ou encore "Nosferatu", il n’y a guère que celui de Tunnel of Pain qui soit vraiment inspiré, pensé et marquant. Le reste souffrira considérablement de la comparaison avec les autres titres phares du groupes, et en particulier à partir de Mental Vortex. Cela dit, à l’instar de Slayer, ils participent à l’ambiance globale, surtout celui de "Die By My Hand". "Why It Hurts" est plus martelant, mais peut-être un peu trop rigide, se restreignant au refrain. Fort heureusement, la fin de l’album est rehaussée par le meilleur titre avec "D.O.A" : "Last Entertainment". Réintroduisant le clavier et reprenant le fameux thème de Twilight Zone, le trio délivre une critique acerbe de la dépendance des téléspectateurs à la récurrence. Le titre le plus sombre, le plus obsédant, qui annonce directement l’épure glacée de Grin.
Parfois, on sent un groupe assez timide. Il faut dire que sortir enfin de Suisse ou d’Allemagne change beaucoup, permettant au groupe de se consacrer à plein temps à la musique et enfin s’exporter en partageant l’affiche avec Watchtower aux Etats-Unis, Motörhead et Kreator en Europe. Le concert de Berlin-Est parachève l’année 1990, la plus active pour le trio, qui va vite expérimenter la redescente avec la production partiellement américaine de Mental Vortex au Morrisound Studio.



Morbid AngelAltars of Madness.

Morbid Angel est au death metal ce que Metallica est au thrash metal. Un groupe qui n’a pas toujours été purement de son domaine, séminal, avec assez de talent pour recycler et transformer (ce que tout le monde fait avec plus ou moins de réussite), et qui a compté un membre particulièrement rancunier. Ce membre, c’est Mike Browning, batteur et vocaliste, chose rare, qui formera plus tard Nocturnus, pour avoir été viré par Trey Azagthoth à qui était reproché d’être influencé par David Vincent.
Il faut dire que ce dernier apporta beaucoup au groupe. D’abord pas mal dans la confidence lorsqu’il a fallu enregistrer Abomination of Desolations, il sera débauché de Terrorizer pour être bassiste et vocaliste à part entière. La démo Thy Kingdom Come a assez convaincu pour qu’on arrive au cheminement. Altars of Madness débarque et laisse du monde sur le carreau et sur le cul. Même la rédaction de Hard Force magazine, pourtant très réticente au métal extrême, capitule en faisant entrer cet album dans la catégorie des Bons, réservés aux groupes de rock généraux et de metal plus mélodique ou sophistiqués. Il faut dire que le groupe y a mis les moyens : même si l’album bloqué est paru deux ans plus tard, le fossé qui les sépare est évident. Même le recyclage s’avère payant. "Lords of Fevers", "Chapel of Ghouls" et "Welcome to Hell" (rebaptisé "Evil Spells" pour l’occasion) sont méconnaissables, et même si "Chapel" était peut-être plus trouble sur l’enregistrement, il en est plus occulte. "Lords of Fevers" sort largement grandi de ce lifting.
Le reste a été composé entre-temps et pour l’album, et si on n’a pas forcément le niveau de maturation de certains titres, on a tout de même des classiques. Le gang lovecraftien ouvre les hostilités avec l’impossible : du death metal à claviers. Déjà une hérésie pour les thrashers voulant se défouler sur quelques peroxydés de L.A, entendre un synthé appuyant la ligne de guitare sur le break de "Immortal Rites" devrait faire hurler à l’hallali. Mais il n’en fût rien : l’ambiance occulte a su convaincre. En effet, sans ce genre d’arrangements, le groupe sait y faire, avec "Visions from the Dark Side" et surtout l’impitoyable "Maze of Torments" et ses riffs dissonants même si moins techniques que chez Schuldiner. Mais comme chez ce dernier, la voix fait aussi parti de ce succès : David Vincent ne grogne pas comme le premier Glenn Benton, mais opte pour un sombre grondement, à mi-chemin entre Possessed et Sodom. Ce coktail donne presque des couleurs blackisantes à ce death metal moins séminal à cause du blocage de Abominations of Desolation (bien que déjà accueilli via le tape-trading) mais désormais référentiel.
Avec cette sortie fracassante, Earache Records peut souffler : il a réussi à élargir son catalogue, qui, de niche hardcore, va s’imposer en pouponnière du death metal, peut-être à ses dépens par la suite, mais on n’en est pas encore là). Le groupe va, entre-temps, s’illustrer dans un catalogue vidéo pour exporter en Europe son death/black terrifiant, aux côtés de Carcass, Bolt Thrower et Napalm Death, qui venaient déjà d’inonder les ondes londoniennes avec les Peel Sessions.



TormentorAnno Domini

En 1989, les fissures du Rideau de Fer commencent à s’élargir grandement, et Tormentor, avec les échanges de cassettes qui s’accumulent, et les sorties heavy et thrash en Pologne, veut en profiter. Las, si la Hongrie n’est pas la Roumanie de Ceausescu, elle n’est toujours pas la Pologne secouée par Solidarnosc. La bande, ayant réussi à enregistrer convenablement Anno Domini, ne peut pas se payer un pressage en bon et due forme et le sortir en cassette.
En 1995, la pièce sort enfin en CD grâce aux blackeux norvégiens, ayant tenu à reprendre la promesse de Euronymous de ressortir Anno Domini sur son label en échange d’engager Attila Cisjar sur De Mysteriis dom Sathanas. Étonnamment, sa performance sur la cassette est encore plus éloignée du disque de Mayhem que Seventh Day of Doom. La voix est plus rapeuse, coassante (surtout sur "Elizabeth Bathory", pourtant la meilleure composition), bien que toujours pas théâtrale. La production est bien plus nette qu’auparavant, mais la mise en place n’a pu être au top part manque de temps : sur "Lyssa", la batterie et les autres instruments tapent à côté. Dommage pour cette descente maléfique de guitare, et qui se paie un break absolument démentiel, démontrant les capacités du black metal à ce moment-là, loin de l'épique monolithique de Transylvanian Hunger. Comme quoi, mieux vaut en rester au local qu’à la contrefaçon de touriste.
Le reste est à l’avenant. Si le groupe aurait pu nous épargner le coup d’un titre en plusieurs parties numérotées avec "Tormentor", ça reste de très bons riffs. Rechapée de la démo, "Tormentor I" et "Damned Grave" sont retravaillés pour notre plaisir, malgré la disparition de la voix distordue sur le premier titre, donnant l’impression de paroles en hongrois et d’une partie de l’intro qui a été supprimée. A côté, trois titres justifient pleinement l‘acquisition en plus des autres : "In Gate of Hell", "Apocalypse" et "Beyond". L’un comme les deux autres poursuivent là où Bathory et Mercyful Fate se sont arrêtés en 1985, et fructifient le répertoire avec ambiances, basse claquante et riffs sinistres. "Beyond" est celui qui s’en tire le mieux, montrant le dégraissage par rapport au trop long Seventh Day of Doom.
Il est tentant de voir dans cet album de voir les racines de toutes les alternatives au monolithe nordique. D’autant que dans un pays communiste se préparait aussi un groupe de black metal puisant à la même source, et créant un style plus glauque, plus théâtral aussi. Son nom : Master’s Hammer.



Killers - Résistance.

En 1989, en France, la presse tombe des nues avec le projet indus et moderniste Treponem Pal. Le retour hurlant de Trust dans les salles de l’Hexagone ne réussira pas à inverser la tendance, eux-mêmes se perdant dans les séparations, les divergences et les règlements de compte. Les thrashers et deathers n’ont d’autre choix que de s’exiler à l’étranger. Toute la France est occupée par les extrêmes. Toute ? Non : un groupe d’irréductibles hardos résistent encore et toujours à l’envahisseur. Et sans potion magique.
Certes, les débuts ont été laborieux : Killers se contente de faire du sous-Accept lorsqu’il sort Les Fils de la Haine et Danger de Vie. Au même moment, Sortilège lance son chant du cygne avec Larmes de Héros, ADX décolle enfin et Titan tente quelque chose. Seul le groupe du basque retors, Bruno Dolheguy, poursuivra sans discontinuer. A ses dépens, hélas. On sentait poindre une envie de se démarquer à partir de l’album Mise aux Poings, mais c’est en recrutant François Merle, second guitariste, et Serge Pujos, chanteur, qu’il va tirer le gros lot. L’avantage de Résistances, c’est cette preuve que les modes se démodent, et que le heavy et le speed seront toujours excellents tant qu’on sait écrire des riffs. "Métamorphose", "Rêves Secrets" ou encore "Vengeance" en attestent, avec leur côté ADX ou Metallica premiers albums, mais en plus mélodiques et dégraissés. C’est simple, les soli sont plus chantants que jamais. Le gang se permet même une petite balade avec Résistances et son texte rageur.
C’est d’ailleurs quelque chose d’assez troublant : on n’avait pas entendu quelque chose d’aussi limite depuis "Instinct de Mort" de Trust. Déjà que Vengeance ne dépareille pas des groupes de punk bas du front de l’époque, "Clandestinité" jette le malaise avec son break plus solennel. En 2023, il est fort heureux que le texte a un repère temporel évitant de justesse le rappel à l’ordre. L’honneur est sauf, pas vrai ? En tout cas, il l’est totalement avec la musique. A part le ridicule "Longue Vie au Métal", c’est du tout bon, en particulier le puissant "Prisonnier", et son double-refrain des plus efficaces. La chanson sans voix "Soleil Noir" fait le taf, mais on est hélas loin d’"Alesia" ou encore le terrifiant "Nuit des Limbes". Mais on va le voir vite, ce sera peut-être un peu plus méritant.
Fanzines et magazines français avaient bien besoin de cette livraison traditionnelle, en ces temps où d’autres groupes sont passés inaperçus. La redécouverte sera pour plus tard. Pour l’heure, les années 90 seront de plus en plus dures à tenir, pire que les pires hivers.




CarcassSymphonies of Sickness.

Les Peel Sessions ont été un sacré indicateur du changement chez chaque groupe, dans le death anglais. Surtout avec Napalm Death et Bolt Thrower. Du gros mur sonore des débuts, on passe à des riffs, du tabassage et des voix sordides. Bref, on entend enfin quelque chose. Même la pochette est à l’avenant : du fouillis uniforme, on passe au détail : grosse viandasse et équarrissage sont au programme.
Colin Richardson s’occupe de l’enregistrement et parvient à se démarquer et proposer une véritable alternative aux futurs standardisations de Morrisound et Sunlight. Même si la basse ne fait pas l’objet d’un gros travail à part sur "Ruptured in Purulence", c’est déjà énorme d’avoir une guitare aussi singulière, aussi étouffante. Mais surtout, le téléscopage des voix est beaucoup plus maitrisé que sur le précédent album. Jeff Walker commence à s’imposer alors qu’avant, c’était du bête on/off comme chez Napalm Death ("Excoriating Abdominal Emanation"). "Exhume to Consume" est probablement le meilleur témoignage de cette mue : riff biscornu d’entrée de jeu, roulement de batteries en lieu du blast fonceur habituel, et surtout break lourd et vicelard. Il en sera de même sur un titre comme "Embryonic Necropsy and Devourment", titre plus rigide, mais non moins écrasant. Puis la purée est de nouveau balancée, avec seulement la voix de Bill Steer. Dont le solo est d’ailleurs une autre preuve de l’évolution impressionnante du trio.  Parfois, le naturel revient au galop comme sur "Cadaveric Incubator of Endo-Parasites", mais très brièvement. Même sur ce morceau, le riff destroy finit par prendre le dessus avec un solo moins bordélique. D’autres riffs annoncent carrément les futurs albums dans le choix des riffs et des structures comme "Empathological Necroticism" (tiens).
Pendant longtemps, j’avais négligé cet album, n’écoutant que les meilleurs titres de Necroticism, d’Heartwork et me réservant pour encaisser Reek of Putrefaction. Finalement, ça m’a fait le même effet que Hell Awaits : un album sous-estimé car coincé entre deux disques trop adulés. On appréciera les effets vocaux sur leur concert participant à la tournée de Earache de 1989.




AutopsySevered Survival.


Les musiciens frustrés et lourdés, ça peut arriver qu’ils arrivent à quelque chose pour rebondir. Ce n’est pas Dave Mustaine qui prétendra le contraire, mais plein peuvent faire ça. Surtout si ça tourne au vinaigre en pleine ascension. Ou alors, on fait quelque chose et on s’arrête dès qu’on comprend qu’on n’ira pas plus loin pour l’instant. C’est ce que Chris Reifert, ancien batteur de Death, a décidé de faire en 1995. Mais revenons en arrière et regardons ce qu’il a tenté avec Eric Cutler et Danny Coralles en 1988.
Après la démo Critical Madness, le groupe se fait remarquer par le label anglais Peacevile, un concurrent de Earache Records. Après quelques sorties de crossover, la signature d’Autopsy sera un tournant pour la boîte qui va se tourner progressivement vers le metal extrême. L’enregistrement est particulier : le bassiste Ken Soirivari n’étant plus de la partie, ils doivent trouver un bassiste au plus tôt. Pas de chance, un bassiste de session devra être engagé. Fort heureusement, ayant le groupe Sadus en contact, ils convainquent Steve DiGiorio de venir et ce dernier délivre une prestation qui va marquer cet album. Sa basse est moins claquante que dans Sadus, et vient probablement d’une directive de Chris Reifert, resté sur son expérience avec Schuldiner et la quatre-corde grondante de Scream Bloody Gore. Plus rampante encore et tout aussi grasse, elle appuie les guitares dans un rendu sonore alors peu commun. Idéal pour qui est allergique au rouleau compresseur du Morrisound Studio.
Les compos ne sont pas en reste. C’est une sorte d’intermédiaire entre l’envolée de Schuldiner et ses débuts bordéliques. Chris Reifert ne cherche pas la progression ni l’immobilisme. Il veut rester fidèle à la définition du genre. Le death metal est-il synonyme de musique frontale et agressive comme les plus violents groupes de thrash ? Non, tout le monde l’a compris. Mais partir dans une galaxie lointaine, ce n’est pas une alternative. C’est peut-être même le piège mortel de ceux qui n’aiment pas être déconsidérés (ça, on en repalera). Les riffs sont moins bourrins que dans Scream Bloody Gore, mais sont égaux à ceux des plus écrasants de Leprosy, dont "Born Dead", par exemple. "Pagan Saviour" ou "Impending Dread" peuvent présenter ce volet. Plus sombre, presque doom, on peut citer Ridden with Disease, qui est le titre-phare de l’album du groupe. Tout dans ce disque, dans les riffs, suinte la mort, n’est pas fonceur comme au temps des démos et comme Cannibal Corpse. La même année, Carcass sort Symphonies of Sickness. C’est un signe.
Chose amusante : la pochette originale sort en 1989, montrant de la bonne vieille barbaque. Même si la seconde, de censure, sort l’année suivante, montre un visage peut-être plus cohérent avec la musique. Plus trouble, plus sombre. Il ne restait plus qu’à espérer que la cohésion de groupe soit au rendez-vous, ce qui n’est pas une mince à faire avec des leaders ayant quitté un groupe en pleine ascension.



KreatorExtreme Aggression.

Kreator est comme Sodom en moins linéaire. Kreator n’est pas comme Destruction en commettant de grosses erreur de carrière. Du moins en 1989. A ce point, le metal teuton n’est pas trop largué, mais la crise d’Helloween risque peut-être de changer la donne. Pour l’heure, après un Terrible Certainty hésitant malgré quelques fulgurances ("Toxic Trace"), le groupe doit avancer et prendre des solutions difficiles.
Premier point : Ventor doit raccrocher le micro. Mille Pettroza est de plus en plus un frontman. Ensuite, les compos doivent être plus solides. La colère de Pleasure to Kill ne reviendra jamais, et il va falloir faire un travail de longue haleine. Certes, le morceau-titre fait illusion quelques temps, en cognant partout, mais d’autres morceaux traduisent quelques changements. Titre phare de cette tendance : "Some Pain Will Last". Le plus mid-tempo de l’album. De l’autre côté du spectre, juste après, "Betrayer" tente de rappeler que, quand même, Kreator a été un des groupes les plus brutaux des années 80, mettant auditeurs pourtant habitués à la matraque sonore à rude épreuve. Ce sont les derniers efforts pour se rappeler de cette furie juvénile après la fin de la récrée sifflée par Napalm Death. Pour le reste, les changements sont plus discrets sur d’autres titres comme "Love us or Hate us" ou "Don’t Trust". Comme si le groupe préparait quelque chose.
A ce moment-là, le groupe reste attiré par la formule à quatre qui lui réussit plus qu’à Destruction. Le triumvirat du thrash allemand n’est plus d’actualité avec le groupe d’Hannovre hors circuit après un déficitaire Cracked Brain, Kreator va alors se partager le guitariste en vogue Frank Blackfire avec Sodom. Il reste encore quelque temps avant le tournant des années 90.



VoïvodNothingface.

Voïvod atteint un autre extrême : celui du lissage et de la complication. Le groupe continue sur sa lancée, mais quelque chose couve. De malaisant. Dans une interview de 1988, Away révèle sa schizophrénie. Elle s’aggrave lors des tensions avec le groupe, mais de là à penser qu’elle se retrouve dans la musique, c’est un pas que la décence interdit de franchir.
N’empêche que le doute peut s’installer avec la pochette de Nothingface. Dérangeante. Même si elle est un peu floue, les dessins au dos et surtout le design ne trompent pas : c’est de plus en plus dégraissé, les visages commencent à disparaître. Voir la tête sans bouche ni yeux et branchée çà des tuyaux a de quoi interloquer. Si le premier titre ne donne pas trop raison à cette apparence au début, la direction musicale va peu à peu se refermer sur l’auditeur, pris au piège. Seule constante : un équilibre enfin atteint dans le mix avec une basse plus présente que jamais. Au fur et à mesure, les riffs, les mélodies et Snake se font de plus en plus oppressants, faussement sautillants, prompts à casser les répétitions. Qu’est ce qui les sauve de la démonstration et du mauvais assemblages de styles façon Frankenstein ? Leur concept. Il suffit d’écouter "X-Ray Mirror" ou "Inner Combustions" pour s’en convaincre. Quand on est prog, c’est con à dire, mais il faut un peu s’encanailler et ne pas avoir peur de baver. Piggy garde ses racines, le temps où Away avait du mal à se contrôler et partait partout. Les riffs sont dissonants, pas bordéliques. Vont dans la bonne direction. Sans parler de la reprise de Pink Floyd qui, si elle n’apporte pas grand-chose par rapport à l’originale, a le mérite de ne pas dénoter du reste de l’album.
Si le groupe reste imperméable aux modes, il n’échappera pas longtemps aux habituels problèmes de groupe. Parfois, on a envie d’ailleurs. De bouger. Blacky, ça le démange. Il serait peut-être temps de retrouver une dimension moins psychotonique, moins hermétique. En tout cas moins qu’un garage.
« Modifié: 03 avril 2023 à 14:28:27 par The Endoktrinator »
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« Réponse #1131 le: 03 avril 2023 à 14:00:08 »
J'ai quasiment fini le mien, je ne sais pas pour toi mais j'ai galéré. 1987 1988 et 1989 sont blindées de trucs tops, et mon petit doigt me dit que ce sera pareil pour les 4 années suivantes.

Ce membre, c’est Mike Browning, batteur et vocaliste, chose rare, qui formera plus tard Nocturnus, pour avoir été viré par Trey Azagthoth à qui était reproché d’être influencé par David Vincent.

Apparemment les versions divergent, j'ai évoqué celle de Mike Browning dans mon top grâce à une interview de lui, et c'est pas du tout ce qui est dit  [:lol]
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1132 le: 03 avril 2023 à 14:26:56 »
D'ordinaire, je fais des rétrospectives complètes. Le simple fait que je me contente d'un top en dit long. J'aurais pu parler de Years of Decay (le premier bon album d'Overkill, quand même), Slowly we Rot, Beneath the Remains, Only Shred Remains, plus de The Real Thing etc. Trop de trucs. Je pense que la même chose va m'arriver pour l'année 1993.

Sinon, c'est cette interview-là ?

https://www.voicesfromthedarkside.de/interview/mike-browning-2/

Il y dit bien que lui et Azagthot se sont bagarrés devant la copine de l'un des deux et que Browning n'a jamais cru au "le disque n'est pas satisfaisant".
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PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1133 le: 03 avril 2023 à 18:05:14 »
https://www.voicesfromthedarkside.de/interview/mike-browning-2/

Il y dit bien que lui et Azagthot se sont bagarrés devant la copine de l'un des deux et que Browning n'a jamais cru au "le disque n'est pas satisfaisant".

Oui mais il insiste sur le fait qu'il n'a pas été "viré", mais qu'il a surpris sa nana en train de fricoter avec Trey, et la situation a dégénéré, ce qui est différent.

Citer
The album was shelved due to the band disintigrating in a physichal argument over your girlfriend, what happened? Didn’t the bandmembers get along well with your girlfriend?
"As I just said I guess Trey got along too good with my girlfriend, I caught them together at Trey’s moms house where he lived at the time and I beat his ass so bad that was the end of me being in MORBID ANGEL and jamming with Trey!
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PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1134 le: 06 avril 2023 à 13:56:27 »
[:hurle] MON TOP 1989



1 - SEPULTURA - Beneath The Remains

Enorme sensation de cette fin de décennie, Sepultura progresse à une vitesse ahurissante. Déjà Schizophrenia, 2 ans plus tôt, se faisait une belle place dans la famille du metal extrême des années 80 avec un thrash / proto death metal inspiré, mais tuons le suspense : son successeur montre les Brésiliens à leur apogée. Mis en lumière par une presse conquise, Beneath The Remains propose un thrash metal ravageur, sans concession, une vraie débauche de bpm et de cordes de mi qui transpirent, mais pas seulement : il y a un style personnel, une inspiration, une technique, une précision renversantes – et surtout des morceaux aux passages diablement accrocheurs.

Un tel déchaînement risquerait de laisser l’auditeur complètement assommé au bout de cette démonstration d’agressivité, ou de le lasser avant le terme de l’expérience. Mais c’est sans compter les finesses musicales intelligemment parsemées tout le long de l’album, délicatesses que l’on ne s’attendrait pas à trouver ici. Entre l’intro éthérée du morceau-titre, l’extraordinaire break mélodique de Mass Hypnosis, le début électrisé de Sarcastic Existence, Lobotomy et sa délicieuse partie centrale, ou l’obsédant solo de Primitive Future, on se sent poursuivi, hanté par ces macabres aubades encore plusieurs dizaines de minutes après l’arrêt de la platine. Les structures barrées ne sont pas en reste non plus ; Stronger Than Hate, Sarcastic Existence, Slaves of Pain, Lobotomy, et le magistral Hungry représentent un certain challenge d’écoute tant les riffs et les transitions s’y multiplient. Pour couronner le tout, Sepultura réussit le mariage de toutes ces subtilités avec une vision punitive et primaire du thrash metal, aussi bien dans les riffs rapides (200, 220, 240 bpm parfois, en allers-retours stricts ou en galops) que dans les bons gros mid-tempos de base qui font secouer les chevelures (Inner Self, milieu du morceau-titre, ou ce passage absolument écrasant en fin de break de Stronger Than Hate).

Nous sommes ici en présence de l’un des plus grands disques de thrash des années 80, cumulant les points forts du style avec la soif d’en découdre de jeunes de 20 ans en pleine possession de leurs moyens. Les qualités de composition sont bien sûr dignes de louanges qui s’adresseront au groupe dans son ensemble, mais en termes de performances instrumentales, deux membres soulèvent ce Beneath The Remains à la hauteur espérée : Andreas Kisser, le soliste, que l’on sent vraiment au firmament de son thrash, inventif et aiguisé comme jamais, et Igor Cavalera, dont le jeu de batterie regorge d’éclairs de génie et d’énergie surhumaine. Meilleur album du groupe à mon avis, tandis que la majorité de la seconde génération de métalleux lui préfèrera le suivant, Arise, et la génération suivante le controversé Roots.


2 - CORONER - No More Color

Malgré un certain succès d’estime dans la presse spécialisée et un premier clip à faire tourner à la télévision (Masked Jackal, issu de Punishment For Decadence), la notoriété du trio Suisse n’explose pas. Loin de se laisser décourager pour la suite, il modifie quelque peu son approche en privilégiant leur côté speed metal et en variant davantage les rythmes. Le niveau des musiciens semble ainsi encore grimper – si c’était possible – et l’amateur de thrash élaboré ne peut que s’incliner très bas pour leur lécher les bottes. Le tout neuf No More Color, malgré son titre, donne dans le feu d’artifice de bout en bout : endiablé, technique à tous les étages, super inspiré, et court donc moins inaccessible qu’il en a l’air. Seule la voix monocorde semble faire défaut, mais on écoute rarement du thrash pour s’émerveiller sur l’aspect vocal de cette musique.

Why It Hurts et D.O.A., avec leur skank beat, rappellent les deux premiers disques (association de thrash haut de gamme et de moments sortis d’une autre dimension), mais les autres plages de cette grosse demi-heure d’exhibitionnisme de talent dévoilent un groupe en pleine mutation : le nombre de riffs augmente, les cassures sont plus fréquentes, les signatures tirent sur l’impair, et la perte de vitesse purement rythmique est compensée par un shred totalement décomplexé ou des synchronisations guitare / basse éblouissantes. Difficile de mettre en valeur tel ou tel passage par rapport aux autres, toutes les compositions ici présentes comportant leur lot d’extraordinaire ; personnellement je retiens surtout le refrain scandé de Die By My Hand, le mid-tempo grinçant de No Need to Be Human, le délicieusement accidenté Read My Scars au break jouissif, où Tommy Vetterli shredde comme s’il avait un pistolet sur la tempe, Mistress of Deception et ses trombes de notes d’inspiration néoclassique, le break plus posé de Tunnel of Pain, ou au contraire celui de Why It Hurts qui offre un pur riff dédié au headbang malgré ses mesures loufoques (7/8 7/8 7/8 7/8 6/8 6/8 7/8 4/4 7/8 4/4 7/8 4/4 7/8 7/8 hahaha). L’album s’achève sur un titre plus expérimental, Last Entertainment, lors duquel le batteur parle en fond sonore, sous des mélodies envoûtantes de guitares ou de synthés, créant ainsi une atmosphère étrange qui atteste de la volonté du groupe de tester d’autres approches.

La sortie de No More Color paye, et offre aux Suisses une série de concerts européens en tête d’affiche, et l’opportunité de partir aux US en support de Kreator – tournée pendant laquelle se profile un début de vie de rock stars. Cela aurait pu provoquer cette percée de popularité tant méritée, mais les choix artistiques de Coroner, peut-être un peu trop « intellos » pour les thrashers ou trop bourrins pour les progueux, n’ont jamais vraiment collé aux attentes de la majorité du public.


3 - PARIAH - Blaze Of Obscurity

Le monde du heavy des 80s a vu passer son lot de groupes très talentueux mais complètement masqués du paysage par des géants dont on parle toujours. Parmi ces formations, s’il fallait faire un classement des plus sous-estimées, les Anglais de Satan arriveraient en tête de ma liste, haut la main. Il faut avouer que changer deux fois de nom n’aide pas non plus à s’en faire un, Pariah étant la troisième incarnation du groupe, après Satan et Blind Fury. Seul le chanteur diffère, un coup c’est Brian Ross (le premier et l’actuel depuis la reformation de 2011), un coup Lou Taylor (Blind Fury) et un coup Michael Jackson (le second de Satan et maintenant celui de Pariah). Voyez, en quelques lignes j’ai déjà perdu tout le monde.

Bref, Pariah est simplement la continuité du second album de Satan, Suspended Sentence, ayant fini à la mirifique 5ème place de mon top 1987. En 1988 sortait le sympathique The Kindred, premier Pariah mais dans les faits quatrième disque à comporter le même line-up hormis le chanteur (vous suivez toujours ?). Et voici le suivant, Blaze Of Obscurity, qui aligne les missiles heavy/speed metal les uns après les autres. Rythmiques en acier, solos effrénés, mélodies saillantes, on se laisse entraîner sans s’ennuyer une minute ; du mid-tempo relevé de Missionary of Mercy au plus sinistre mais néanmoins rapide The Brotherhood, en passant par le débridé Puppet Regime aux riffs blindés de fills, le speed infernal de Canary (quel break démentiel), les sautes d’humeur du morceau-titre, brossant dans le sens du poil uniquement pour repartir énergiquement dans l’autre sens, ou les thrashisants Retaliate et Hypochondriac, l’un au refrain fédérateur, l’autre à l’approche structurelle riche. Les musiciens survolent débats et potentielles critiques, c’est précis, agressif, travaillé ; le chanteur serre davantage la vis avec son excellent grain de voix, tout en se permettant à quelques endroits des harmonisations rétro aux couleurs swing jazz (oui vous avez bien lu).

Ces 40 minutes de haute volée m’ont cloué sur place, et je me demande depuis le jour où j’ai découvert ce disque en creusant la disco de Satan, pourquoi diable une telle pièce de metal anglais prenait la poussière dans le grenier de la reconnaissance. L’album est un sans-faute en la matière, à mon sens la meilleure cuvée du conglomérat Satan/Blind Fury/Pariah, et seule son importante confidentialité l’empêche d’écraser sans forcer une montagne de disques pourtant largement plus connus et mieux considérés. Il fallait absolument le réhabiliter et lui donner via cette chronique le milliardième de la lumière qu’il mérite. Maintenant, imaginez être un amateur chevronné de peinture et apercevoir un Pissarro dans une brocante, coincé entre un canevas de mémé et une relique de l’école maternelle… Vous haussez les épaules et passez votre chemin. Si vous êtes fan de heavy/speed metal des années 80, ne faites pas la même erreur avec ce Pariah.


4 - WATCHTOWER - Control And Resistance

Après un avant-gardiste et grandiose Energetic Dissassembly qui avait pris tout le monde de court en 1985, Watchtower se disloque petit à petit : le guitariste fondateur Billy White abandonne d’abord le navire pour d’autres horizons musicaux, puis le bassiste Doug Keyser auditionne pour Metallica et le chanteur Jason McMaster se pose le cul entre deux chaises avec son projet parallèle Onyxx. Pendant cette période de flottement, le groupe parvient à sortir deux démos en 1987, bourrées d’idées que les Allemands de Sieges Even essaieront de reprendre à leur compte en 1988 sous la forme d’un album studio, Life Cycle. Sans être un plagiat au sens juridique du terme, les similarités sont néanmoins frappantes et feraient passer le second album officiel de Watchtower pour la copie, car sorti un an plus tard. Je mentionne juste ceci pour remettre l’église au milieu du village.

Durant les 80s, quatre années sans sortir de disque, c’est suffisamment long pour être fatal. Mais les Texans parviennent à rester à flot grâce à deux évènements : l’arrivée de l’ingénieux Ron Jarzombek à la guitare, et la signature chez Noise, le célèbre label allemand (Celtic Frost, Kreator, Coroner, Voïvod, Helloween, Running Wild, Scanner, Rage, Destruction, Tankard, Mordred, etc.). De plus, leur vision des choses, peut-être un peu trop précoce en 1985, commence en 1989 à se propager sur une partie de la scène thrash, avec Coroner, Mekong Delta, Toxik et Voïvod, évidemment, mais aussi plus discrètement sur des groupes comme Nasty Savage, Deathrow (tous deux en grande forme cette année), Midas Touch, Equinox, DBC, Believer, ou même Holy Moses et Paradox. Peut-être le public est-il suffisamment prêt, cette fois, à accueillir les excentricités métalliques ?

Instruments of Random Murder mettra d’entrée les curieux au défi : structure dérangée, mélodies aux multiples changements, basse gonflée aux hormones, solos cryptiques, plans de batterie jazz fusion, donc très peu de place pour l’anticipation à la première écoute. Le nouveau vocaliste Alan Tecchio constitue un rempart supplémentaire à l’appréciation, tant sa voix haut perchée et volubile peut soit perturber la concentration nécessaire pour comprendre le contenu musical, soit directement taper sur les nerfs, soit les deux. Les morceaux suivants sont constants dans l’inconstance, et parviennent ici ou là à accrocher l’oreille (riff post-solo du premier morceau, refrains de Mayday in Kiev et de The Fall of Reason, en rajoutant son début de break Rushesque) malgré un déluge de mutations mélodiques et rythmiques qu’il serait fastidieux de détailler tant elles sont permanentes. Après cinq titres absolument dantesques, j’avoue décrocher sur la fin de l’opus malgré une nette tentative d’alléger (un peu) le propos sur Life Cycles (clin d’œil appuyé à Sieges Even ?).

L’écoute est exigeante, active. L’auditeur est poussé dans ses retranchements, et sera peut-être plus apte à l’appréciation s’il est lui-même musicien, mais sans rien garantir car le niveau d’hermétisme est très élevé. A ce titre, Control And Resistance est encore aujourd’hui une référence absolue en matière de tech-thrash, ayant catéchisé des légions de suiveurs, et reste en 1989 une anomalie musicale – peut-être moins qu’Energetic Disassembly en 1985, car à l’époque très esseulé sur ce créneau. Watchtower polarise les avis : on peut trouver ça intellectuellement stimulant, artistiquement audacieux et élitiste, tout comme froid, démonstratif et disjoint.


5 - W.A.S.P. - The Headless Children

Au milieu des années 80, W.A.S.P. était un groupe irrévérencieux, ennemi (parmi d’autres) du PMRC américain, pratiquant un mélange hard rock / heavy metal à base de viande crue, de faux sang, de fausse torture, et de textes olé-olé. Ont succédé au célèbre premier album éponyme de 1984 deux galettes donnant dans le même registre en moins inspiré (The Last Command, 1985 et Inside The Electric Circus, 1986), puis un live en 1987. Le leader Blackie Lawless prend alors du temps pour réfléchir à l’avenir du groupe : continuer dans la provoc shock rock, ou mûrir et proposer quelque chose de plus grave et réfléchi. Lorsqu’une fan a affirmé au chanteur avoir repris sa vie en main grâce aux paroles du titre B.A.D., qu’elle croyait adressées aux junkies (alors que ce n’était pas le cas), il a refusé cette responsabilité en déclarant faire de la musique juste pour s’amuser ; puis cette conversation a fait son chemin (citation : « I couldn’t get it out of my head. Here we did this, and we weren’t even trying. What could we do if we tried ? »). L’idée du furieux quatrième titre Thunderhead était née, et avec elle la volonté de faire autre chose que du barbeuc’ metal : parler de sujets de société et durcir le ton. Et effectivement, The Headless Children se distingue assez nettement de ses prédécesseurs.

Un coup d’œil à la pochette et ses symboles suffirait (montage basé sur le Gateway To Stalingrad de Fitzpatrick), mais demande confirmation musicale : l’ambiance pesante du titre d’ouverture, The Heretic, ne trompe pas, et celle du morceau-titre non plus. C’est lugubre, l’atmosphère s’alourdit, les guitares explosent, les roulements de batterie tonnent, la musique de W.A.S.P. plutôt orientée hard/heavy festif, devient ici heavy metal racé, affilé, tandis que la voix si caractéristique de Blackie Lawless prend enfin toute son envergure sur des textes plus sérieux. L’immense Thunderhead enfonce le clou avec son refrain d’une puissance rare et sa sortie de break digne d’une leçon, The Neutron Bomber reste dans cette veine, et même la traditionnelle fausse ballade Forever Free prend des couleurs imprévues. The Headless Children laisse toutefois encore la porte ouverte aux compositions plus légères, typiques du W.A.S.P. qui jette de la bidoche sur les premiers rangs (Mean Man, Maneater et Rebel in the F.D.G.), et accuse malheureusement la présence d’une reprise dès la deuxième piste – The Real Me des Who – quelle idée à la con de la coller aussi tôt sur la tracklist, car ça n’a rien à voir avec le reste.

Selon moi l’album aurait été parfait en virant les titres plus rock n’roll pour les remplacer par les faces B des singles The Real Me et Mean Man : les superbes For Whom the Bell Tolls, Lake of Fools et War Cry, correspondant bien plus à la facette plus mature de The Headless Children. Quoi qu’il en soit, l’adolescence artistique de Blackie Lawless prend fin, et W.A.S.P. s’éloigne de manière évidente de toute la clique « glam metal » à laquelle il était rattaché par méconnaissance ou flemmardise. La nouvelle direction n’est pas au goût de tout le monde, le succès est moins important, le soliste Chris Holmes et le bassiste Johnny Rod quittent le navire suite à la tournée, Blackie envisage déjà sérieusement une carrière solo, et la formation est officiellement déclarée morte à la fin de l’année 1989. Maigre consolation, les Californiens ont redoré leur blason auprès de ceux qui les considéraient comme une bande de dégénérés simplement bons à abêtir les foules.


6 - MORBID ANGEL - Altars Of Madness

Avec Death, Morbid Angel est évidemment l’autre figure paternelle du death metal. Très actif en 1986 et 1987 sur le front des démos, leur premier album Abominations Of Desolation était en route, et il a suffi que le guitariste se tape la copine du batteur pour que tout explose en vol (putain de guitaristes). Officiellement, l’album fut mis au placard car le groupe n’était pas « satisfait du résultat ». C’est ensuite en 1989 que Morbid Angel ressurgit du néant avec quelques anciens titres de l’époque des démos, retravaillés – et un autre batteur, qui s’entraîne d’arrache-pied pour augmenter sa vitesse de jeu.

L’entrée en matière plante immédiatement le décor. Immortal Rites délivre des riffs bouillonnants agrémentés d’incursions de claviers malsains, sur une rythmique alternant skank beats, double grosse caisse en rouleau compresseur et ruptures semblant aléatoires. L’ambiance colle parfaitement aux thèmes occultes des textes, et on s’aperçoit rapidement que Morbid Angel va s’incruster durablement dans le paysage métallique tant sa personnalité musicale se démarque ; et ce d’autant plus que la concurrence directe reste encore limitée (Death, Obituary, Pestilence et Bolt Thrower principalement). La suite du disque se poursuit dans cette atmosphère accablante et hypnotisante : les mythiques Maze of Torment (quelle intro extraordinaire), Chapel of Ghouls (formidable break), Damnation, Blasphemy… qui malgré leur sauvagerie s’impriment durablement dans les crânes avec leurs mélodies démoniaques. Il faut cependant avouer que la voix gutturale, possédée, du bassiste David Vincent, et les solos délibérément cacophoniques de Trey Azagthoth (de son vrai nom George Michel Emmanuel, nettement moins ivaule) rendent l’écoute oppressante, même pour beaucoup de métalleux avertis.

On peut affirmer qu’en 1989 Morbid Angel est l’un des groupes les plus violents du circuit, flirtant parfois avec l’inécoutable sans jamais en franchir la limite, et leur énorme influence s’apprête à traverser les époques. Prenons par exemple le troisième riff de l’excellent Visions From the Dark Side : impossible de ne pas y entendre ce que sera la seconde vague de black metal des 90s, ou le futur son de Gothenburg. La scène metal en cette fin de décennie regorge d’inventivité, d’expérimentations, et de joyaux de plus en plus divers ; Altars Of Madness est le diamant d’un noir profond à rajouter au collier.


7 - KING DIAMOND - Conspiracy

S’il on doit citer des groupes des années 80 ultra-productifs sans perdre en qualité, Iron Maiden viendra naturellement à l’esprit avec son incroyable série de 7 classiques entre 1980 et 1988 ; plus rarement on pensera à King Diamond, qui, entre feu Mercyful Fate et son projet solo, se fend de 7 grands disques entre 1983 et 1990. J’ai fait l’impasse sur « Them » sorti en 1988 malgré son statut iconique parmi les fans, principalement à cause de la pelletée de textes masquant la majeure partie de la musique, déclamés de façon stridente quasi-sans interruption, exigeant ainsi une bonne endurance sur plus de 40 minutes. Conspiracy, qui propose la suite de l’histoire développée sur « Them », est mieux produit, plus équilibré, moins bavard, vocalement plus varié. Le retour du Danois peinturluré dans mon top était donc indispensable.

Je ne m’attarderai pas sur l’histoire en elle-même, que je trouve d’un moindre intérêt, n’ayant pas ce subtil mélange mi-kitsch mi-sérieux du chef d’œuvre Abigail. Par contre musicalement c’est une franche réussite. At the Graves démarre les hostilités de la meilleure des manières : heavy metal tarabiscoté, progressif, énergique, fournissant de grandes plages instrumentales sans que la voix ne vienne interférer intempestivement. Le duo de guitaristes Pete Blakk / Andy LaRocque fonctionne à merveille, l’excellent batteur Mikkey Dee, bien qu’ayant quitté le groupe, rempile en studio pour rendre service, le chanteur et leader Kim Petersen dose bien mieux ses interventions, module plus fréquemment ses vocaux que sur « Them » ; seul le bassiste Hal Patino reste transparent – destin trop souvent partagé dans le metal, hélas. La suite reste dans le même registre heavy prog avec le légendaire Sleepless Nights ou les appliqués Lies et A Visit From the Dead ; puis le niveau descend d’un ou deux étages sur The Wedding Dream et « Amon » Belongs to « Them », plus quelconques (voire un chouïa irritants), pour mieux nous exploser à la figure sur Victimized, candidat sérieux pour le podium des meilleurs titres de la carrière de King Diamond. Cette structure, cette ambiance, ces riffs, des cassures partout, des changements à la pelle, des solos divins et une outro de dingue. Les deux dernières pistes constituent l’épilogue de l’histoire, dont l’hypnotisante, fantomatique et speed métallique instrumentale Cremation clôturant les concerts de la tournée avec l’apparition d’un cercueil en flammes sur scène.

Les ventes de Conspiracy se rapprochent des bons scores de « Them » aux Etats-Unis, King Diamond y est alors à son pic de célébrité, ce qui peut paraître étrange car le style du groupe reste difficile à appréhender, et la pochette choisie en dernier recours (le King n’ayant pas été fan de l’illustration originale) peut constituer un vrai repoussoir. Enfin, comme de coutume avec ce groupe, ce nouvel opus ne rebattra pas les cartes : si on déteste le chant et qu’on ne fait aucun effort pour tenter de comprendre la démarche artistique qui le motive (en se plongeant dans les histoires racontées, par exemple), Conspiracy ne fera pas le premier pas.


8 - MORDRED - Fool’s Game

Formé en 1984 en plein boom du thrash, Mordred ne sort son premier disque qu’en 1989, autant dire trop tard pour espérer gratter une place au chaud parmi les groupes incontournables de la scène de San Francisco. Le groupe voit passer les années 80 et assiste donc impuissant à l’explosion de notoriété du style sans en faire partie ; faisant écho aux quelques expérimentations funk de Death Angel sur leur deuxième album, les musiciens de Mordred se montrent plus convaincants (meilleurs techniquement et plus inspirés), signent chez Noise et dévoilent Fool’s Game, petite perle de speed metal très vaguement funky.

A l’heure où le metal alternatif et les fusions en tous genres commencent à prendre leurs marques (grâce à Suicidal Tendencies, Excel, Mr. Bungle, Extreme et surtout Faith No More et leur carton The Real Thing la même année), Mordred s’incruste, propose un metal ouvert sans trop le travestir. Si le single Every Day’s Holiday et sa face B Super Freak (reprise de Rick James) jouent à fond sur le mélange funk/metal, le reste de Fool’s Game fait pleuvoir les riffs heavy/speed metal (State of Mind, Spellbound, Shatter, Numb, The Artist – quel break !) et les solos virtuoses (Spectacle of Fear et Sever and Splice surtout, mais tous sont au minimum très bons) tout en glissant de temps à autres des éléments externes aux ingrédients classiques : rythmes impairs, structures bien ficelées, groove particulier avec une basse gonflée, et vocaux à la Mike Muir sans le côté mièvre.

En partant largement après le coup de sifflet, Mordred a évité l’écueil de vouloir à tout prix rattraper le train et a préféré travailler un style plus décalé, plus différencié. Fool’s Game n’est pas « funk metal » (sauf à deux moments précis), mais se distingue par une forte personnalité et une agréable accessibilité sans sacrifier la puissance des riffs. Plus qu’une manière un peu snob de dire qu’on écoute du speed metal sans se faire saigner les oreilles.


9 - DREAM THEATER - When Dream And Day Unite

Tout le monde connaît l’histoire de la formation de ce mastodonte du metal progressif, donc j’éviterai d’alourdir la chronique en rabâchant du déjà-lu. Il est juste amusant de signaler que le groupe, alors dénommé Majesty, jouisait d’une certaine popularité du temps de ses démos et de ses petits concerts à New York (1986-1988) et s’attend à ce que son premier album soit un succès, au moins localement. Mais il n’en est rien, When Dream And Day Unite passe plus ou moins inaperçu en 1989 et la tournée de promotion se voit rabotée. La musique de Dream Theater est pourtant déjà quasiment sous sa forme définitive, celle qui fera sa popularité : un mélange d’énormes influences rock prog (Genesis, Rush), heavy metal (Iron Maiden), metal prog de la première heure (Fates Warning) et metal instru néoclassique avec du shred de guitare et des solos de synthé qui bavouillent (Yngwie Malmsteen). Il lui manque juste des vocaux plus typés heavy que ceux de Charlie Dominici, pop et nasillards.

C’est donc dit, le point faible du disque – hormis la production, mais bon, sauf cas extrême, qui juge un disque principalement sur sa production ? – est la voix, qui ne semble pas totalement en phase avec le reste. Personnellement je m’en suis bien accommodé, Dominici chante juste avec suffisamment d’intention pour faire le taf, et le mix le met peu en avant, ce qui laisse toute la place nécessaire à la performance débridée des quatre instrumentistes. Performance d’ailleurs étincelante, et qui ne laisse absolument pas de côté les mélodies ni les riffs ; je n’ai d’ailleurs jamais compris cet argument concernant le « Dream Theater 100% démonstratif » avant les années 2000. Oui, il y a un côté esbroufe car les mecs sont jeunes et insolemment bons, donc ils veulent le montrer, prouver leur valeur en tant que techniciens, mais ça ne se fait jamais au détriment des compositions ; exactement comme leurs modèles finalement. En témoignent les nombreux passages mémorables de l’album : l’intro de A Fortune in Lies ainsi que son break hyperactif, le riff principal de l’instru Ytse Jam avec sa mesure en 7/8 qui traîne, le break définitivement prog de The Killing Hand ou la puissance métallique d’Afterlife (quel refrain !). Aucun titre n’est négligé, tout au plus pourra-t-on reprocher le petit côté FM de Status Seeker.

Cet opus est souvent relégué aux oubliettes, même parmi les fans de Dream Theater, qui en fonction des générations se concentrent sur leur âge d’or (les 90s) ou sur leur période « on imite tous les groupes à la mode » (les 2000s). Et c’est un tort qui se doit d’être réparé. When Dream And Day Unite prolonge le travail de Fates Warning et consolide les bases du metal progressif tel qu’il sera pratiqué lors de la décennie suivante. Certes il a quelques défauts, il n’a pas l’aura magique d’Images And Words, mais la recette miracle des New Yorkais est à peu près au point ; reste à trouver un chanteur avec davantage de patate.


10 - WHITESNAKE - Slip Of The Tongue

Il y a un retour en grâce du hard rock en cette fin de décennie avec une invasion de disques en moyenne plutôt bons, témoins d’un genre se portant très bien et s’offrant une seconde jeunesse. 1989 est particulièrement fournie en permanentes / jeans / perfectos : Mötley Crüe, Skid Row, The Cult, Aerosmith, Queen, Alice Cooper, Lizzy Borden, Tesla, Shark Island, Warrant, LA Guns, Great White, Bad Lands, Winter Rose, Mr Big… sans compter les célèbres sorties des deux années précédentes : Guns N’Roses, Cinderella, Poison, Bon Jovi, Winger, Kiss… Et Whitesnake, qui est le genre de groupe à avoir une page Wikipédia uniquement dédiée à ses changements de membres, donc je ne me lancerai pas dans une rétrospective détaillée. Retenons juste que c’est une formation anglaise de hard rock 70s menée par un ex-chanteur de Deep Purple, David Coverdale, qui a connu un certain succès en Angleterre et aux USA pendant une dizaine d’années.

Comme toute formation de hard old school qui se respecte, elle tourne autour de racines blues prononcées, d’un vocaliste charismatique et d’un guitar-hero. Mais les blessures aux poignets du guitariste Adrian Vandenberg en plein enregistrement de leur huitième disque vont chambouler la routine : pour honorer ses engagements, Coverdale engage alors le turbulent Steve Vai, ex-Frank Zappa, ex-Alcatrazz, et ex-David Lee Roth, et lui donne carte blanche. Apprendre des morceaux de hard rock traditionnel au pied levé et tartiner du solo dans l’urgence ne lui pose bien sûr aucun problème ; son style de jeu, par contre, tranche vivement avec les habitudes des Anglais, et cette collision frontale fait tout le sel de Slip Of The Tongue.

Lorsqu’on a eu dans ses rangs des pointures comme John Sykes ou Vivian Campbell, qui font l’amour à leur guitare à l’ancienne en alternant délicatesse et passion, l’arrivée de Vai dénote vraiment, car lui ne la laisse qu’exangue et orifices fumants. Ce shred flamboyant, voire criard, associé à des superpositions de pistes, donne aux compositions initiales de Coverdale et Vandenberg des couleurs étonnantes en plus d’un sacré coup de pied au cul, et propulse ce hard un tantinet pantouflard dans l’exubérance des années 80. Whitesnake, qui avait régulièrement réussi à transformer des plates mièvreries en morceaux enthousiasmants, assure encore davantage ses arrières : Now You’re Gone et The Deeper The Love, par exemple, parviennent à faire mouche malgré des mélodies qui frisent l’évidence. Même les titres un peu feignants comme Cheap an’ Nasty et Slow Poke Music, le Kashmiresque Judgment Day, ou le réenregistrement de Fool for Your Loving (censé réitérer le même coup commercial du single Here I Go Again en 1987) gagnent de l’intérêt grâce aux interventions magiques du six-cordiste. La voix légendaire de Coverdale – et ce n’est pas Jorn Lande qui me contredirait – participe bien sûr au cachet de l’ensemble, mais à mes oreilles c’est Steve Vai qui porte littéralement cet opus ; ses quatre titres majeurs (Slip of the Tongue, Kittens Got Claws, Wings of the Storm et Sailing Ships) sont d’intenses démonstrations de talent balancé à la figure sans vergogne ni retenue.

Malgré le fait qu’il ait récemment nuancé son propos en acceptant Slip Of The Tongue comme étant un album important dans sa carrière, le vocaliste a longtemps regretté d’avoir engagé Vai et laissé dérouler ses « exercices de jazz », pour le citer lors d’une interview, trahissant ainsi l’esprit de son groupe. Le relatif échec commercial de Slip Of The Tongue (« seulement » 4 millions de ventes dans le monde au lieu des 8 millions du précédent disque seulement aux USA) associé à la fatigue accumulée conduiront Coverdale à mettre Whitesnake en pause pour plusieurs années. Fans et critiques ont certes également déploré le décalage amené par Steve Vai, mais c’est précisément ce qui ravira les geeks de la guitare et les amateurs d’inattendu.


11 - KREATOR - Extreme Aggression

Ce combo allemand fait partie de ceux qui ont appris sur le tas, et cela expliquait grandement leur absence dans mes tops des années 80, jusqu’ici. Même si le Terrible Certainty de 1987 attestait d’une nette progression technique, Extreme Aggression, leur quatrième méfait, parvient enfin à une recette équilibrée : morceaux variés (pas comme sur Pleasure To Kill), plus travaillés, enregistrés correctement (pas comme sur Endless Pain), et comportant parfois une part d’expérimentation. Après avoir été découverts par le public Américain via le clip de Toxic Trace sur MTV, puis commencé à tourner en tête d’affiche, Kreator est enfin produit par une sommité du milieu (Randy Burns), et fin prêt pour la conquête du monde en tant que fer de lance du thrash européen.

Le mot « conquête » est cependant à relativiser, car si Mille Petrozza et ses acolytes sont les premiers thrashers européens à percer, on constate seulement une 68ème place dans les charts hollandais, et une 90ème dans leur pays d’origine. Donc à des kilomètres derrière les groupes américains, ce qui montre le gouffre de notoriété restant à combler pour la scène en général et Kreator en particulier. Pourtant les ingrédients sont là : un son identifiable, une technique devenue solide, une bonne dose d’agressivité et des idées à la pelle, comme en témoignent le nerveux morceau-titre au break ciselé, les riffs tordus et les variations de No Reason to Exist ou Love Us or Hate Us, Don’t Trust et son mid-tempo percutant, ou encore l’ambitieux Some Pain Will Last qui alterne différentes ambiances, et Fatal Energy au curieux passage post-solo sonnant limite folk (un peu à la Iron Maiden). C’est la sixième plage, Betrayer, qui est choisie pour faire la promotion du groupe dans l’émission métallique phare de la fin des années 80, MTV’s Headbangers Ball, et permettra une tournée américaine.

Malgré des ventes timides par rapport aux cadors outre-atlantique, Kreator fait son bonhomme de chemin, monte en régime, en professionnalisme, et prouve avec Extreme Aggression que leur histoire reste à écrire. Cette période montre que le thrash traditionnel, sans se renier, peut s’emparer de buts différents de celui de jouer le plus vite possible sans discontinuer, et cet album en demeure un bel exemple.
« Modifié: 06 avril 2023 à 13:58:32 par cacaman »
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1135 le: 22 avril 2023 à 16:04:04 »


Groupe approuvé par la Président de la République d'Islande, fan de métal qui assiste parfois à des concerts (et donc à la droit à la totale depuis sa loge : headbang, mosh, torse nu homme/femme et consort). [:pfft]

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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1136 le: 22 avril 2023 à 16:31:58 »
Il aurait pu aussi le faire avec Flames of Hell, Svartidauði ou Misþyrming avant...
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1137 le: 22 avril 2023 à 23:30:40 »
J'en sais pas plus, c'est mon patron, fan de métal, qui m'a raconté tout ça pour l'avoir vu à un concert de ce groupe.

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Re : Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1138 le: 23 avril 2023 à 11:02:51 »


Groupe approuvé par la Président de la République d'Islande, fan de métal qui assiste parfois à des concerts (et donc à la droit à la totale depuis sa loge : headbang, mosh, torse nu homme/femme et consort). [:pfft]

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Oulah, pas ma tasse de thé ! Trop festif, trop dansant...

Cependant, je valide les "dirigeants" qui gardent des goûts "populaires" (comme l'ancienne 1ère ministre finlandaise). Ça fait plaisir à voir, c'est rafraîchissant.
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1139 le: 27 avril 2023 à 22:20:20 »
Oui sans surprise c'est ultra-folk. Pareil que Bouloche j'ai un peu de mal avec les trucs festifs, et plus globalement directement dérivés du folk nord-européen. A l'exception de groupes comme Blind Guardian, pour qui folk ne rime pas forcément avec danse de village, en y ajoutant une dimension dramatique.
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1140 le: 28 juillet 2023 à 11:31:18 »
@Bouloche Le Foufounet

Alors oui les mecs de Leprous sont des tueurs... à la base ils accompagnaient Ihsahn (le leader d'Emperor) en tournée pour jouer les titres de ses albums solo, qui tirent vers le post black metal, un peu expérimental et forcément prog sur les bords.
Mon disque favori de Leprous est The Congregation.

Extrait :

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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1141 le: 28 juillet 2023 à 11:41:53 »
Rhalala... J'vais me sentir obligé d'écouter trèèèèèèèèèès attentivement leurs disques maintenant ! ::)

Juste une question, par rapport à la vidéo : pourquoi il y a 2 batteurs ??? Le 2ème ne joue pas toujours, et quand il le fait, il ne fait que doubler le partie du 1er batteur. C'est curieux... [:what]
« Modifié: 28 juillet 2023 à 11:47:22 par Bouloche Le Foufounet »
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Re : Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1142 le: 28 juillet 2023 à 11:46:50 »
Juste une question, par rapport à la vidéo : pourquoi il y a 2 batteurs ???

Aucune idée!
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1143 le: 28 juillet 2023 à 15:50:33 »
Tiens, puisque l'on parle de metal prog, vous connaissez ce groupe indien ? J'ai leur album Guiding Lights et j'aime beaucoup.





Laissez-la partir
Laissez-la mourir
Ne le dites pas
Tristana... c'est moi !

Hors ligne Bouloche Le Foufounet

Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1144 le: 28 juillet 2023 à 18:07:18 »
Alors, non, en ce qui me concerne, je ne connaissais pas...
C'est plutôt sympa ! :)
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1145 le: 09 décembre 2023 à 10:10:10 »
Concert à l'arrache pour voir deux groupes de rock-métal 100% islandais : Volcanova en première partie et The Vintage Caravan. Le premier groupe m'a davantage plu dans sa prestation même si le second a enflammé la foule (on était environ 150 à l'Iðno qui est dans l'hypercentre touristique de Reykjavik).

Il faut que j'en fasse plus car ça fait du bien [:pfft]



Ah et j'ai fait la connaissance de la copie du Hellfest qui se déroulera du 6 au 8 juin prochain : SATAN.

Pourquoi copie ? Parce que ça se déroule dans la ville la plus charmante et typique du pays, un peu comme Clisson. Bref, pas un bastion du métal.

Line up : https://satan-festival.com/line-up/

Je connais déjà 2 groupes. Et je vous arrête de suite : Une misère est un groupe islandais :o

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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1146 le: 09 décembre 2023 à 14:53:33 »
Je ne connais pas du tout VOLCANOVA et THE VINTAGE...
En groupe de rock/metal islandais, je crois que je ne connais que SÓLSTAFIR et (un peu) et SIGUR RÓS.
2 groupes qui fleurent bon la joie, la légèreté et la bonne humeur !
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PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1147 le: 29 février 2024 à 19:36:23 »
Ah et j'ai fait la connaissance de la copie du Hellfest qui se déroulera du 6 au 8 juin prochain : SATAN.

Pourquoi copie ? Parce que ça se déroule dans la ville la plus charmante et typique du pays, un peu comme Clisson. Bref, pas un bastion du métal.

Line up : https://satan-festival.com/line-up/

Je connais déjà 2 groupes. Et je vous arrête de suite : Une misère est un groupe islandais :o

Ah il y a Arcturus et Ultimas, j'aime bien ces 2 groupes.
Ultimas c'est une sorte de "super groupe" du death metal traditionnel avec 3 personnalités connues de la scène. Assez basique mais très bien foutu, bien arrangé et écrasant.
Arcturus c'est à la base du black metal atmo/sympho, mais dès leur 2ème album ils sont partis trèèèès loin pour faire des trucs expérimentaux, c'est difficilement classable. En tout cas je trouve ça excellent. Si on remonte suffisamment loin dans ce topic, on peut retrouver des conversations mentionnant Arcturus, notamment entre Max et moi je crois.
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Hors ligne Pulsion73

Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1148 le: 09 avril 2024 à 09:26:21 »


Cette reprise, classe en plus, par Miley Cirus, que je connais peu ( mais sacrée voix) est vraiment excellente. Voix grave, ressemblance avec des pincette évidemment avec celle du chanteur James Hetfield d'aileurs. Metallica est un groupe que j'aime bien sans être fan de heavy metal, et j'apprécie beaucoup le titre Nothing Else Matters ( alors certes c'est une ballade et ce n'est peut-être pas, je dis bien peut-être, ce que les fans de heavy préfèrent, je ne sais pas, j'imagine, tu confirmeras ou non  :D).
C'est mon cousin qui m'avait fait découvrit ce groupe il y a plus de 25 ans.

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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
« Réponse #1149 le: 09 avril 2024 à 10:52:29 »
http://archiveofourown.org/users/Alaiya

"When the fires, when the fires are consuming you
And your sacred stars won't be guiding you,
I've got blood, I've got blood - Blood on my name"

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