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PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
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Sujet: PURE FUCKING METÔÔÔÔLE (Lu 117503 fois)
The Endoktrinator
Membre Héroïque
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Total likes: 225
GOOD LUCK, Metante-kun
Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
«
Réponse #1125 le:
28 décembre 2022 à 15:32:54 »
Alors, je vais faire une exception. L’année 1987 est si incroyable pour moi, que je ne vais pas faire une rétrospective complète. Je vais plutôt faire un vrai top. Et pas des moindre, un top 11, parce que, comme dirait l'autre, j’aime bien aller une étape au-dessus.
ADX
–
Suprématie
.
On continue sur la lancée du métal français et cette fois, on décroche le gros lot. Si un jour, on m’avait dit que je lancerais un album de Heavy/Speed tout en haut d’un classement, je crois que je lui rirais au nez. Heureusement que je suis bien tombé parce qu’en plus, ce n’est même pas en ayant écouté au préalable que j’ai acheté ce disque, réédité par
No Remorse Records
. Les progrès sont tout simplement foudroyants… à une exception près, mais j’y reviendrai.
Malgré l’aspect un peu désuet de l’intro "Nostromo", l’album démarre sur les chapeaux de roue. La chanson-titre décoche un petit speed hargneux au niveau des couplets. La mélodie s’affirme au fil des disques chez
ADX
et ça se sent. Les solos sont également à la hauteur. C’est vrai, de penser à une mise en bouche et de ne pas bourrer tout de suite. Et ça, ils l’ont très bien compris quand on écoute "Victime". Certainement la plus speed de toutes, la plus acharnée, celle avec le plus l’ambiance, en témoigne l’interlude avec le petit rire nous rappelant qu’on est avant les années 90. Cette époque où on n’avait pas peur de la Fantasy underground. Les jeux de rôle, les livres dont vous êtes le héros et autres. Avec ce titre et "Brocéliande", on est en plein dedans. On pardonnera d’ailleurs le fade-out inapproprié sur ce dernier titre, de même que l’instrumentale, "Le Secret de l’Olympe", plus faible que "Alésia" (l’interlude qui n’a rien à foutre là). C’est bien simple : TOUS les refrains sont forts, entrainants, et n’ont plus rien à envier aux pontes européens. Surtout ceux du "Jugement de Salem" et "Templier". Le morceau le plus réussi est sans contexte "Notre Dame de Paris". Le plus heavy de tous, le plus hargneux. Je me souviens du concert du groupe en 2017 près de chez moi. C’était juste avant que
Pascal Betov
ne quitte le groupe. Ce soir-là,
Phil
m’avait confirmé que
Exécution
et
Exécution Publique
seraient réédités. On attend encore le live (pour l’anecdote, il devait s’appeler
Saucisson à Live
).
Même si l’extrême bat son plein dans le reste du monde, ça fait plaisir de voir que le métal français puisse encore faire de superbes chansons et qu’un groupe n’a pas (encore) jeté l’éponge après l’hémorragie de 1986. Plein de bonnes choses en perspectives.
Slaughter
–
Strappado
.
Celui-là n’est pas le meilleur de l’année, loin de là. Pourtant, c’est un sacré coup de cœur. Un thrash/death punkoïde fonçant à toute vitesse au risque de rompre ("One Foot in the Grave"), une rythmique marteau-pilon, des riffs abrutissants mais jouissifs. Il peut paraître lourd mais sa petite demi-heure en fait une dose supplémentaire en cas de lassitude de
Reign in Blood
. D’ailleurs, le disque avait été enregistré en février 1986, mais n’a pas pu sortir avant l’année suivante, et amputé de quatre titres.
Ce qui est fort dommage, malgré les défauts de One Foot. Les trois autres, surtout l’implacable "Maim to Please", se battent furieusement pour ne pas être occultés par les autres. Il faut surtout écouter la version réarrangée pour resituer le disque. Cela dit, les sept titres sortis initialement y arrivaient. Certes, "Parasite" et "Tales of the Macabre" sont un peu en deçà, mais qu’importe. La furie dans cet album et sa spontanéité qui firent même fuir un
Schuldiner
déjà en quête d’autre chose sont étourdissante. Imaginez ce que des titres comme "Disintegrator/Incinerator" ou "Tortured Souls" auraient pu donner dès la sortie prévue. C’est frustrant, mais déjà en 1987, c’était quelque chose, et le death metal n’était pas encore établi. La réputation, elle, l’était déjà : l’advance tape était déjà accessible aux fanzines de l’époque. Le plus terrible reste "Nocturnal Hell" et ses riffs vicieux entre
Discharge
et
Celtic Frost
.
Le groupe n’arrivera pas à battre le fer tant qu’il était chaud, hélas. Le délai a pu leur être fatal et les nouveaux morceaux étaient plus classiques. Ils n’avaient pas cette colère acide. Alors autant ne pas bouder son plaisir et se payer une rasade de contrebande bien cognée. One Two Fuck You !!!!!
Helloween
–
Keeper of the Seven Keys, part 1
.
On peut comprendre
Kaï Hansen
d’avoir recruté
Michael Kiske
. La formule à quatre, fonceuse, puissante, mélodique, fonctionnait. Mais sa voix n’allait bientôt pas pouvoir suivre les compositions qui allaient bientôt accueillir des arrangements en plus grande quantité. Vous imaginez, "Halloween" avec la voix de
Kaï
? Moi non plus.
Tout le monde sait que ce disque fut un tournant pour le groupe qui tient là un chanteur en or malgré la défection des acharnés du punkoïde qui avaient déjà la bière qui remontait en écoutant
Bruce Dickinson
. Mais ce que tout le monde ne sait pas, et surtout ce que Hansen n’avait peut-être pas imaginé, c’est que
Michael Kiske
n’allait pas se contenter de chanter, d’être frontman et donc de servir de mascotte. Non. Il veut composer aussi. Et quand on écoute "A Little Time", on sait qu’on a affaire à quelqu’un qui n’a pas été égaré par là. Comme
Michael Weikath
qui l’avait déjà prouvé avec "How Many Tears" puis "Twilight of the Gods". Certes, le groupe commence à planter une graine qui, peu à peu, va faire sa réputation à tort de groupe de happy metal avec "Twilight of the Gods" et "Future World", et le simple fait que l’ensemble est moins agressif que
Walls of Jericho
et les autres groupes de speed comme
Living Death
ou
Grave Digger
. Sans parler du thrash qui assoit sa domination. Reste le morceau phare du groupe : les treize monumentales minutes d’"Halloween", dont je n’avais écouté pendant un moment que les cinq du clip, sont éblouissantes. Il est peut-être dommage que la formule allait être stupidement clonée, sans efforts de variations ni de fulgurance, mais c’est ainsi. Le filon va rapidement s’épuiser niveau qualité, n’accouchant que du groupe
Scanner
.
C’est peut-être le dernier disque ou le groupe montre une équipe soudée. L’égo est quelque chose de difficile à maitriser, surtout quand il se multiplie.
Hansen
va l’apprendre aux dépens du groupe, mais les voir en concert était à l’époque un bonheur. Surtout avec
Kiske
qui s’en sort bien avec des titres comme "Ride the Sky".
Infernäl Mäjesty
–
None Shall Defy
.
Ah oui, deux albums canadiens. Cette scène de thrash est moins pionnière qu’aux États-Unis, moins iconique qu’en Allemagne et pas très novatrice à part
Voïvod
. Un peu comme la Suisse qui a
Coroner
. Mais elle est constante malgré tout, comme la scène allemande.
Razor
, par exemple, est aussi ponctuel que
Motörhead
, Sacrifice fait un bon thrash slayerien et
D.B.C
, on va en parler en dessous.
Et là, c’est ENCORE plus slayerien. Peut-être au-delà du raisonnable, mais il est tellement puissant qu’il surpasse totalement
Overkill
à ce moment-là et
Testament
qui, eux, ont jeté leur dévolu sur
Metallica
. Ignorant suprêmement la virée sur
Reign in Blood
, le groupe a sûrement écouté en boucle
Hell Awaits
en essayant de ne rien piquer. Il y en a ("Night of the Living Dead"), mais ils cherchent bien le riff qui tue. On excusera la pochette un peu trop cartoonesque, pour se concentrer sur la voix vicieuse qui représente à elle toute seule le côté clone toujours, tu m’intéresses du groupe (lu dans un vieux fanzine), mais des guitares lourdes et tranchantes et une basse rampante au possible. Les termes slayeriens sont aux rendez-vous, un peu comme ceux de Jaws dans Piranhas. Fracassant d’entrée de jeu avec "Overlord", assombrissant davantage la base, le groupe réitère cette tuerie avec le morceau-titre et son refrain implacable et la dinguerie qu’est "Skeleton in the Closet". Si "Night of the Living Dead" reste le titre le plus abouti, l’ambiance est plus intense sur le vrai dernier morceau (on jette l’outro et ses chœurs too much) : "Anthology of Death". Parfois, c’est à se demander si
Trey Azagthoth
et
David Vincent
n’ont pas acheté cet album en trois exemplaire histoire d’en user deux jusqu’à les casser.
Hélas, cette bombe sera leur unique assaut, n’arrivant pas à tenir les égos en place. Les quelques démos finiront pas donner suite à la séparation du groupe. Ils sont revenus depuis, ont fait quelques albums, mais perso, je n’ai pas écouté. Peut-être par peur de ternir ce petit. Cela n’arrive pas toujours de faire un foutu skeud avant de disparaître dans un nuage de fumée.
Anthrax
–
Among the Living
.
Je me rappellerai toujours de la gueule de mon professeur de guitare en entendant le riff speed de "Among the Living", tant il le trouvait débile. Il faut dire que les trois barrés avec ce rythme-là donne l’image du moshing. Mal élevé, énergique mais un brin béta.
Bon après, heureusement que le reste du titre dresse la barre plus haut avec son refrain et ses refrains, montrant une autre façon de reprendre des titres. D’ailleurs, le groupe éblouit en enchaînant presque sans temps mort les trois premiers morceaux, et surtout les très soutenus "Caught in a Mosh" et "I am the Law", thrasherie dingue sur Judge Dredd. D’autres titres sont peut-être un peu en deçà, peut-être moins mémorable. Cela dit, "Skeletons in my Closet" s’en tire bien, et les autres titres gravitent autour de la grande tuerie de l’album, justifiant un gros travail rythmique : "Indians". C’est d’ailleurs ça la force du groupe : des riffs killers et surtout une exécution… très physique. On se surprend à hurler "WAAR DAAAAAAAAAAAAAAAAAAANCE" quand se termine le refrain imparable.
Jo Belladonna
est au sommet, confirmant son statut dans le groupe depuis le précédent et ses autres thrasheries à la limite du crossover. Même si
State of Euphoria
ne sera pas à la hauteur, d’autres prendront le relais pour mosher.
Coroner
–
R.I.P
.
Contrairement à certains, Coroner a fait l’effort d’écrire des titres spécialement pour un premier album, avec la signature chez
Noise Records
. Qu’on se rassure, pas sûr qu’un autre label les aurait mieux traité. Leur mixture, à ce moment-là, de
Metallica
, de
Celtic Frost
et de flamenco a pu faire reculer.
En même temps, passé "Nosferatu", ça devient un peu erratique. Si "Totentanz" reste un puissant instrumental qui fera dire à Coroner que sans voix, ce n’est peut-être pas très concluant au-delà de deux titres ("Last Entertaintment" et "Host" sont un peu des tricheries). "Suicide Command" est bancal, en plus. Alors pourquoi avoir mis cet album si haut ? Parce que les autres font envoler le groupe déjà loin, bien sûr. L’assaut meurtrier de "Reborn Through Hate" montre déjà un groupe en possession de moyens suffisants pour être un des meilleurs groupes de métal du moment. Le seul de l’album qui soit devenu un classique, et ce n’est pas pour rien. La guitare de Baron et la voix de
Royce
font dire à
Marquis
que ça valait le coup. On retiendra aussi le sous-estimé "Where Angel Dies" et le "Fried Alive", précurseur des riffs de plus en plus tordus à venir. Plus compliqué est le remaniement de "Spiral Dream". Il est moins inutile vu que le groupe prend ses marques après le parrainage de
Tom Warrior
, mais semble déjà daté avec l’affirmation du trio et surtout de la paire d’écriture que constituent
Baron
et
Royce
.
A signaler que si, à l’époque, un groupe comme
Death
était du gore metal, c’est bien parce que l’appellation death metal était déjà prise. Et par ni plus ni moins que des groupes comme
Coroner
.
D.B.C
–
Dead Brain Cells
.
Encore un groupe du Canada ! Hé oui. Et si celui-là avait eu une vraie carrière, on ne se serait pas contenté de Voïvod. Arrivant de Montréal et sortant une ou deux démos, ils parviennent à ouvrir pour la bande de Piggy au fameux Spectrum, salle de spectacle réputée pour avoir accueuilli une grande partie de la scène extrême (World War III avec notamment
Destruction
,
Celtic Frost
et
Possessed
).
L’album est nettement moins bas du front que
Strappado
, mais ce n’est pas encore la finesse. Cela dit, on sent un certain besoin physique pour pouvoir jouer avec eux. On a tantôt un thrash presque hardcore (cette voix) ultra agressif, mais qui arrive de temps en temps à lever le pied sans faire une croix sur les riffs ("Negative Reinforcement"). Le groupe se voit attribuer les services du déjà réputé Randy Burns, qui confère aux guitares le tranchant qu’il faut et à la basse une place de choix dans le mix. Paré de ces atours, le disque bombarde la zone de ses riffs destructeurs ("Deadlock") et parfois assez tordus ("Tempest"). Remarque amusante : je n’avais jamais remarqué le crâne, croyant que c’était un visage tourmenté dans l’ombre. Cela pourrait être une version raw, brute, underground de
Coroner
. Du moins s’ils avaient pu maintenir le niveau de puissance et incorporer leur volonté de progresser sur
Universe
. A dire vrai, le groupe se rapproche plus du meilleur de
Nuclear Assault
. Mais en encore plus vicieux, comme on peut l’entendre sur "Terrorist Mind". Même si on peut entendre
Dark Angel
("Power and Corruption").
On ne peut pas vraiment parler de Big Four canadien tant
Razor
et
Sacrifice
furent plusieurs crans en dessous. En tout cas,
D.B.C
peut se vanter de se hisser parmi les meilleurs thrashers du pays et de l’Amérique. Et aussi d’avoir été découvert jusqu’à aujourd’hui via le magazine Hard Force et le spécialiste du speed, Hervé S.K Guégano.
Motörhead
–
Rock ‘N Roll
.
Orgasmatron
était un galop d’essai, ce disque est une tuerie. Sa production, aussi façon garage, donne un côté très brut, façon autoradio. Pas trop un mal, quand rarement un disque aura porté aussi bien son nom. Pour l’occasion, l’
Animal
revient aux futs, pour relancer la machine infernale à coups de double-pédale.
"Rock ‘N Roll" est un pur hymne au sens attitude rock. Moins séminal que "Overkill", ce titre assène tout de même un riff puissant, et déboule sans se perdre. Il en sera de même pour le carré d’as à la suite, surtout "Stone Deaf in the USA" et "Blackheart", rappelant les grandes heures avec
"Fast" Eddie
, mais sans son bordel sous fumette.
Wurzel
et
Campbell
sont bien incorporés dans le groupe, déchargent parties rock et furieuses (l’implacable "Traitor").
Lemmy
décide même d’inaugurer un peu : une chanson d’amour. "All for You", un tube qui aurait pu en détrôner certains aux USA, montre le plus l’apport de ces deux-là. Surtout Campbell et son solo plus mélodique que tous ceux de Fast (pas dur !). Parlons aussi de "Eat the Rich" : a-t-on entendu aussi efficace depuis "Ace of Spades" ou "Stay Clean" ? Pas sûr. Parfois le doute habite.
Ce sera parti pour une pause de quatre ans. La seule dans la carrière du groupe qui, par la suite, plafonnera à trois ans d’attente entre chaque disque au fil de la santé de
Lemmy
.
Death
–
Scream Bloody Gore
.
Parfois, on peut se demander si enregistrer les titres depuis le début de carrière ne serait pas un défaut. Déjà que le premier
Maiden
ne contient pas que des tueries, celui de
Death
sera assez vite dépassé dans ses plus vieux titres par les groupes de thrash, déjà passés à autre chose. Prenez "Evil Dead" par exemple : difficile de ne pas penser à l’intro de Amazone de Sortilège, non ?
Ce titre est le plus ancien, datant même de la période Mantas, période pré-Death avec les autres membres de
Massacre
,
Rick Rozz
et
Kam Lee
. A ce moment-là,
Charles Schuldiner
s’appelle encore "Evil Chuck" et son logo est encore sanguinolent et poussiéreux. Mais entre-temps, le metal va faire du chemin :
Sortilège
est plus sophistiqué,
Slayer
plus canalisé dans ses agressions et les thrashers les plus furieux de plus en plus violents.
Possessed
sort
Seven Churches
. Autant dire que pour rester dans la course, ça sent le roussi. D’autant qu’on est sans pitié avec ceux qui vont voir les majors après avoir fait la réputation dans les circuits parallèles avec tape trading, correspondance, etc. Le cas de
Death
est plus épineux : il est le seul à avoir gardé l’approbation avec
Scream Bloody Gore
et courtisé ceux jusque-là peu enclins à écouter plus de deux titres de thrash qui dégueule. Avec "Zombie Ritual" et "Sacrificial", Death peut atteindre facilement ce quota, et même le dépasser avec "Land of No Return" ou "Mutilation". "Torn to Pieces" et "Regurgigated Guts" semblent avoir été écrits pour remplir.Il aurait mieux fallu sacrifier pour garder dix titres sur CD comme sur vinyle.
C’est peut-être ça, l’exploit : avoir gardé la base et su conquérir de nouveaux adeptes. Surtout avec d’anciens titres comme "Infernal Death", datant de 1985, et surtout cette production, poisseuse à souhait et pourtant si spécieuse. Avec une seule guitare,
Schuldiner
envahit l’espace mais laisse de quoi vombrir à la basse, qui ne mettra pas longtemps à disparaître sous le magma morrisoundien.
Joe Satriani
–
Surfing with the Alien
.
L’éternel débat technique/feeling aurait dû être enterré depuis les premiers albums de
Malmsteen
. Mais puisque certains intégristes du vieux blues insistent, on peut remercier
Joe Satriani
poser le dernier clou dans le cercueil des idées reçues du rock. Dommage que les deux se soient perdus depuis, ayant perdu toute inspiration et recul au tournant des années 90.
Mais en 1987,
Joe "Stach"
a une révélation : et si c’était ma guitare qui chantait ? L’idée imparable : l’auditeur aura son compte de mélodies et de refrain tout ne versant pas un cachet supplémentaire. Et il va tellement bien broder l’album que celui-ci va être une petite révolution : sa décantation depuis des années et surtout l’inécoutable premier disque. A se demander qui est le Surfer d’argent : lui ou
Vai
, son élève zappien ? A moins que ce ne soit Galactus. La production est en tout cas à l’avenant : rarement un son aura sonné aussi laser. Et aussi daté tant on dirait les compresseur de la Préhistoire. C’est la différence avec
Malmsteen
qui creuse dans de vieux et brûlant Marshall.
Satriani
a deux autres cordes à son arc avec le laser : le sustain des années 80 et une sonorité plus rock ("Midnight"). Tandis que la rythmique en béton armé accompagné d’une boite à rythmes déboule, la guitare joue, virvelote, shredde… et chante (la chanson-titre). "Ice 9" fout déjà la honte à la génération suivante de groove metal et "Satch Boogie" rappelle que le jeu de cet alien humanoïde est une grande synthèse.
Si le meilleur son est à entendre chez
The Extremist
, la meilleure écriture est à chercher sur
Surfing with the Alien
. A défaut d’être au niveau de
Van Halen
, Satch est méritant dans le domaine de l’innovation. Encore aujourd’hui, cet album toise hautainement des hangars complets de disques aussi stériles et brinquebalants les uns que les autres, ne jurant que par la technique (démonstrative) ou que par le feeling (limité).
Poison
–
Into the Abyss
.
Une démo ? Ah oui. Mais Espoir ne signifie pas concrétisation. Hélas, c’est surtout malheureux pour ce groupe tandis qu’un autre groupe sans lendemain,
Violent Force
, a pu décrocher le contrat, Dieu sait pourquoi. En plus, j’ai hésité avec l’album
I.N.R.I
de
Sarcofago
, mais c’est bien parce que je préfère la production de cette cassette.
Lorsqu’en 1987, le magazine Rock Hard sort le sampling
Teutonic Invasion Part 1
en 1987, il espère en tirer de futurs grands de la scène. Les enregistrements sont bruts de fonte, seulement remixés pour la forme. Parmi eux, se trouvent des groupes de thrash dans le giron de
Destruction
ou de
Metallica
. Aucun d’entre eux n’accèdera au même rang, pas même
Paradox
se contentant d’un statut un peu culte. Surtout pas
Minotaur
ou
Poison
, celui qui va nous intéresser. Et c’est bien dommage, tant ce titre laissait présager quelque chose pour la scène death, parent pauvre entre le heavy/speed mélodique imposé par
Helloween
, et le thrash imposé par Destruction. Sans parler du pur speed de
Running Wild
, de
Rage
et de
Grave Digger
. Avec un batteur en place, un bassiste encore plus présent et surtout une voix plus black que death, on aurait eu un album certes auto-produit, mais à l’impact aussi indéniable que celui de
Repulsion
. "Sphinx" tente quelques plans d’ambiance et décharge le thrash slayerien avec conviction. Plus vicieux, "Yog-Sothoth" est un sprint sous un coktail dangereux de produits dopants. Son pré-refrain est méchant à souhait, rappelant
Slayer
et les débuts de
Kreator
. Même si "Requiem/Alive" n’est pas au même niveau, la surprise attend le thrasher au tournant : "Slaves (of the Crucifix)". Du death/thrash haletant, tonitruant et élastique, ne relâchant jamais sa prise pendant les 9 minutes et demi d’assaut, d’écrasement et d’asphyxie. La guitare envenime avec ce son malade pendant le pont, reprise de la montée en puissance imparable du début.
Probablement un des pires gâchis de la scène extrême cantonnée aux fanzines avec
Mefisto
. Même si le groupe n’a pas influencé grand monde, le guitariste ne lâchera pas l’affaire avec le groupe similaire
R.U. Dead ?
puis le groupe de stoner
One Past Zero
. Façon de boucler la boucle dans un doom/rock à l’imagerie aussi sale que celle de
Hellhammer
, qui les avait aussi inspiré.
«
Modifié: 28 décembre 2022 à 22:10:57 par The Endoktrinator
»
IP archivée
Shit still Happens, so deal with it - psychanalysm
cacaman
Victime du médiator
Membre Héroïque
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Chuck lives on.
Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
«
Réponse #1126 le:
28 décembre 2022 à 20:05:02 »
MON TOP 1987
1 - KING DIAMOND - Abigail
Alors qu’en 1986 King Diamond testait et affinait ses compétences de conteur macabre sur une poignée de titres, il décide de sauter le pas l’année suivante en écrivant et composant un concept-album intégral, basé sur une histoire type horreur de série B. Ici, le croquemitaine Danois campe le rôle du narrateur en plus d’interpréter tous les personnages en modulant sa voix si caractéristique. L’ambiance petit budget et doubleur solitaire semble très risquée ; d’ailleurs en découvrant le disque il y a maintenant presque 25 ans, j’ai souvent ri de malaise devant ces ululements outrancièrement théâtraux.
Cependant, tout a basculé le jour où j’ai acheté le CD dans un bac à promos pour le fun. Je me suis mis à lire les textes pour la première fois, en écoutant la musique en même temps, pensant m’en payer une bonne tranche… et je me suis retrouvé happé dans l’histoire totalement par surprise. De morceau en morceau, je plongeais en 1845 en compagnie de Jonathan, Miriam, des cavaliers noirs et du fantôme du comte, avec une certaine délectation pour ce kitsch intégralement assumé, ainsi que cette singulière adéquation entre la voix et les textes – lors des dernières notes de l’oeuvre, mon avis sur le chant de King Diamond avait pivoté de 180°. Quant aux compositions, j’avais remarqué dès le début que les musiciens n’étaient pas là pour déconner. Heavy metal classieux, structures à tiroirs, guitare solo lumineuse ou forcenée, rythmiques biscornues : Arrival, A Mansion in Darkness et The Family Ghost, ces 3 compos d’ouverture débarquent avec fracas sur l’Olympe du style et parviennent même à faire oublier la séparation du divin Mercyful Fate. Les autres titres ne sont pas en reste : The 7th Day of July 1777 et sa superbe intro, le riff punitif et le break mélodique d’Omens, l’entraînante Possessed puis l’inquiétante (et étrange) Abigail, et enfin le final grandiloquent de Black Horsemen.
King Diamond se retrouve donc en 1987 au sommet du heavy metal grâce à cette sorte de comédie musicale version Tales From The Crypt ; et en donnant une chance à Abigail, une partie des détracteurs de ce chanteur hors-norme risquent d’expérimenter comme moi une conversion radicale et immédiate, tel un athée tombant à genoux devant un miracle.
2 - CACOPHONY - Speed Metal Symphony
Dans mes tops, je n’ai mentionné qu’une seule fois le producteur Mike Varney, à l’occasion de la sortie d’Yngwie Malmsteen de l’anonymat avec Steeler en 1983. Mais son écurie Shrapnel Records déversait dans les années 80 une benne de groupes ou d’artistes de heavy/speed metal avec une propension pour le shred : Vicious Rumors, Chastain, Tony McAlpine, Vinnie Moore, Apocrypha, Racer X, Fifth Angel, Hawaii ou Cacophony. Si toutes ces formations ont accouché de bons albums, dont plusieurs en 1987, bien meilleurs que les dépréciateurs professionnels du shred ne le laissent entendre (avec cette guéguerre foireuse technique VS feeling ton-cul-sur-la-commode), le dernier de la liste survole la mêlée avec une maestria qui écrabouille la concurrence, bien au-delà des frontières du label.
Emmené par la légendaire paire de guitaristes Marty Friedman, 24 ans, et Jason Becker, 17 ans, Cacophony propose une collection de 7 titres speed metal, dont 5 chantés, qui décollent la tapisserie et fissurent la pierre. 45 minutes de riffs implacables et surtout de guitares virevoltantes, explorant de nombreux territoires mélodiques, des plus réjouissants (l’instrumentale culte Concerto, début du break de Desert Island) aux plus inquiétants et dissonants (outro de Where My Fortune Lies, dernière partie du break de The Ninja, final du morceau-titre) en passant par les plus mélancoliques (intro de The Ninja). Outre le tsunami de solos et d’harmonisations néoclassiques qui noiera sans difficulté les oreilles non aguerries, l’album propose aussi de vrais morceaux avec de vrais couplets, de vrais refrains, de vrais trucs à chanter en même temps que Peter Marrino et son organe granuleux ; les extraits de concerts d’époque circulant sur internet ne sont certes pas à son avantage (je pense surtout à son cri d’agonie porcine sur la version live de Desert Island), mais ici sa performance studio reste solide.
Speed Metal Symphony représente à la fois l’apogée du speed des années 80, et le pinacle du shred au service de la mélodie, orchestré par deux des guitar-heroes les plus incroyables de la scène metal entière. Ici, pas de demi-mesure, toute la gloire des années 80 en matière de virtuosité instrumentale, de permanentes et de futals en cuir a été condensée et distillée pour obtenir cet extrait d’une rare pureté.
3 - SEPULTURA - Schizophrenia
Sepultura réalise le fantasme des lycéens touchant vite fait à la musique : arrêter l’école à 15 piges pour former un groupe et en vivre – même si cela mettra un peu de temps. Si les frères Cavalera cherchaient à faire du metal extrême dès 1984, influencés par Celtic Frost, Slayer, Venom etc., ce n’est qu’en 1987 avec l’arrivée du soliste Andreas Kisser que le groupe eut enfin les moyens de ses ambitions. Terminé, les démos et disques « true » et « raw », désormais les Brésiliens ont le niveau et les idées pour pondre du thrash avec leur propre marque de fabrique, cette ambiance et ce son gargouillant, glougloutant.
Le ton est donné dès le premier morceau, From the Past Comes the Storms : rythmes thrash frénétiques, production étouffée, borborygmes ressemblant vaguement à de l’anglais, mais structure travaillée et cassures mid-tempo gouleyantes qui constitueront l’une des signatures musicales de Sepultura. L’écart de maturité et de compétences techniques avec Morbid Visions, pourtant seulement sorti l’année précédente, est considérable : les compositions ne bourrinent plus bêtement sans discontinuer ou presque, s’architecturent plus intelligemment, multiplient les breaks et égrainent riffs variés et solos intenses (les cultes To the Wall, Escape to the Void et Screams Behind the Shadows). Cet écart de gabarit se transforme même en véritable fossé lors du morceau instrumental Inquisition Symphony, festival de riffs de toutes sortes et de plans inspirés, avec en cerise sur le gâteau les premières incursions de guitare sèche dans leur musique. On peut légitimement se demander s’il s’agit bien du même groupe! Le célèbre label américain Roadrunner Records ne s’y trompe d’ailleurs pas et leur propose un deal.
Schizophrenia relève donc du petit exploit : avec des compétences qui explosent, une griffe plus affirmée et un premier soutien contractuel de taille, cette bande de jeunes chiens fous dessine maintenant son avenir au niveau international. En 1987 ils ont seulement entre 17 et 19 ans, rappelons-le… c’est dire le talent à l’œuvre.
4 - AGENT STEEL - Unstoppable Force
Suite au remarqué Skeptics Apocalypse en 1985, les speed metallers d’Agent Steel accueillent en leur sein l’excellent guitariste Bernie Versailles, qui enrichira drastiquement la musique de la bande : d’un speed metal trop concentré à mon goût sur la vitesse pure, les compositions sont dorénavant plus variées, plus propres aussi, jouant davantage sur les mid-tempos et les harmonisations, tout en gardant une bonne dose de rythmes endiablés et bien sûr ses vocaux haut perchés et nasillards. A vrai dire je n’ai jamais réellement compris l’enthousiasme général que suscitait le premier disque d’Agent Steel, tant Unstoppable Force me semble largement supérieur en tous points.
Au rayon des branlées nous avons le morceau-titre qui alterne refrains sauvages et couplets plus travaillés, Indestructive et son approche conjointe à celle du précédent disque, la subtilité structurelle en plus, et surtout The Day at Guyana, instrumental stratosphérique qui développe l’outro d’un ancien titre du groupe (Let It Be Done, sorti sur l’EP Mad Locust Rising, 1986) et en fait de l’or massif. Le reste ralentit sensiblement la cadence, et se rapproche d’un heavy metal vitaminé riche en galopades, comme sur Never Surrender, Chosen to Stay, Rager ou Nothin’ Left, où les guitaristes continuent de beurrer des solos et des harmonisations juteuses à souhait. Seules Still Searchin’ et Traveler détonnent en levant franchement le pied ; on s’amuse aussi à trouver des ressemblances vocales ici et là entre John Cyriis et Geoff Tate de Queensrÿche – ce qui est plutôt un compliment. En somme, un excellent effort de speed metal libéré du carcan du tachymètre, ce qui constitue d’une façon paradoxale (au premier abord) la recette typique de tous les meilleurs disques de ce style durant les années 80.
5 - SATAN - Suspended Sentence
Nous avions laissé ces fameux Anglais en 1983, auteurs à l’époque d’un grand classique de NWOBHM, un peu plombé à mon sens par une voix manquant de mordant. Ensuite la bande est passée par un changement de chanteur et de nom (Blind Fury) le temps d’enregistrer un album de heavy FMisé (Out Of Reach, 1985), puis re-changement de chanteur et retour du patronyme Satan pour un excellent EP de heavy / speed metal (Into The Future, 1986). Mais comme on l’a vu, cette époque charnière voit exploser d’un côté les groupes de speed/thrash, et de l’autre des formations de hard/heavy FM, souvent regroupées sous le terme bizarre de « hair metal ». Ne sachant sur quel pied danser et déjà relégué au rang de vieillerie 4 ans à peine après Court In The Act, Satan a perdu du temps, n’occupe plus le terrain, et leur retour pour leur deuxième album n’intéresse plus grand monde.
Et pourtant!! Suspended Sentence (à la pochette atroce ; à croire que ces mecs aiment se rajouter des obstacles) est un violent coup de pied dans les parties. Les musiciens, déjà excellents sur leur précédent forfait, parviennent à progresser encore et délivrent ici des performances dévastatrices, pratiquant un speed metal bien corsé, souvent à la limite du prog, aux riffs et solos déments. Je défie tout amateur de rester stoïque devant des missiles comme 11th Commandment, l’alambiqué Suicidal Justice, le redoutable shuffle de S.C.U.M. et surtout le sidéral Avalanche of a Million Hearts. En outre, leur nouvelle recrue au micro (Michael Jackson, plus blanc et beaucoup plus véner que son célèbre homonyme) pallie avec éclat aux lacunes de Brian Ross sur le premier album : sa voix est certes plus râpeuse, moins orthodoxe, mais plus présente, plus intense, opérant ainsi un rapprochement certain avec la scène thrash qui déferle sur l’Europe.
Dommage que ce disque soit un peu terni par trois titres plus quelconques (Who Dies Wins – au super break cependant – ou Vandal et Calculated Execution), car il dispense une vraie leçon de style à maints endroits ; imaginons-les remplacés par Ice Man et Key to Oblivion de leur EP de 1986, et Suspended Sentence s’élevait au stade de chef d’œuvre incontestable et de pièce maîtresse du metal anglais. Cela aurait-il changé le destin du groupe ? Peu probable, car le monde entier est rivé sur une scène US qui ringardise les groupes de la NWOBHM à vitesse grand V.
6 - VOÏVOD - Killing Technology
Après deux premiers disques assez bruitistes sortis en 1984 et 1986, le quatuor Québécois poursuit une évolution légèrement entamée sur Rrröööaaarrr, vraie pétarade dominée par des influences punk hardcore, mais où apparaissaient très discrètement des pointes de progressif – aussi contre-nature que ce mélange puisse paraître. Killing Technology va donc plus loin dans l’antagonisme : sans être un album ultra subtil, ni méga complexe, encore moins successeur d’un classique de Genesis ou Pink Floyd, il commence à nettement pencher vers un côté prog tout en gardant une abrasivité sonore thrash / punk.
L’énergie bouillonne de toutes parts, mais de façon intrigante : Denis Bélanger aboie plus qu’il ne chante, même s’il essaye de faire des notes ici ou là, Michel Langevin fracasse son kit de manière plus alambiquée, Jean-Yves Thériault fait ronfler sa basse en rythmes impairs et Denis D’Amour balance des dissonances partout. Techniquement nous avons maintenant affaire à du tech thrash ; les structures chaotiques, l’agressivité globale et les mélodies déroutantes ne laissent aucun doute à ce sujet. Je retiens surtout le morceau-titre, Forgotten in Space, This Is Not an Exercise, et Ravenous Medicine au vidéo clip fait maison à voir absolument. Les plus pointus remarqueront les textes tournant autour de la science-fiction, quelques effets sonores à l’appui (les voix robotisées du morceau-titre), l’illustration sans équivoque, ou un style de riffing très caractéristique de l’ère post-Vektor (le rapprochement pendant le break de Order of the Blackguards s’impose de lui-même), et oseront parler de premier disque de « sci-fi thrash » de l’histoire, genre de niche qui prendra son envol… plus de 20 ans plus tard!
Le côté clairement avant-gardiste et expérimental avec deux décennies d’avance force l’admiration et justifie la présence de Killing Technology dans ce top ; toutefois il aurait pu être plus haut dans le classement s’il avait été moins bordélique, car les oreilles et la cervelle sont mises à rude épreuve. Voïvod rentre avec ce troisième opus dans le club très fermé des groupes de « techno-thrash », sous-genre au stade embryonnaire à cette date et nommé ainsi a posteriori, et n’ayant pour comparses que Watchtower, Coroner et Mekong Delta – ébauche de scène qui fascine, tant par sa dispersion géographique que par son hétérogénéité stylistique.
7 - CORONER - R.I.P.
Si au début des années 80 il n’était pas rare de croiser des groupes peu expérimentés qui apprenaient quasiment à jouer « sur le tas » et mettaient un ou deux albums à se mettre d’équerre (Sodom ou Kreator, au pif), la fin de décennie approchant et l’offre metal se développant de façon exponentielle, des jeunes formations déjà très avancées techniquement commencent à débarquer pour tenter d’être crédibles et se faire une place dès le premier disque. C’est le cas de Coroner. Ces Zurichois frappent très fort d’entrée de jeu en agrémentant leurs nettes influences Celtic Frost (alors principale formation de metal extrême helvète) de riffs rapides et inépuisables, de solos maîtrisés tirant sur le néoclassique, et de constructions un peu biscornues.
Le niveau du jeune trio est déjà époustouflant et bouscule les lignes ; on le classera dans le tech-thrash par commodité, même si le seul vrai titre thrash ici demeure Totentanz (ou Fried Alive à la rigueur), le reste étant plus volontiers speed metal. L’ouverture de R.I.P. est phénoménale : entre l’efficace Reborn Through Hate, toujours joué en rappel aujourd’hui, l’étrange When Angels Die aux changements rythmiques puissants et aux chœurs magnétiques, et l’instrumentale Nosferatu, qui ressemble à ce que jouerait une version corrompue de Malmsteen, l’effet produit est surprenant, tétanisant. La suite reste excellente, très énergique (Spiral Dream, Coma, Fried Alive), et renoue même avec le sidérant sur le morceau-titre aux fougueuses parties de basse d’une rare clarté - rappelez-vous de Jason Newsted sur le premier Flotsam And Jetsam. Au chapitre des défauts, on pourra citer la production un peu juste, ou ce motif du guitariste Thomas Vetterli [E5 B4 D5 (D5bend)E5] placardé sur quasiment tous ses solos, parfois un ton au-dessus ou deux tons en-dessous, comme si ça suffisait pour masquer ce tic de langage – détail pas très grave en soi, mais qui une fois aperçu peut devenir énervant.
Artistiquement, R.I.P. constitue un départ remarquable, malheureusement peu remarqué : pratiquer un style 1) hors des sentiers battus et 2) dans un pays Européen qui n’est ni l’Angleterre ni l’Allemagne, signifie souvent vache maigre. Coroner n’est probablement pas né au bon endroit.
8 - CANDLEMASS - Nightfall
« I bind unto myself… today the strong name of the trinityyyyyyyyyyy » : ces mots résonneront à jamais dans la mémoire de ceux qui ont, un jour, écouté Nightfall. Sur ce deuxième album, Candlemass prend sa forme classique : Leif Edling, le Steve Harris du doom, ajoute les deux pièces maîtresses qui porteront sa formation au firmament du metal suédois des années 80. D’abord le six-cordiste Lars Johansson, qui éblouit par ses mélodies prenantes et solote comme si sa vie en dépendait, et bien sûr l’immense chanteur Messiah Marcolin du groupe doom Mercy, à la voix profonde et aux mythiques trémolos.
La recette de l’ « epic doom metal » reste inchangée : rythmiques pesantes, vocaux cérémonieux, constructions réfléchies, mélodies prenantes, solos à la limite du shred, et en bonus chœurs fantomatiques, sons de cloches sinistres, et petites accélérations heavy metal. Les titres glorieux s’enchaînent : The Well of Souls, At the Gallows End, Dark Are the Veils of Death, ou l’inoubliable Bewitched au vidéo clip délicieusement kitsch. Au rayon dépression caractérisée, les joyeux larrons dispensent deux merveilleux hymnes au mal de vivre, Samarithan et Mourners Lament, illuminés par des breaks mémorables ; c’est là toute l’intelligence de Candlemass : même lors des morceaux les plus sombres, les plus abattus, il y aura toujours une éclaircie et des modifications inattendues. Nightfall succède ainsi sans honte au monolithique Epicus Doomicus Metallicus, et non seulement se pose en album-référence du doom, mais révèle au monde l’un des meilleurs vocalistes metal ayant foulé cette Terre, rien que ça.
9 - TESTAMENT - The Legacy
1987 est l’année où la deuxième vague de thrashers explose, en particulier Death Angel, Sacred Reich, Heathen, Artillery, Coroner, Nasty Savage, Infernäl Mäjesty, Toxik et Testament. Pour cette neuvième place j’ai vraiment hésité entre ces deux derniers ; même si j’ai plus d’affinités avec le World Circus de Toxik sur le papier, The Legacy me paraît qualitativement plus homogène. Né dans le bon pays et la bonne région (San Fransisco), Testament n’a pas eu beaucoup de soucis pour percer par rapport à d’autres formations, hormis gérer un changement de nom de groupe à la dernière minute pour une histoire de droits. Sous contrat du label spécialisé Megaforce dès 1986, le premier album cartonne à son échelle et bénéficie même d’un vidéo clip tournant sur la toute nouvelle émission metal de MTV, Headbangers Ball.
Musicalement, Testament évite intelligemment le piège consistant à vouloir repousser les limites de l’agression thrash (Slayer ayant refroidi tout le monde en 1986) et se concentre sur les mélodies, les refrains, les solos marquants et virtuoses, ce qui répond à cette tendance globale de la fin des années 80 à vouloir ajouter de la subtilité, du savoir-faire technique et des variations à une musique en grande partie influencée par le punk, l’éloignant ainsi de ses racines minimalistes. Ici, seul le titre C.O.T.L.O.D. bastonne sans offrir d’espace respirable, sinon The Legacy distribue les airs entraînants par packs de 36 : le break d’Over the Wall, de First Strike Is Deadly et d’Apocalyptic City, les riffs principaux de The Haunting et Burnt Offerings, les couplets de Raging Waters, les refrains de Do or Die et Alone in the Dark… Testament brille par la qualité de ses accroches, sa voix bien dosée entre abrasion et notes chantées, ses solos mitraillés par un guitar-hero en devenir, Alex Skolnick (18 ans…), mais sait aussi balancer des gnons avec de grosses cavalcades régulièrement placées pour ne pas que l’auditeur oublie qu’il écoute du thrash made in San Fransisco.
Le quintet a beaucoup de talent et je ne le lui enlèverais pas : il a su se frayer un chemin rapide vers le succès, certes en étant aidé par un environnement propice à son développement (contrairement à d’autres), mais en surpassant la pléthorique concurrence. The Legacy est un grand classique du thrash metal à ne pas négliger.
10 - SAVATAGE - Hall Of The Mountain King
Les espoirs du heavy metal américain avaient disparu de la circulation dans mes sélections d’albums depuis leur très bon Sirens en 1983 : la suite comporte de bonnes choses mais s’avère moins reluisante, et surtout émaillée de conflits avec leur maison de disques Atlantic Records qui faillirent avoir raison du groupe. Cependant, leur contrat avec un label majeur leur permet de garder contact avec un large public en tournant en support de Kiss, Metallica ou Motörhead, et de mettre ces efforts à profit lors de la sortie du quatrième album : Hall Of The Mountain King. Un soudain regain d’inspiration associé à un retour aux riffs bruts sont les deux mamelles du succès à une période où le rock dur truste les ondes aux Etats-Unis, et la carrière de Savatage peut enfin décoller de magnifique manière avec un disque qui frise souvent la perfection.
Le heavy metal y est pratiqué dans les règles de l’art : riffs accrocheurs (Beyond the Doors of the Dark, Legions, Devastation), subtils (24 Hours Ago, morceau-titre), et même un peu sucrés (Strange Wings), refrains fédérateurs, breaks toujours superbes et interventions solos fantastiques. La seule ombre au tableau est le zèle déployé par le chanteur Jon Oliva. Même si sa voix est techniquement au top, et va jusqu’à faire preuve de majesté à de nombreuses reprises, il rajoute toujours cette couche non nécessaire, la vocalise de trop, à la limite de m’irriter : « aaaaaah », « oooooh », « yeeeeaaaaah », « aah-aah-aah-aah-aah-aah », ou encore « haaaaaaaaa haaaaaaaaa » ou « ooooh aaaaaAAAAAH ». Quatre, cinq, six, sept fois… par titre. Ça peut saouler. Il n’y avait pas ce côté envahissant sur les albums d’avant et ce vice est d’autant plus regrettable qu’il apparaît sur leur plus belle collection de titres.
Hall Of The Mountain King reste néanmoins un grand disque de heavy metal pouvant rivaliser avec les références anglaises en la matière, surtout grâce à la classe surdimensionnée du guitariste Criss Oliva, la vraie force créatrice de Savatage, mais aussi plus largement en passe de devenir celle de la scène heavy américaine.
11 - HELLOWEEN - Keeper Of The Seven Keys Part I
Contrairement aux apparences, finir 11ème de mon top 10 pour 1987 n’est pas une médaille en chocolat : de tous les bons disques que j’ai dû éliminer cette année, j’ai choisi d’en repêcher un. Après un Walls Of Jericho infernal, une reconnaissance grimpant en flèche, des concerts à la pelle où Kai Hansen montrait ses limites au poste de chanteur guitariste, et une dépression nerveuse de son compère Michael Weikath, les Allemands semblent déjà sur les rotules à peine leur carrière commencée. Entre alors en scène le jeune Michael Kiske et sa voix d’or ; Hansen peut alors composer plus librement sans se demander s’il parviendra à chanter en jouant en même temps ce qu’il écrit, et laisse Weikath au repos.
Keeper Of The Seven Keys Part I apparaît régulièrement dans les listes d’albums emblématiques de heavy/speed des années 80, à l’instar de son petit frère Part II sorti l’année suivante, et l’écoute de la galette en dévoile les raisons : les bombes de happy metal I’m Alive et Twilight of the Gods, le single irrésistible Future World, et le pavé de 13 minutes Halloween aux nombreuses parties et changements (donc metal progressif de fait). Question style, le speed metal débridé de Walls Of Jericho subsiste partiellement, Helloween infléchissant son approche dans une direction simplement heavy metal, mieux produit, mais gardant ce feeling joyeux voire naïf. Le chant académique de Kiske éloigne également la bande des territoires rêches précédemment empruntés par la voix de Hansen, plus râpeuse et thrashouille. Et c’est une franche réussite pour les fans et la presse, qui commencent à voir en eux les successeurs d’Iron Maiden. Pourtant le reste de l’opus est un peu juste : un ancien titre apporté par Kiske datant de son précédent groupe Ill Prophecy (A Little Time, sympa sans plus), une intro, une outro, et une ballade désespérée qui tranche avec le reste (signée par un Weikath neurasthénique) que le chanteur tente de sauver de la noyade à coups de vocalises (A Tale That Wasn’t Right).
Malgré tout, ce KOTSK Part I emmènera les citrouilles faire une tournée en terre promise en compagnie de Grim Reaper et d’Armored Saint ; le succès pointe le bout de son nez, le groupe est au seuil de la renommée internationale et KOTSK Part II enfoncera le clou, alors que les tensions s’immiscent dans cette mécanique en apparence souriante et bien huilée.
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GOOD LUCK, Metante-kun
Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
«
Réponse #1127 le:
12 janvier 2023 à 16:15:34 »
1988.
Tableau d’Honneur :
Riot
–
Thundersteel
.
Riot
est un groupe qui avait plus à gagner que d’autres groupes. Oubliez les
Crimson Glory
,
Cirith Ungol
d’avant
Paradise Lost
,
Helstar
et autres
Satan
. En plus d’avoir un management aux abonnés absents, ce groupe n’arrêtait pas de changer de formule. Cette fois, ils s’essaient au heavy/speed metal (non, je refuse de parler de power metal). Allez, sur un malentendu, ça peut marcher, même sans
Guy Speranza
.
Et ben ouais. Ils y sont parvenus.
Tony Moore
n’est peut-être pas le chanteur ultime pour un tel virage, mais c’est autre chose que
Mike Vescera
, tout de même. Et puis on peut dire qu’il arrive à être méritant dans son registre.
Thundersteel
est une des meilleures mues de groupe qui fut durant les années 80. Navigant entre speed et heavy, mélodique, enlevé, gorgé de riffs tueurs et de refrains imparables, voilà ce qu’on peut appeler un vrai disque sous-estimé. Surtout que son brelan de début est assommant au possible : entre le riff comète de Pégase de la chanson titre et la lourdeur épique de Sign of the Crimson Storm, le groupe semble être parti pour enfin faire oublier la débandade de "Restless Breed" et "Born in America". Mais il l’est vraiment lorsqu’on entend le deuxième titre, qui mélange les styles de ces deux chansons pour un résultat des plus explosifs. "Fight or Fall" est peut-être la meilleure chanson de l’album, entre sa cavalcade infernale et son refrain ultra-entrainant.
Le reste peut éventuellement baisser, mais rien de grave. A part peut-être de terminer l’album par un trop longuet Buried Alive (Tell Tale Heart). Cela n’aurait pas été un mal de terminer l’album par le fort et rampant "Run for your Life", une des rares évocations du rock ‘n roll Fire Down Under. A dire, vrai, "Fight or Fall" avait un sérieux concurrent au titre de meilleure chanson de l’album. Après le moins bon "Johnny’s Pass" qui suit assez mal les tonitruants "Flight of the Warrior" et "On Winds of Eagles", "Bloodstreets" coupe le souffle. Une fausse flute et une acoustique plus tard, le groupe lance le titre le plus mélodique, riffant, et donne tellement envie de sauter sur sa chaise et de courir tel Rocky prêt à se battre contre le monde. Un refrain et demi des plus accrocheurs et élaborés.
En 1988, le groupe tente quelque chose et y parvient. Mais quand on a été absent pendant cinq ans, déjà cinq trains sont passés. Il est difficile de rattraper plus d’un train en marche. Face au thrash dominant, à la fuite en avant de la sophistication et à l’underground bouillonnant,
Riot
va voir la situation lui échapper. Tout le monde n’a pas pu être comme
Maiden
, ainsi va la vie.
Coroner
–
Punishment for Decadence
.
Il est des paradoxes assez difficiles à expliquer et surtout à assumer. La production des deux premiers Coroner en est un sacré exemple. Déjà, je parle de production sonore au sens général et pas seulement de pure qualité sonore. Pourtant, à ce stade, il n’est pas (vraiment) question d’arrangements, de choix de sonorisations et de jeu au moment d’entrer en studio. Le trio en est encore à sortir ce qu’il y a à sortir. C’est-à-dire des riffs et un peu de solos parce que bon, faudrait pas rester dans l’ombre de
Celtic Frost
.
Ici, le paradoxe est que sur
Punishment for Decadence
, le son est moins brut et grossier que sur le précédent, mais est moins clair, la basse se détachant difficilement de la guitare. La batterie, débarrassée de la réverb encombrante, se contente d’un écho pas trop envahissant. Reste que c’est plus étouffé dans l’ensemble. Fort heureusement, le travail peut commencer, amenant à une véritable personnalité pour le groupe, en sonorisation comme un écriture. Et ça démarre fort avec les deux premiers titres que sont "Absorbed" et "Masked Jackal". Les riffs sont moins rigides sur le premier, qui préfigure les futurs plans tordus et sinueux, même si niveau solos, ce n’est pas encore ça. Le
Baron
décochera son meilleur solo sur "Masked Jackal", une pure merveille en deux partie séparées par un refrain et demi, scandé furieusement par
Royce
. Bendé, speedé, vicié, ce solo fait déjà rêver.
La suite va un peu osciller : une tuerie, un titre plus en deçà. Ou c’est l’inverse, on ne sait pas trop. Quelle idée, aussi, de terminer par la reprise dispensable de Purple Haze, ne parvenant pas à se fondre dans l’ambiance globale de disque. Le meilleur exemple de cet aspect est l’enchaînement "Sudden Fall"/"Shadow of a Lost Dream"/"The New Breed". Le premier succède à l’implacable "Skeleton your Shoulder", le plus mieux construit, le plus riffesque et au refrain le plus agressif, et baisse un peu. Shadow of a Lost Dream, plus basique mais tout aussi puissant, laisse quand même place à un double refrain. On pense qu’il commence après le premier couplet. Erreur ! C’est encore après. Dans le heavy, on peut citer "Dream Fantasy" de
Loudness
. Dommage que "The New Breed" soit moins ultime.
Coroner, avec Masked Jackal, obtient son premier clip et ses premières dates à l’étranger, et notamment aux Pays-Bas et en Allemagne. Noise Records ne se bougent pas plus que ça au niveau de la promotion, le groupe étant peut-être jugé trop distant par rapport à
Kreator
,
Running Wild
ou
Helloween
, la superstar du moment.
Megadeth
–
So Far, So Good, So What
.
On parle souvent de
Gar Seamulson
et de
Chris Poland
, musiciens venus du milieu jazz et parachutés dans un groupe de thrash metal. Mais si
Chuck Beller
n’a rien qu’un premier de la classe,
Jeff Young
a tout de même certaines connaissances dans la musique au point d’être diplômé d’une école qui a vu surgir
Paul Gilbert
ou
Jeff Buckley
. L’anecdote de son recrutement est amusante : il devait apprendre en urgence les titres de
Megadeth
à un candidat au poste laissé vacant par
Poland
, mais
Mustaine
décide de la choisir en l’entendant.
L’album qui en résulte est un tournant, tant en production qu’en compo.
Davey
est tout content de pouvoir utiliser plus d’effets et ne va pas se priver d’en abuser, notamment au niveau de la réverb qui va se révéler assez envahissante, compromettant le raffinement de l’ensemble. Cela dit, la basse est toujours là, massive et claquante, et la batterie au même niveau qu’auparavant. D’ailleurs, côté compos, cela ne semble pas renversant : la furia est toujours là, du bombardement massif sur "Set the World Afire" à "Liar" en passant par le hard "502". Si
Mustaine
sait dédier ses choix de titres avec la reprise d’"Anarchy in the UK" (en soutien à un fan membre de l’IRA), cette reprise n’est pas énorme malgré un Mustaine plus furax que jamais.
Non, la surprise vient de deux titres : "Mary Jane" et "In my Darkest Hour".
Mustaine
veut plus fin, plus posé, plus fort aussi. Et pas juste sur une intro comme pour "Good Mourning/Black Friday". Au fur et à mesure, le travail sur la voix paie, et il suffit d’entendre l’autre titre pour s’en convaincre. En colère retenue, en souffrance ("Feel so Cold, very coooold, no one cares for meeee"). J’avais entendu ce titre sur la vidéo Decline of Western Civilization part 2, et ça tranchait avec le bolide qui fonçait sur moi avec
Peace Sells
. Puis vient la furie malgré une batterie plus contenue, remplissant moins la mesure qu’avant.
1988 est une année importante :
Mustaine
remporte sa première victoire contre ses anciens comparses, compactant ses riffs là où la bande à
Hetfield
les étire jusqu’à la rupture. La guerre des tranchées continuera, mais pour ceux qui savent, la victoire commence à se voir d’un certain côté. Rendez-vous dans deux ans.
Death
–
Leprosy
.
C’est toujours utile de garder le contact avec les vieux amis. Ce sera hélas la dernière fois que
Chucky
se souviendra de ce conseil, mais pour l’heure, faute de grives, il est bien obligé de reprendre un second guitariste, un bassiste et un batteur. Fripon, il décide donc de priver
Kam Lee
de ses troupes de
Massacre
. Bien qu’il doive partager l’écriture des morceaux à part "Leprosy", Pull the Plug et Primitive Ways qui est de
Rick Rozz
, on sent qu’il a une vision.
Chose utile à savoir, l’album n’a pas été enregistré au Morrisound Studio, seulement mixé. Et
Schuldiner
doit encore se taper les parties de basse tant Butler n’est pas encore au niveau pour les jouer. Mal pour un bien, il va la rendre aussi lourde que sur le précédent disque, conférant toujours une aura poisseuse. Le râle morbide qu’il pousse dès le premier morceau est équivoque : ce ne sera plus seulement une bande de délinquants zombies qui vous foncent dessus pour vous bouffer, c’est un broyeur de cadavres qui vous piège. La batterie, surmixée, et les guitares mélangées à cette basse grasse, écrasent. Si
Chucky
n’écoute pas encore du jazz le dimanche, il pense encore au heavy de sa prime jeunesse. Toute la face A est sa vitrine, tant sa face B pèche plus. "Choke on It" fait filler, et "Primitive Ways" est un titre de
Rick Rozz
. Dommage que
Massacre
n’ait pas sorti ce titre via un album ou au moins un EP en 1988, ça aurait permis une meilleure place dans le death metal que pièce rapportée du temps des tape trading.
Le milieu de l’album est tout simplement époustouflant : si "Pull the Plug" ne démérite pas, il reste coincé entre deux tueries : "Left to Die" et "Open Casket". Le premier est l’un des plus pensés, comme une version améliorée de "Zombie Ritual" ou "Sacrificial", tantôt brutal, tantôt sombre. Encore aujourd’hui, les hurlements dégrénés de
Schuldiner
font douter de la pertinence du brutal death. "Open Casket", lui, percute l’auditeur de son break vicieux et de son interlude tordue, de laquelle s’échappe un solo plus mélodieux que de coutume. Les textes y sont les plus personnels, évoquant la mort du frère de Chucky auquel il était tant attaché. Le temps des soirées entre potes bourrés devant le film d’horreur du dimanche soir est bien terminé. Et bientôt l’aventure avec le groupe
Massacre
tant la tournée qui s’en suit commence à épuiser
Schuldiner
qui pense de plus en plus trainer ses comparses comme des boulets.
A mon sens, ça s’arrêtera là pour
Death
en tant que pionnier du death metal. Lui-même ne se rend pas compte, à ce moment-là, à quel point il est référentiel dans le milieu. Il a déjà des envies d’ailleurs. Cela le poussera à l’irréparable : rejeter le milieu qui l’a vu naître et auquel il se montrera même ingrat en s’autoproclamant auteur de toute la musique. L’histoire ne dit pas si des fans ont lâché l’affaire, mais l’envie sera de plus en plus forte.
Iron Maiden
–
Seventh Son of a Seventh Son
.
C’est ça, la musique : on tâtonne mais on finit par trouver. C’est que pense Adrian Smith en écoutant les maquettes puis les bandes de l’album fraîchement enregistré pourtant dans une routine.
Somewhere in Time
était le prototype,
Seventh Son of a Seventh Son
est l’accomplissement. Et autant dire qu’on peut être fier de faire plier un patron comme Steve Harris.
Pourtant, ce dernier montre qu’il reste le patron : "Can I Play with Madness ?" continue de perpétuer la tradition du heavy fonceur et épique des premières années, inspirées par les dix minutes homériques de "Achilles Last Stand" du
dirigeable
. "Seventh of a Seventh Son" est moins une épopée que "Alexander the Great" et "Rime of the Ancient Mariner" et tire un peu trop, mais parvient à tenir la barre en milieu d’album. Cet album est le plus raffiné des années 80, et même les synthés glissent dans cet ensemble et ne perturbent plus les guitares. Mieux vaut donc commencer par cet album pour voir que les synthés dans le metal, c’est possible (à l’époque, c’était très mal vu). Cela tombe bien, puisque "Moonchild" commence ces nappes de synthé. Puis on enchaîne.
En réalité, tout le répertoire, ancien comme nouveau, est raffiné, amélioré, sublimé, presque. Un album synthèse, en somme. On a déjà cité Can I Play with Madness ?, mais The Evil that Men do, signé
Dickinson
et
Smith
, le montre également. A tel point que
Jannick "Bozzo" Gers
ne fait pas n’importe quoi à la place du solo de Smith. C’est la marque des grandes composition : quand toute variation, ajout ou suppression est impossible. Je dirais même que "The Prophecy" est une surprise : là où Déjà-Vu n’était pas franchement inoubliable, ce titre est vraiment excellent, montrant une marge de progression dans les accords, distillant d’autres types d’atmosphères, ici plus étranges que de coutume.
Malheureusement,
Steve Harris
va vite atteindre ses limites en terme de tolérance d’un changement de style. Il avait espéré revivre le départ de
Dennis Straton
qui n’hésitait pas à participer à la composition, mais c’en est trop. A son grand dam, la sophistication, en vogue dans le hard US, entre autres, ne lui convient déjà plus. Reste quand même deux très bons disques.
Seventh Son of a Seventh Son
est-il un disque progressif ? Pas pour autant, non.
Manowar
–
Kings of Metal
.
Manowar
a un sacré handicap par rapport à ses thèmes, son attitude et son image : il a tendance à en faire trop. Pas en terme de composition ni de jeu, leur dynamisme est encore pertinent aujourd’hui quand tout le monde veut en foutre des tartines en étirant leurs compos avec un mur sonore équivalent à la Grande Muraille. Non, c’est le fait de foutre n’importe quoi dans leurs albums, pourvu que ça en rajoute dans la surenchère.
En effet, ici, il faut toujours enlever l’interlude à la basse et la narration qui ne sert absolument à rien. C’était déjà un soucis sur
Fighting the World
, mais au moins, le reste de la chanson "Defender" permettait de passer outre. Ici, le problème, c’est qu’on a quatre minutes de racontars que la musique évoquait déjà toute seule. En plus, sur cet album-ci, un autre problème intervient : le bonus CD. Quand on achète un vinyle ou une cassette, la question ne se pose pas vraiment. Mais dans les années 80, se payer un CD coûtait d’autant plus cher qu’il en fallait une bonne poignée pour rentabiliser l’achat de la platine nécessaire. Et souvent, c’était la déception qui était au rendez-vous. Ici, c’est la gêne. Quand on lit un texte consternant comme celui de "Pleasure Slave", il y a intérêt que le riff soit assez puissant pour passer la pilule. Erreur : c’est moyen.
Heureusement que sept autres tueries nous attendent.
Manowar
se codifie de plus en plus mais maintient un excellent niveau. Il sait se trouver toujours aussi inspirant avec Heart of Steel, et même avec la chantante "The Crown and the Ring (Lament of the Kings)", fausse narration rangeant un temps guitare et basse au placard. Des groupes comme
Atlantean Kodex
devraient s’en rappeler. Il faut vraiment profiter de cet album car c’est aussi l’aspect rock qui disparait, incarné par le morceau-titre qui prolonge ce qu’on entendait dans l’explosif "Blow your Speakers". Le groupe se hisse au niveau du légendaire
Sign of the Hammer
avec deux immenses tueries : "Hail and Kill" et "Blood of the Kings". Une guitare, une basse, une batterie et un chanteur qui montent à l’assaut, pourquoi s’emmerder avec des pistes de guitare à ne plus savoir quoi en faire ou même un orchestre ? C’est la base de l’évocation : donner l’impression de.
Cet album marque la fin d’une série de très bons disques. Un album charnière, presque. Dommage que les années 90 vont être moins tendres et servir de prologue à la grande tragédie des années 2000 : la déchéance d’un grand groupe de heavy metal. HAIL AND KILL !!!!!
Reçus :
Queensrÿche
–
Operation Mindcrime
.
Les concepts albums, c’est compliqué. La réussite n’est pas tant dans le concept en lui-même que dans son traitement. Il suffit de voir le naufrage de
Nostradamus
récemment ou, anciennement, la demi-teinte de
Savatage
avec
Streets
. Dans les années 80, si on peut parler de
Maiden
,
Queensrÿche
reste le groupe emblématique de cette démarche de par sa proximité avec la progression, et surtout
Pink Floyd
.
Pourtant, rien ne rapproche
Operation : Mindcrime
de
The Wall
. L’un est américain et l’autre anglais, et très franchement, on pourrait en rester là. Duel de guitares dans la tradition hard rock chez les US, approche plus classique chez la perfide Albion. Aspect larger than life chez Sam, ambiance plus lourde chez Albion. Deux guitares et un peu de synthés et autres arrangements simulateurs ou multiplication des instruments. De toutes façons, seule l’ambition rapproche ces deux groupes.
Queensrÿche
ne franchira le Rubicon que par la suite. Et à ses dépens. En 1988, le groupe reste heavy, sophistiqué, moins aventureux pour plus solide qu’avec
Rage for Order
. Rien que la production en atteste : les arrangements continuent à enrichir le merdier, tout est toujours plus lisse sans être aseptisé, et puis cette basse… mais bordel, combien de bassistes ont pu profiter d’un son pareil ? Pas grand monde. Les débuts tonitruants ("Revolution Calling", "Speak"), la recherche de quelque chose de grand sur tous les aspects ("Sister Mary’s Suite")… quelle meilleure façon de terminer cet album que par Eye of a Stranger et son refrain avec un
Geoff Tate
au top de son maximum.
On aura beau essayer de convaincre avec d’autres groupes, comme
Sword
,
Crimson Glory
,
Fates Warning
. Game over.
Queensrÿche
est tout en haut. Trop, peut-être. Résultat, ils vont redescendre dès Empire, nettement moins bon, puis se rapprocher dangereusement de la croute terrestre qu’ils atteindront en 2008 avec le culotté (dans le mauvais sens du terme)
Operation Mindcrime 2
.
Voïvod
–
Dimensions Hatröss
.
Killing Technology
ne fait pas partie de mes
Voïvod
préférés. Je n’avais pas beaucoup adoré d’autres titres que "Killing Technology", "Ravenous Medecine" et "This is Not an Exercise". Mais ça restait un bon disque, moins charnière que
Rrröööaaarrr
, cela dis. En 1988, le groupe va pousser plus loin et se fixer sur une chaise au lieu de bloquer son cul avec une autre.
Cette fois-ci, le thrash punkoïde s’affine tout en restant agressif. Mais plus au sens rythmique bourrine et riffs bruts à tout berzingue. La stratégie est désormais toute autre. La production est toujours métallique, le monstre d’acier pointu de partout se devine encore. Pour combien de temps, ça, difficile à dire. Surtout quand on écoute "Chaosmöngers", qui préfigure
Nothingface
et tout le côté… comment dire… cyber hard rock ? Oui, on peut dire ça. Pour l’heure, "Tribal Convictions" tabasse encore un peu et "Brain Scan" distille ses riffs et ses solos dissonants à souhait. Voïvod, c’est LE groupe unique de cette époque-là.
Mekong Delta
et Watchtower s’inscrivent dans la mouvance cherchant la technicité via les musiques plus nobles,
Coroner
reste encore ancré dans le Metal pur avec ses assauts thrashy.
Voïvod
est autre. C’est l’extra-terrestre dans tous les sens du terme, confirmant ce qui était à l’œuvre dès "Live for Violence" issu de
War and Pain
.
Disponible uniquement sur CD en bonus à cette époque, la reprise du thème de Batman est aussi marrante qu’intéressante. Il s’agit du thème de la série avec Adam West, et P
iggy
la transforme en un cyber-metal vicieux. Cela aurait pu faire une musique pour une approche plus millerienne du Batman par Burton alors en approche.
Napalm Death
–
From Enslavement to Obliteration
.
Quand on a défini la frontière du bruit avec
Repulsion
, il est assez difficile de faire encore plus brutal après. Le groupe de Justin Boraderick a de la chance : leur hardcore overspeed va vite être obsolète avec l’arrivée de
Shane Embury
et
Mick Harris
, qui en écoutant la démo Slaughter of the Innocent, va transférer le matraquage sur la cymbale vers la caisse claire, donnant forme au blast-beat connu aujourd’hui.
FETO
est plus un album entier que son prédécesseur qui pourrait être un split tant les deux formations sont différentes.
Lee Dorian
et
Bill Steer
installent une ambiance plus lourde, plus trouble que durant le bordel punk des débuts. Cela fonce toujours autant, mais c’est plus oppressant que sur le titre "Scum", et il n’est plus question de blagues genre "You Suffer". "Evolved as One" donne presque le ton : Quelques plans groove de batterie, une voix déclamante et quelques coups de basse. Puis la guitare déboule, comme une scie découpant lentement un fémur. Puis
Dorian
se déchaîne, puis reprend une sorte de voix... doom ? une avant-première de
Cathedral
? Possible. Si les titres les plus courts sont encore plus violents que sur
Scum
, c’est sur d’autres qu’il se démarque : "Unchallenged Hate", le morceau-titre, "Mentally Murdered" ou "Cock-Rock Alienation" se montrent moins bête. Cela reste sale, mais
Bill Steer
montre déjà quelques capacités, tandis qu’il s’occupe également de
Carcass
, autre formation anglaise qui va tenter de pallier les carences extrêmes de l’Angleterre.
Le groupe se paie le luxe de descendre sous la barre des trente minutes. Règle siné qua non pour réussir à tenir un concept ultra-brutal sans lasser l’auditeur. La leçon
Slayer
a fait des émules, comme on va le voir plus bas, puis chacun bordera la formule au fur et à mesure, diminuant la furie à l’œuvre en cette bouillonnante année 1988.
Slayer
–
South of Heaven
.
Ben, d’ailleurs, les inspirateurs vont aussi donner l’exemple. Que dire après
Reign in Blood
? Ben pas le choix, il faut redescendre. Et se concentrer sur la teneur des titres. Si ça pouvait encore être maladroit avec
Show No Mercy
et
Hell Awaits
, passer chez Rick Rubin exige bien des sacrifices chez chaque membre de
Slayer
.
Tom Araya
est le premier à en faire les frais. Plus question pour lui de lancer ses cris suraigus qui ne faisaient mouiller que les plus fêlés du bocal (c’est moi). Il va falloir crier normalement, puis peut-être même modérer sa voix. De toutes façons, il ne peut plus monter trop haut depuis la tournée de 1987. Alors, lui et les deux tueurs à la six-corde vont en profiter pour lever le pied et revenir à un travail plus mélodique sans l’aspect trop juvénile de
Show No Mercy
. Même la reprise de Judas Priest se fond dans le bloc intransigeant. Mais c’est "Behind the Crooked Cross" qui va donner le ton de ce changement.
Araya
chante presque, c’est dire. La composition rappelle presque "Necrophiliac" sur
Hell Awaits
, et c’est confirmé sur d’autres titres comme "South of Heaven" et aussi "Spill the Blood". Le plus intéressant est à la cinquième piste, "Mandatory Suicide", qui lui va préfigurer le prochain album, de par son côté rampant et ses lignes de guitares toujours plus malsaines.
South of Heaven
est le dernier tour de roue sataniste de ces années-là. L’aspect reprise de
Venom
va disparaître et laisser place à un groupe toujours plus lourd. Plus sinistre. Plus violent, peut-être, loin de la sauvagerie primaire des débuts. Comme l’attesteront même les paroles, de plus en plus américaines, si on puit dire.
Metallica
–
...And Justice for All
.
Comme dit à propos de
Mekong Delta
et
Watchtower
, on veut toujours prouver quelque chose.
Metallica
, affecté par la mort de Cliff Burton, refuse de chômer et veut lui aussi prouver quelque choses. Deux choses, plus précisément. La première, prouver que le groupe n’est pas mort avec leur copain. La seconde, que eux aussi, savent faire complexe.
La première mission est réussie… à moitié, dirons-nous. Il y avait de quoi leur donner entièrement raison. En 1988, lorsque le fan achète le disque, il ne le paie pas au prix habituel.
Metallica
décide en effet de faire payer…and Justice for All, album double… au prix d’un simple. Aucun autre label n’autoriserait une telle chose, pouvant condamner un groupe au suicide commercial. Dans le rock, on appelle cela de l’attitude. Entre ça et
Garage Days
(renouvelé en 1998),
Metallica
en a encore auprès de ses fans : on dit même que les royalties avaient permis à un membre de
Diamond Head
de payer la fac à son fils. "Blackened" déboule donc, terrassant tout sur son passage et asseyant Hetfield comme un excellent chanteur, mesurant les progrès accomplis depuis. Problème : où est la basse ? Sur tout l’album, elle surnage péniblement dans une production plus sèche que la Vallée de la Mort avec une batterie sponsorisée par Omo. La seconde promesse est ratée. Le morceau-titre est à des encablures des précédents, certains titres comme "The Shortest Straw" se perdent tant tout est étiré de manière hasardeuse. Cela dit, le groupe, saligaud, nous refait le coup des tueries compensant le reste. En sus de "Blackened" déjà évoqué, le groupe réitère le coup de la ballade qui s’emballe avec "One", un des tout meilleurs titres du groupe et qui s’offre un clip tranchant sévèrement avec la concurrence.
Un titre furieux avec hymne contre l’autorité parentale (nombre d’enfants de cette époque en pleurent encore) plus tard, l’album vient affirmer quelque chose. C’est peut-être la fin du thrash chez
Metallica
, c’est la fin des années 80, mais qu’importe. Trois albums et demi entrés dans la légende, un groupe inspirant pour toute une génération. Tous, admirateurs ou détracteurs, continuent de les regarder au lieu de tracer leur route. Tant mieux ou tant pis.
Sadus
–
Illusions
.
Si cet album été plus maitrisé, il fuguerait dans mon tableau d’honneur. Tout simplement parce qu’il est responsable d’un changement chez moi. Avant, j’étais un con de guitariste et je pensais à la batterie au cas où. Mais bon, le manque de place chez soi quand la maison ne sert pas à habiter le conjoint et les gosses… c’est compliqué. Puis tout a changé avec
Scream Bloody Gore
et surtout
Sadus
, dont le bassiste détraqué,
Steve DiGeorgio
, a déboulé.
Cette époque bénie est un peu en train de revenir, mais pendant un moment, la quatre-corde fut négligée, noyée dans les mix grassouillets du death ou trop tronçonneurs du black. Et ne parlons même pas du heavy/speed mélodique teuton où faut se lever de bonne heure pour ne pas en entendre une en plastoche. Pas de ça ici : la basse est claquante, légèrement grasse et agressive. Soutenant des riffs thrash, lorgnant vers la brutalité du death, et parfois heavy ("Undead"). Comme
Napalm Death
, passer sous les trente minutes s’avère toujours judicieux quand on est furibard comme ça. Et puisqu’on a évoqué du black, difficile de ne pas y penser en entendant la voix de Darren Travis, un écorchement proche de
Destruction
ou du
Slayer
le plus énervé.
Bathory
est passé par là depuis, et la même année, enfonce le clou avec
Blood, Fire, Death
, dont "A Fine Day to Die" va installer le black nordique.
Avec Certain Death, Hands of Hate ou encore Twisted Face, Sadus se positionne entre les genres. Thrash, black, death ? Qu’importe. Avec
Protector
,
Sepultura
ou encore
Messiah
, le thrash est plus que jamais à la croisée des chemins. Entre les cimetières sinistres et la porte de l’enfer.
Suicidal Tendencies
–
How Will I Laugh Tomorow if I Can’t Even Smile Today ?
Beaucoup citent
The Art of Rebellion
et
Light… Camera… Revolution
pour illustrer le tournant mélodique de Suicidal Tendencies. Et après tout, c’est bien normal : les deux albums coïncident presque avec l’apparition de
Robert Trujillo
dans le groupe. Pourtant, ce tournant a eu lieu bien avant. Cela dit, il est vrai que ce tournant est précédé de celui du passage du hardcore au metal.
Mais
How Will I Laugh Tomorrow…
est bel et bien un cap. Plus encore que son prédécesseur. Rien que le morceau-titre en atteste avec ses passages beaucoup plus posés, ce riff tout en descente et les interactions à la guitare. Ce qui lui permet de se rapprocher d’
Anthrax
qui a déjà
Spreading the Disease
et
Among the Living
. Cela ne l’empêche pas d’enchaîner le thrashcore toujours soutenu comme sur "Hearing Voices" ou "If I Don’t Wake Up", plus lent et menaçant. Les meilleurs morceaux permettent d’ailleurs d’illustrer le travail collaboratif entre
Mike Muir
et surtout
Mike Clarke
qui signe "The Miracle" et "One Too Many Times". Mais on peut aussi y voir l’influence de
Louiche Mayorga
, bassiste historique du groupe et qui a eu le temps de participer à "Hearing Voices", "Pledge Allegeance" et "Suicyo Mania", derniers tours de roue dans la période crossover.
Parmi les albums charnières, ce disque en est un des meilleurs. Il peut même être préféré à
Nuclear Assault
ou
Anthrax
si on est allergique au côté fonceur du premier et surtout aux chanteur dans le cas du second.
Nuclear Assault
–
Survive
Celui-là est particulier : c’est à la fois un chéri et pas un chéri. Moins puissant et spontané que le précédent, se traînant une reprise en carton de Led Zeppelin, il reste quand même dans la lignée du thrash solide et caustique. Pas aussi bordélique que S.O.D, mais c’est normal : il s’agit d’un projet plus dans la durée pour Dan Lilker.
Même si on occultera pudiquement Got Antother Quarter et PSA. Et ce serait tant mieux avec Gooid Timers, Bad Times, car la durée serait parfaite. Neuf titres plutôt méritans quoiqu'un poil en dessous du premier album. La voix de Connely gagne en précision, Bramante en dextérité. Sans oublier le passé underground, bien sûr ("Fuck"). Perso, mon titre préféré est en début d’album avec Brainwashed. Découvert lui aussi via les chaînes musicales de M6 dans des émissions de fin de soirée (à enregistrer parce que ça commençait à minuit). Le rappel de la furie des titres comme Game Over, Hang the Pope ou autres, avec un
Connely
au bord de la crise cardiaque erst bien présent. Plus heavy, on trouvera des titres comme "Fight ot Be Free" et surtout le terrifiant "Wired", un titre écrasant et au niveau des plus massifs de
Suicidal Tendencies
. Et enfin, on n'oubliera pas l'ultra-speed et énervé "Equal Rights", bien à propos devant le succès grandissanty du rap contestaztire de
Run DMC
et son tube "Fuck da Police".
Même si le genre crossover reste flou, il est assez rassurant qu'il soit porté par des groupes d'une telle qualité. Sinon, il est assez recommandé de prendre
Game Over
en CD avec l'EP
The Plague
, qui vaut le coup d'oreille.
Espoir(s) :
Tormentor
–
Seventh Day of Doom
.
Faire du metal extreme, ce n’était déjà pas chose facile dans un pays occidental peu habitué à des secousses pareilles, alors plus à l’Est où même
Pink Floyd
était considéré comme subversif...
Tormentor
, formation à cinq, tente un peu l’aventure mais comprend vite que ça va être compliqué de s’exporter : les cassettes et les fanzines arrivent au compte-gouttes et la police politique ne lâche pas le morceau, même en pleine Glasnost. Cette démo arrive quand même à s’extirper et provoque le même choc que
Bathory
un an plus tôt : maléfique, sombre, tordu (ces trémolos en va-et-vient au lieu sur une note). Il suffit de s’envoyer "Damned Grave", le morceau-titre et surtout Tormentor. La suite sera plus épique dans tous les sens du terme, mais on est un trve ou on ne l’est pas. La voix rapeuse de
Attila Csihar
est prémonitoire, difficile de savoir à quel point, en ces temps-là.
Recalés :
Saxon
–
Destiny
.
Comme dit à propos de
Judas
,
Saxon
aura beaucoup moins de chance pour percer aux USA malgré leur entêtement. Et si jusque-là on retenait un ou deux singles potentiels, c’est la banqueroute. Va commencer alors une traversée du désert dont on se serait bien passés pour sortir des années 80 qui avaient pourtant si bien commencées.
Judas Priest
–
Ram it Down
.
Ce n’est pas parce qu’on applique une recette qu’on va sortir un bon plat. C’est le cas avec
Ram It Down
montrant un groupe tenter de nouvelles choses… mais sans donner un résultat à la hauteur des grands albums. Ni même de l’exploit pas très récompensé de
Turbo
. Ce prototype-là, durcissant le ton face aux thrashers qui lui pillent ses exploits passés, doit être considéré comme une chrysalide d’où surgira un papillon scintillant, aux ailes de metal.
Carcass
–
Reek of Putrefaction
.
L’inverse de
Napalm Death
: le titre d’ouverture sert à appâter le chaland pour mieux lui bousiller le plaisir. Sauf que la décharge est trop forte en volts, donc ça grille les doigts plus que ça n’électrocute. Pourtant, "Genital Grinder" et un ou deux titres faisaient illusion. Mais le vomi, non merci.
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Re : PURE FUCKING METÔÔÔÔLE
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Réponse #1128 le:
14 janvier 2023 à 12:39:23 »
Belle sélection, je ne suis pas d'accord sur tout, mais on aura quelques trucs en commun.
Le plus gros scandale reste l'absence du 2ème Crimson Glory
Je trouve aussi que le Riot, quoique très bon, est un peu surestimé (le riff de Thundersteel est quand même un quasi copié collé de celui de Déesse du Crime
). Mais il est clairement dans mes potentiels top dix-ables.
1988 est une merveilleuse année et j'ai un mal de chien à faire mon top 10 - qui aura aussi un repêchage en 11ème place comme en 1983 et 1987.
Si ça se trouve t'as le temps de faire 1989 avant que je puisse me décider
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"Je veux une bonne fois tenter l'épreuve qui fera voir jusqu'à quel point nos semblables, si fiers de leur liberté de pensée, supportent de libres pensées" Nietzsche
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Réponse #1129 le:
26 janvier 2023 à 15:53:05 »
MON TOP 1988
1 - IRON MAIDEN - Seventh Son Of A Seventh Son
En l’espace 8 ans (1980-1987), Iron Maiden est monté au firmament du heavy au rythme effréné de 6 albums studio, dont le moins bon était déjà excellent, et de 4 tournées mondiales en tutoyant les 800 concerts. C’est une institution, une religion même. Humainement, ce tour de force a néanmoins fait quelques dégâts : fatigue, perte de motivation, inspiration émoussée, même si un grand professionnalisme masque efficacement ces maux au public, qui n’y voit que du feu. C’est la lecture par Harris du livre « Seventh Son » d’Orson Scott Card qui va relancer leur entrain, surtout chez Dickinson ; l’idée germe ainsi de créer des morceaux reliés par cette thématique paranormale d’un enfant doué de perceptions extrasensorielles. Il en résulte un septième album collaboratif, vaguement conceptuel, qui demeure pour beaucoup de fans l’expérience ultime Iron Maiden.
Si Somewhere In Time fricotait avec des sons MIDI via les guitares, les Anglais déboulent cette fois avec les gros synthétiseurs sans aucune gêne, déclenchant l’ire de la frange la plus intégriste des amateurs. Certes, un adoucissement musical est à signaler : cela reste du heavy metal, mais le son est globalement plus poli, plus lisse (le joyeux Can I Play With Madness, Only the Good Die Young). Maiden évolue également dans une direction plus complexe, plus progressive, en gardant son sens de l’accroche légendaire (The Clairvoyant, ou la première partie du morceau-titre, grandiose à souhait malgré un refrain un peu radoté) et en s’autorisant des plages entières de trajets sinueux (le magnifiquement structuré Infinite Dreams, The Prophecy aux changements de tonalités dispersés à l’envi, ou la seconde partie du morceau-titre absolument mythique). Restent enfin les immenses Moonchild et The Evil That Men Do, incisifs, percutants, riffus et mélodiques.
Pas besoin d’en écrire des tonnes, j’ose espérer que ceux qui lisent ces lignes connaissent déjà ce disque par cœur car c’est un monolithe, une stèle cyclopéenne dans l’histoire du heavy metal. Après un règne quasi sans partage sur le genre au début de la décennie et ayant fait preuve d’une belle résistance face à l’augmentation d’une concurrence que le groupe a en partie contribué à créer, Iron Maiden reprend son trône en 1988, non pas par la force brute mais par la ruse, la stratégie, le sens du détail.
2 - Marty Friedman - Dragon’s Kiss
Sentant bien qu’il avait là 2 poules aux œufs d’or qu’il fallait bichonner et exposer au maximum, le producteur de Shrapnel Records réalise en 1988 le triplé : un second opus de Cacophony (qui avait copieusement aplati le monde du speed metal en 1987), et les albums solos totalement instrumentaux de ses deux artificiers, Jason Becker et Marty Friedman. Ceux qui ont été époustouflés par Speed Metal Symphony sont donc priés de se jeter sur ces trois sorties. Personnellement c’est le monde du caniche au poignet droit cassé qui m’a le plus emporté.
Dragon’s Kiss démarre pourtant étrangement avec un Saturation Point très imprévisible, aux accroches mélodiques assez ardues et au final dissonant. On se gratte la caboche pendant 5 minutes, en se disant que les 31 restantes risquent d’être lourdes à digérer, mais la suite remet directement l’album sur le chemin de la mélodie qui se grave au burin dans le cerveau. Une collection de compositions instrumentales doit captiver en premier lieu son public par les thèmes mémorisables, chantables, et Marty en déverse des bennes, du savoureux mid-tempo Dragon Mistress à l’enjoué Thunder March, en passant par le speed metal punitif de Evil Thrill ou Anvils, les enjôleurs Namida et Jewel où le son clair est à l’honneur, et bien sûr le monumental Forbidden City. Dragon’s Kiss est aussi un disque de shred, mais seulement en second lieu ; Friedman éclabousse ses compos de passages techniquement improbables, de bends et pre-bends d’une rare maîtrise, de vibratos étincelants, se jouant d’ambiguïtés tonales délirantes. On n’avait pas connu une telle débauche de talent métallique alliant musicalité et virtuosité depuis les débuts de Malmsteen (dans un autre genre), s’il on ne compte ni Cacophony ni Jason Becker.
Apprivoiser une œuvre dépourvue de chant n’est pas chose facile pour qui n’écoute pas déjà des styles où c’est majoritaire (musique savante en général), car c’est le principal point de repère dans l’immense famille des musiques populaires ; mais ce premier effort solo de Marty Friedman tient son auditoire par la main pendant une bonne demi-heure sans pour autant oublier de lui coller 2-3 tannées de riffs écrasants et de solos d’une autre galaxie. A la fois accessible et sans concession, Dragon’s Kiss se pose comme une sortie majeure, non seulement dans le monde de la guitare instru, mais également dans celui du metal en général.
3 - CORONER - Punishment For Decadence
Le thrash metal existe depuis en gros 5 ans, et les scènes Américaines et Européennes débordent maintenant littéralement de groupes en pratiquant, servant pour la majorité à peu près le même brouet. Le mouvement commence à tourner en rond et l’on a assisté en 1987 à de rares expérimentations sur son versant technique, succédant aux pionniers de Watchtower : Voïvod et Coroner surtout, ou Mekong Delta en mode camouflage, tous trois testant des approches assez éloignées les unes des autres. Il se trouve que la mayonnaise prend, et un an plus tard plusieurs formations s’accrochent au train qui démarre : Realm, Anacrusis et Target surtout (3 disques de très bonne tenue), mais aussi Blind Illusion, Hexenhaus, Sieges Even (qui a tenté de damer le pion à Watchtower, on y reviendra plus tard) ou les futurs cadors Atheist qui sortent leur seconde démo. Même Destruction tente quelque chose dans cette veine, et réussit plutôt son pari. Mais cette année, en la matière, c’est Coroner les patrons.
Le premier opus des Suisses, R.I.P, avait fait forte impression avec son speed metal rêche imbibé de quelques plans néoclassiques et autres signatures impaires. Leur nouvelle galette reste donc dans le même registre, quoique plus thrash, et aligne les brûlots : Absorbed ou Shadow of a Lost Dream et leurs refrains fracassants, le superbe single Masked Jackal construit avec application, l’instrumental Arc-Lite qui rappelle l’excellent speed metal néoclassique de Nosferatu (voire même du Cacophony), tous ces breaks dingos, ces solos lumineux et ces riffs tranchants donnent le tournis (Skeleton on Your Shoulder, The New Breed, ou le massif Sudden Fall !!). Le trio parvient par on ne sait quel miracle à améliorer la recette de R.I.P ; par contre quelques imperfections subsistent : le tic mélodique de Tommy Vetterli évoqué l’année dernière est toujours utilisé (mais que 4 ou 5 fois, donc ce n’est plus systématique), et la basse est moins présente (par exemple un passage monstrueux juste avant le solo de Voyage to Eternity se retrouve totalement noyé sous les guitares).
Coroner s’impose dorénavant comme le leader du tech thrash européen, mais leur label allemand Noise Records ne fait pas vraiment d’efforts en termes de promotion, se concentrant surtout sur leur triplette Helloween / Celtic Frost / Kreator. Une injustice supplémentaire à rajouter sur la très longue liste des groupes sous-estimés et plus ou moins laissés livrés à eux-mêmes malgré des sorties en béton et un potentiel énorme.
4 - QUEENSRYCHE - Operation Mindcrime
Le groupe Américain originaire la banlieue de Seattle a toujours été considéré comme l’un des pionniers du metal prog en compagnie de Crimson Glory et Fates Warning ; pourtant seul ce dernier correspond quasi-parfaitement aux futurs codes du metal prog des 90s (l’album No Exit le prouve encore, même s’il n’a pas réitéré les exploits de 1985 et 1986). Crimson Glory et Queensrÿche quant à eux, ne se sont finalement pas aventurés au-delà des structures standards plus souvent que sur une petite poignée de titres, à croire qu’à l’époque on collait l’adjectif progressif assez facilement, ou que personne n’était d’accord sur son sens. Et s’il y avait en plus du concept-album dans l’air, c’était du prog, obligé.
Mais Operation Mindcrime n’est pas un album de metal prog. Un titre et demi de prog (le majestueux Suite Sister Mary et l’intro Anarchy-X) sur 12, c’est trop léger pour qualifier ainsi l’entièreté de l’œuvre. Ou alors à ce compte-là, Powerslave ou Abigail sont aussi des disques de prog, large. Par contre c’est bel et bien un concept-album de heavy metal, et pas l’un des moindres. L’histoire développée ici tire sur le film noir et machiavélique : l’auditeur suit le parcours chaotique d’un junkie manipulé et hypnotisé par un révolutionnaire qui en fait sa machine à tuer. Le scénario se déroule au fil des nombreux hymnes de l’opus, des fédérateurs Revolution Calling, Speak, The Mission, à la descente aux enfers du personnage principal sur The Needle Lies, I Don’t Believe in Love, ou Eye of a Stranger. Une succession impitoyable de tubes dont les refrains s’impriment durablement, parfois même trop, puisque certains peuvent littéralement vous hanter en surgissant en boucle dans votre tête en plein milieu de votre journée (I Don’t Believe in Love, le pire de tous, quelle saloperie ce truc). Instrumentalement, tout est dosé à merveille : solos sobres et mélodiques, thèmes mémorables, atmosphères sombres, rythmique claire et détaillée, voix céleste – Geoff Tate pendant les 80s, what else.
Queensrÿche en 1988 est un groupe au top de sa forme, qui artistiquement laisse ses deux premières réalisations The Warning et Rage For Order à des kilomètres derrière, et ne réussira jamais à se remettre de ce troisième album. Le suivant, Empire, aura un gros succès commercial même si d’après moi il n’arrive pas à la cheville de celui-ci. On a l’impression qu’ils ont tiré toutes leurs cartouches d’un coup, laissant tout le reste de leur carrière dans l’ombre de ce carton plein.
5 - CRIMSON GLORY - Transcendence
1986 voyait l’apparition de cette formation véritablement exceptionnelle qui conjuguait bon goût, puissance, technicité, et fougue de la jeunesse, créatrice d’un premier album éponyme faisant date dans l’histoire des plus grandes démonstrations de talent sortant de nulle-part. Après avoir tourné en compagnie d’Anthrax et Metal Church jusqu’en Europe (dont une date au célèbre Hammersmith Odeon), Crimson Glory s’est fait un nom, et forcément dans ce genre de cas, le deuxième effort est grandement attendu. Le défi est relevé, avec une légère évolution de la recette.
Tout en gardant ce sens inné de la mélodie délicatement FM-isée (Painted Skies, ou le sublime single Lonely) parfois mariée à des riffs musclés (Lady of Winter), ou de cette brillance heavy si efficace où Midnight essaye de fissurer toute la vaisselle (Red Sharks, Masque of the Red Death ou Where Dragons Rule), cette fois les Américains insistent davantage sur les structures travaillées et des riffs plus sombres. Lady of Winter annonce la couleur en casant en douce une fin de break bien tordue, mais il faudra attendre la moitié de l’album et l’étrange mid tempo In Dark Places pour véritablement parler de metal progressif ; ensuite le goûtu Burning Bridges et surtout le magistral Eternal World viennent enfoncer le clou avec leurs riches agencements.
Du heavy metal d’école, ciselé, ultra-mélodique, incorporant quelques embuscades structurelles mais sans sacrifier la puissance et le punch du style, voilà ce que présente Crimson Glory sur ses 2 premiers albums d’anthologie. J’ai un petit faible pour le précédent, mais son successeur se hisse au même niveau de classe. Porté par une voix incroyable, parmi les plus pures et les plus aigües de la scène toutes époques confondues, le groupe émerveille par ses talents d’écriture, proposant des morceaux raffinés aux multiples tiroirs, tirant ici ou là sur le prog, et aspergeant l’assistance de solos resplendissants. Deux méga-classiques qui n’ont pas volé leur statut.
6 - VOÏVOD - Dimension Hatröss
Les Canadiens, coincés dans un emploi du temps des enfers, écrivent leur quatrième opus pendant les rares pauses de la tournée promouvant le troisième, l’excellent Killing Technology, dans lequel le groupe prenait des chemins de traverse en matière de thrash metal en y mixant structures prog et énergie punkisante saupoudrée de rock indus. Lors de ces sessions de création, les idées pleuvent jusqu’au point de vouloir faire un concept-album sur leur mascotte : Korgüll l’Exterminateur ouvre un portail vers une autre dimension afin de l’asservir, y rencontre des machins, il lui arrive des trucs. En toute franchise, l’histoire n’est ni très claire ni passionnante ; mais ces textes complètent bien l’atmosphère complètement dingo qui suinte de ce disque.
Arrivés au studio Music Lab à Berlin Ouest fin 1987 pour enregistrer leurs titres, les quatre allumés découvrent de nouvelles techniques et effets électroniques, le sampling, expérimentent différents bruitages afin de créer une ambiance toute particulière. Musicalement la jonction avec Killing Technology se fait facilement : toujours thrashy mais un peu moins bordélique, de plus en plus progressif, voire disjoint, et dissonant. Ajoutons-y les vocaux possédés, déclamatoires et paranoïaques de Denis Bélanger, qu’on a même envoyé dans la rue chanter à travers l’interphone de l’immeuble, et c’est parti pour un voyage dans un monde parallèle auquel on ne comprend pas grand-chose, au début. Les compos sont labyrithiques, les mélodies insaisissables, les rythmes excentriques (Experiment, Macrosolutions to Megaproblems, Psychic Vaccum, Cosmic Drama) mais quelque chose de singulier et d’hypnotisant accroche inlassablement l’oreille (Tribal Convictions, Chaosmöngers, Technocratic Manipulators, Brain Scan), et pousse les plus curieux à y revenir encore et encore afin de saisir toutes les nuances et s’imprégner de cette approche du thrash totalement unique.
Je ne sais pas s’il est possible d’aimer Dimension Hatröss dès la première écoute, ça n’a pas été mon cas, surtout à cause de la guitare hallucinée et de la voix en roue libre (rebutante parfois) ; mais il m’a suffisamment intrigué pour que j’insiste, et je le considère aujourd’hui comme un pilier du metal expérimental. Voïvod poursuit donc sa mutation baroque au risque de perdre du monde en chemin, mais il semblerait que cela ne revête pas grande importance.
7 - MEKONG DELTA - The Music Of Erich Zann
Mekong Delta fait partie du club très fermé de la première génération de thrash technique. Leur première réalisation de 1987 montre quelques très bonnes choses et donne aux musiciens une légitimité… dont ils ne pourront pas vraiment profiter puisque le groupe a décidé de rester anonyme (impliquant noms d’emprunts et photos promo à contrejour). A l’époque, en l’absence d’internet et localisé à Velbert en Allemagne, ce délire de line-up secret a pu tenir plusieurs années. C’est donc en anonymes que Mekong Delta continue dans la voie tracée par l’opus éponyme, en affinant la formule : production sensiblement meilleure, riffs toujours effrénés et retors, inspiration sur la pente ascendante.
Age of Agony, True Lies et Confession of Madness lancent les hostilités dans un maelström de mélodies démentes bien soutenues par une basse ronflante et enrichies de changements rythmiques imprévisibles ; les quatre instrumentistes sont à bloc, on en prend plein la tronche. Le milieu du disque est même absolument renversant. Entre Interludium, pièce instrumentale où guitare sèche, rythmiques thrashy et violons s’entremêlent magnifiquement dans un délicieux avant-gardisme, Prophecy, dont le break et le final hanteront très longtemps ceux qui ne peuvent s’empêcher de compter les temps, et l’épineux mid-tempo Memories of Tomorrow, la qualité de ce thrash technique est éblouissante et tutoie celle de Coroner. Cependant il me faut pointer le chant en tant que maillon faible. L’avantage des vocalistes qui grognent (comme Ron Broder) est qu’on n’en attend pas de prouesses, leur voix passe en arrière-plan ; chez Mekong Delta les tentatives de chant sont nettes, et parfois il vaudrait mieux ne pas essayer. Sans être véritablement mauvais, Wolfgang Borgmann sonne au mieux quelconque mais inférieur à la moyenne, au pire en net décalage, ce qui peut irriter ; ses prises sur Hatred ruinent littéralement le titre, et I King Will Come, la verrue du disque, devient encore plus laide.
Il me reste une chose à mentionner : The Music Of Erich Zann est une sorte de semi-concept-album dans lequel plusieurs morceaux font référence à la nouvelle du même nom signée HP Lovecraft, mais cela ne revêt aucune espèce d’importance. Interludium et Epilogue peuvent participer à créer une ambiance rappelant cette histoire, mais le reste de l’album se concentre majoritairement sur des avalanches de riffs tordus et de rythmiques azimutées. On pourrait tout aussi bien y lire l’annuaire ou des recettes de cuisine, l’avis des amateurs de thrash technique n’en serait pas modifié : il s’agit d’un ajout essentiel au genre.
8 - SLAYER - South Of Heaven
1988, c’est aussi l’abondance du thrash metal. Les anciens se font bruyamment remarquer avec de bonnes sorties, auxquelles on peut cependant opposer quelques critiques : le Metallica avec surtout trois excellents morceaux, zéro repompe (ils l’ont fait !), mais sans basse, et aux autres titres vraiment décousus ; le Megadeth un peu inégal, sûrement pas au niveau des deux premiers ; le Anthrax un chouia fatigué avec des fulgurances ; le Suicidal Tendencies, agréable, qui glisse doucement du skate punk vers le thrash crossover ; le Overkill routinier. La génération suivante s’en sort assez bien : le Flotsam And Jetsam correct mais loin derrière Doomsday For The Deceiver, le Testament qui mixe compos sans pitié et remplissage, le Nuclear Assault, sympa dans l’ensemble. Et des jeunots commencent à pousser au portillon avec une inspiration absolument démentielle mais très discontinue (Forbidden, Sabbat, Znöwhite, Rigor Mortis…). En thrash traditionnel, seul Slayer trouve totalement grâce à mes yeux à cette période.
Le groupe infléchit son style pour un thrash plus posé, davantage orienté vers les mélodies malsaines plutôt que la violence sans concession ; après une telle démonstration de sauvagerie en 1986, à quoi bon recommencer ? Et effectivement, l’ouverture du disque désarçonne le fan de base : pas de riff enragé, pas de batterie frénétique, pas de cris suraigus, mais un morceau-titre rampant qui travaille l’auditeur et se faufile dans son esprit, tout comme plus loin Mandatory Suicide ou Spill the Blood (dommage pour ses couplets monotones). Slayer ne change pas non plus totalement et sait encore faire parler la poudre sur l’incroyable Silent Scream aux textes dérangeants, ou Ghosts of War et son break féroce, mais c’est le mid-tempo qui domine l’album (le standard mais efficace Behind the Crooked Cross, le limite tech thrash Live Undead, ou le sautillant Read Between the Lies débordant de demi-tons).
Pourtant, la production apporte un déséquilibre étrange dans la recette des Californiens ; assez bizarrement pour du thrash les guitares ne sont pas à l’honneur : riffs excellents mais enterrés dans le mix, et solos foutraques (sur ce point ce n’est plus une surprise). Cette fois, les deux phares de Slayer sont Tom Araya (qui ne s’est jamais autant rapproché d’un vrai chant), et évidemment Dave Lombardo, qui avait pourtant quitté le navire fin 1986 en pleine tournée à cause des maigres rentrées d’argent, mais que le producteur Rick Rubin a littéralement harcelé en agitant des biftons sous son nez pour qu’il revienne dans le groupe. Le batteur prodige finit par accepter et explose toutes les performances passées ainsi qu’une bonne partie de celles à venir. Puissant, subtil, rouleau compresseur ou délicat, inspiré dans ses fills, Rubin le pousse devant, en fait la star d’un South Of Heaven devenant pour ainsi dire une démonstration de batterie de 37 minutes.
J’ai assez longtemps boudé ce quatrième opus de Slayer, ado, mais je lui trouve depuis une quinzaine d’années de grandes vertus : plus mature, plus varié, moins dans le concours de quéquette, mélodiquement très travaillé, et présentant toujours une petite facette radicale du thrash metal. Pour moi le deuxième meilleur disque du groupe après le Priestien et délicieux Show No Mercy.
9 - HELSTAR - A Distant Thunder
Cette solide formation de heavy américain s’était octroyée une place de choix dans mon top 1986, millésime pourtant très concurrentiel. Malheureusement il n’en est pas de même dans les charts de l’époque ; disons les choses clairement, c’est la galère. Une éclaircie fait cependant son apparition dans le bulletin météo de la réussite : le groupe signe chez Metal Blade, et Bill Metoyer, qui a notamment travaillé avec Slayer, Fates Warning, Dark Angel, Flotsam And Jetsam ou Omen, se charge de la production ; son travail est certes inégal, mais il a les contacts, le réseau. Des ouvertures de concerts sont donc prévues pour Anthrax, Megadeth, Slayer ou Exodus, de quoi élargir l’audience et faire connaître Helstar et sa vision technique du speed metal à un plus grand nombre de chevelus.
Cette approche complexe déjà entrevue sur Remnants Of War prend ici une dimension plus importante et décrit parfaitement le contenu de A Distant Thunder, qui certes s’ouvre sur un speed metal plus standard (The King Is Dead, Bitter End) mais rapidement le ton change. Au côté catchy et musclé des deux premiers titres s’ajoutent plans tortueux (Whore of Babylon, couplet de Scorcher), architectures compliquées (le tordu Abandon Ship, ou l’exaltant Winds of War) et breaks bien cintrés (Tyrannicide, Scorcher, Genius of Insanity) ; on peut donc parler de « speed metal technique » sans trop se planter. Même si ce style n’apparaît pas dans les Tablettes du Metal, il existe de fait avec la sortie de cet album (et de The Eyes Of Time d’Apocrypha également, les petits frères cachés de Cacophony). En outre, le travail vocal de James Rivera prend de l’envergure : encore un peu à la lutte pour diversifier sa façon d’aborder les couplets, il s’en sort toutefois mieux qu’il y a 2 ans, sait toujours monter très haut mais n’en abuse jamais, et ses refrains deviennent fameux.
Au bout du compte, A Distant Thunder constitue une très bonne performance d’un groupe assez confidentiel qui, me concernant, passe au premier plan de la très bonne vague speed metal de la fin des 80s, devant Pariah, Scanner, Liege Lord, Riot, Pantera, ou Running Wild si on ratisse large. Certainement, leur inclination pour les territoires plus techniques me parle davantage, ce qui ne sera pas le cas de tout le monde. Et l’on mentionnera le désastre visuel de la pochette, pour la troisième fois de rang.
10 - DEATH - Leprosy
Tout comme le heavy, le speed et le thrash, le death metal n’est pas né subitement. Les groupes de thrash les plus énervés du milieu des 80s avaient déjà sorti des disques avec un pied dedans sans vraiment appeler ça du « death metal » : Possessed, Sepultura, Messiah, Vulcano, Sarcófago, ou Incubus qui eux y avaient sept ou huit orteils. Diverses démos assez atroces circulent depuis 1984 (de Mantas à Morbid Angel, pour ne retenir que les plus influentes), mais c’est en 1987 avec Necrophagia et Death (ex-Mantas) qu’apparaissent les premiers vrais albums de death metal sous sa première forme, assez brute, consistant (en gros) à beugler de manière caverneuse et essayer de jouer encore plus vite avec un son encore plus saturé. Les bases étant posées, d’autres formations se préparent à s’enfourner dans la brèche, mais Death fait progresser le style en seulement une année, sous l’impulsion de son leader, Chuck Schuldiner, future icône métallique dont la popularité dépassera largement les frontières du death metal.
Si Scream Bloody Gore était très basique, son successeur Leprosy balaye donc immédiatement les standards précédemment établis pour monter de calibre. D’une part, les textes sont moins primitifs, se détachant modérément des thèmes stéréotypés liés aux morts violentes et aux zombies, et d’autre part la musique se fait délibérément plus travaillée ; dès le morceau-titre le ton est donné : structure à étages, changements de tempo, une petite dizaine de riffs différents. Pendant les 4 premières minutes les plans s’enchaînent sans retour en arrière et factuellement cela commence déjà se rapprocher du metal progressif… au sens strict, car ça ne ressemble pas à Watchtower et encore moins à Fates Warning ; stylistiquement Death fait bien du death metal : c’est rapide, guttural, agressif, mais non sans cervelle. Les autres titres, quoique plus courts, restent orientés de la sorte. Le surpuissant Left to Die, Pull the Plug et Open Casket rivalisent de détours et de surprises, tandis que Born Dead et Forgotten Past étonnent par leurs breaks saupoudrés de mélodies singulières. Même les deux titres de fin, qui me parlent moins (Primitive Ways et Choke on It), sont déjà à cent lieues devant les morceaux les plus élaborés de Scream Bloody Gore.
Leprosy est une pierre angulaire du death metal, le mètre-étalon du genre en 1988. D’autres groupes tels que Morbid Angel, Obituary, Deicide, ou certains passant du grindcore au death metal comme Carcass ou Napalm Death, auront une patte distincte également, et viendront nourrir la scène. Mais Death se montre rapidement destiné à faire cavalier seul dans ce nouveau genre, repoussant constamment leurs limites en termes d’innovation et de maturation. Nous n’en sommes qu’au deuxième album, qui s’impose déjà en tant que monument, et nous n’avons encore rien vu.
11 - RIOT - Thundersteel
Riot est l’un des premiers, sinon le premier véritable groupe de heavy metal américain, formé en 1975 ; il est également connu pour avoir eu l’une des mascottes les plus pourries de l’histoire, cette espèce de sumotori à tête de phoque et armé d’une hache. Après avoir bénéficié d’une certaine reconnaissance suite aux albums Narita et surtout Fire Down Under à l’aube des 80s, l’aventure s’arrête en 1984 faute de succès suffisant. Le guitariste fondateur Mark Reale crée dans la foulée le groupe Narita, et en 1985, les plus renseignés sur la scène et le tape-trading underground entendent pour la première fois la démo du morceau Thundersteel, déluge de speed metal en fusion. Reale reforme Riot en 1986 et construit un disque basé sur d’évidentes influences Judas Priest gonflé aux stéroïdes.
Ce disque démarre à tombeau ouvert avec ce morceau-titre ravageur, bénéficiant cette fois d’un son studio digne de ce nom, et la claque est immédiate. C’est musclé, mélodique, avec des montées vocales homériques et des solos foudroyants. Plusieurs compositions rassemblent ces mêmes caractéristiques : Fight of Fall, Flight of the Warrior, On Wings of Eagles, donnant au disque un aspect authentique, sans concession, destiné à être encore mentionné plusieurs décennies après (et c’est le cas, la preuve). On citera aussi Johnny’s Back, plus heavy metal dans l’esprit, mais marquante de la même manière.
Toutefois mon classement le place 11ème en repêchage. C’est sûrement compliqué à justifier tant il est considéré comme un modèle du genre, mais ce n’est pas infâmant non plus, vu la quantité pléthorique de chouettes sorties que j’ai écartées ; je trouve également qu’il propose une dose de réchauffé que n'ont pas les 10 albums devant lui : mix speed metal mi-80s + Judas Priest + hard FM à la Dokken + heavy 70s directement issu de la première vie de Riot. J’aime aussi rappeler qu’ADX a sorti un disque aussi puissant 3 ans avant, la ressemblance se nichant jusque dans le riff de Thundersteel (écoutez Déesse du Crime), et le public n’en a pas eu grand-chose à foutre. Par contre, à force d’entendre des formations heavy, speed et thrash s’inspirer de son son pour pondre des tueries, le Prêtre de Judas pourrait bien se réveiller, gonfler à bloc ses pecto-nichons et montrer à tous qui est le boss. C’est une hypothèse.
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Modifié: 26 janvier 2023 à 15:56:01 par cacaman
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