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Des chercheurs reconstituent les pérégrinations d'un mammouth mort il y a plus de 17 000 ansPar Pierre BarthélémyLes chercheurs aiment bien donner des petits noms aux ancêtres dont ils examinent les restes. Il y avait Lucy, l'australopithèque, Ötzi, l'homme des glaces, voici désormais Kik le mammouth laineux. Kik parce que ses défenses et un morceau de son crâne ont été découverts près de la rivière Kikiakrorak, dans l'extrême nord-ouest de l'Alaska, il y a une dizaine d'années. Le pachyderme n'avait pas pour autant emporté ses secrets dans la mort car, à dix-sept millénaires de distance, une équipe internationale de scientifiques a accompli la prouesse de retracer ses pérégrinations lointaines, dans une étude qui fait la couverture du numéro de Science daté du 13 août. Un travail qui lève le voile sur le mode de vie finalement peu connu de cet animal emblématique de la préhistoire, dont l'espèce est aujourd'hui éteinte.Kik ne tenait évidemment pas de journal de bord mais il possédait une sorte de balise Argos interne, et tout le mérite de cette étude a consisté à la faire parler. Il faut faire un petit détour par la technique pour mieux saisir la saveur de cet article et l'ampleur de la tâche effectuée. Les chercheurs ont souhaité s'appuyer sur ce que l'on appelle des analyses isotopiques. Les isotopes désignent des formes différentes d'un même élément chimique, qui ne comportent pas le même nombre de neutrons dans leur noyau.Ainsi, parmi les divers isotopes du strontium, deux sont fort intéressants – le 86 et le 87 – car le ratio entre les deux varie sensiblement selon les régions. « Il dépend du type de géologie qu'on a sous ses pieds, explique le Français Clément Bataille, professeur adjoint à l'université d'Ottawa et coauteur de l'étude de Science. Chaque région a une géologie différente, des roches différentes et des âges de roches différents. Le strontium contenu dans les roches est transmis au sol, puis aux plantes qui y poussent, puis aux animaux qui les mangent. »Cartographie isotopiqueCet élément se fixe dans les parties minéralisées du corps (os, dents) et, comme les défenses des éléphantidés ont la bonne idée de pousser de manière continue tout au long de leur vie (5 à 6 centimètres par an dans le cas du mammouth laineux), il est possible de retracer les allées et venues de leur propriétaire tout au long de son existence. A deux conditions toutefois : primo, de disposer de bonnes cartes des ratios isotopiques et, secundo, de pouvoir extraire très finement les ratios du strontium des défenses. Géologue et spécialiste des sciences de l'environnement, Clément Bataille a levé la première exigence en établissant une cartographie isotopique à partir du strontium mesuré dans des os et des dents de rongeurs – qui se déplacent très peu – partout en Alaska.« Il peut parcourir 700 kilomètres d'un coup, ce qui est surprenant pour un animal aussi énorme », note le Français Clément Bataille , coauteur de l'étudePour satisfaire à la seconde condition, il a fallu autopsier une des défenses de Kik. Celle-ci a été sciée en deux dans le sens de la longueur, exactement comme on ouvre un concombre. Une opération rendue complexe par la forme courbe de la dent. Une fois cette étape passée, les chercheurs ont effectué, par ablation laser, une myriade de mini-prélèvements à l'intérieur de cette défense. Réduits en poudre, ils étaient aussitôt analysés dans un appareil appelé spectromètre de masse, qui séparait le strontium 86 de son frère 87. Quelque 340 000 mesures ont ainsi été réalisées, dont l'analyse a pris un an, qui permettent de suivre Kik en Alaska, semaine après semaine, de son enfance à sa mort, il y a 17 100 ans.« On ne savait rien sur les déplacements des mammouths, reconnaît Clément Bataille. On partait d'une feuille blanche. La chose qui nous a le plus surpris, c'est la taille de l'aire : il se déplace sur un territoire gigantesque puisqu'on le suit sur quasiment toute la longueur de l'Alaska. » Les voyages de Kik n'ont pas la même amplitude ni les mêmes destinations pendant les différentes phases de sa vie. Pendant sa jeunesse, il se cantonne avant tout dans le bassin du fleuve Yukon, vers ce qui est actuellement le détroit de Béring (qui n'existait pas lors de cette époque glaciaire où l'on passait à pied sec de Sibérie en Alaska). En se basant sur les mœurs des éléphants actuels, qui vivent dans des sociétés matriarcales où les femelles d'une même famille se déplacent ensemble avec leur progéniture, il est probable qu'il vivait en troupeau.Du cœur de l'Alaska jusqu'à l'océan ArctiqueTout change lorsque Kik a 16 ans. Ses déplacements prennent de l'ampleur et il n'hésite pas à s'enfoncer dans le cœur de l'Alaska, voire à remonter jusqu'à l'océan Arctique. « Il peut parcourir 700 kilomètres d'un coup, note Clément Bataille , ce qui est surprenant pour un animal aussi énorme. Il faut un stimulus puissant pour cela, peut-être un stimulus de reproduction mais cela peut aussi être dû à des questions de ressources alimentaires. » Lorsque les éléphants mâles atteignent l'âge adulte, ils sont rejetés du troupeau, vivent souvent en solitaires et sont en général bien plus mobiles que les femelles. Les données recueillies avec Kik pourraient indiquer un comportement analogue chez les mammouths.Ceux-ci devaient avoir une longévité d'une soixante d'années, voire davantage. Mais Kik est mort à seulement 28 ans, en pleine fleur de l'âge. Un été, il s'est aventuré à l'extrême nord-ouest de l'Alaska, au-delà de la chaîne montagneuse des Brooks, comme il l'avait déjà fait auparavant. Mais, contrairement aux autres fois, il y est resté pendant tout l'hiver, sans doute dans des conditions météorologiques terribles. « Dans la défense, on voit un déséquilibre de l'azote qui monte très vite, ce qui indique qu'il est sous-nourri, explique Clément Bataille . Après avoir épuisé ses graisses, il se met à consommer ses propres protéines » pour tirer de l'énergie.Que s'est-il passé ? Kik a-t-il été blessé, malade, coincé au septentrion, au-delà du cercle arctique ? Il survit encore un an, en se déplaçant peu, et succombe à la fin de l'hiver suivant. « A force de travailler sur ses données, conclut le chercheur français , j'avais fini par vivre un peu avec lui et j'étais triste de le voir rester dans le nord. J'avais envie de lui dire “ Reviens ! ”. »
Sinon dans le genre surprenant: https://www.slate.fr/story/214596/mille-pattes-carnivores-mangent-oisillons-ile-pacifique-sud-ecosystemeC'est vraiment un cas de figure assez rare en plus.
Comment les perruches à collier ont colonisé l'Ile-de-FranceL'oiseau, bien que considéré comme une « espèce exotique envahissante », ne semble pas représenter une menace pour la biodiversitéPauline GenselElles sont partout à Paris : au Jardin des plantes, au bois de Vincennes, aux Buttes-Chaumont, au cimetière du Père-Lachaise... Les perruches à collier colonisent la capitale et la région parisienne et ce, depuis plusieurs années. D'après la Ligue pour la protection des oiseaux, elles seraient plus de 8 000 en Ile-de-France. En 2013, on en dénombrait trois fois moins.Une prolifération telle que la perruche à collier est aujourd'hui considérée comme une « espèce exotique envahissante », autrement dit une espèce dont « l'introduction et/ou la propagation menace la diversité biologique », selon les termes de la convention sur la diversité biologique des Nations unies de 1992.Originaire des forêts tropicales d'Afrique subsaharienne et des terres fertiles d'Inde, l'oiseau serait apparu en France au cours des années 1970. Avec leur bec rouge, leur plumage vert et le collier noir bordé d'un liserérouge-rosé qu'arborent les mâles, les perruches à collier attirent alors des citadins en quête d'exotisme. En 1974, une cinquantaine d'entre elles, qui devaient être vendues à des oiseleurs et des animaleries, s'échappent d'un conteneur à Orly. Vingt ans plus tard, le même phénomène se produit à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Depuis, les deux colonies se sont croisées, et ont donné naissance à une multitude d'autres.La perruche à collier menace-t-elle les écosystèmes franciliens ? Le sujet fait débat. Plusieurs chercheurs se sont penchés sur cette thématique, pour étudier les interactions de cet oiseau avec son nouvel environnement. Une équipe de recherche de l'université Paris-Saclay, du Muséum national d'histoire naturelle, d'AgroParisTech et du CNRS s'est intéressée aux phénomènes de compétition qui pourraient exister entre la perruche à collier et les autres oiseaux dans l'accès à la nourriture. Grâce à un programme de sciences participatives, elle a pu observer les interactions des oiseaux autour des mangeoires. D'après ses conclusions, publiées en septembre 2020, la perruche n'aurait pas plus d'effets sur les autres oiseaux que la pie ou la tourterelle.Certes, la pie est parfois elle-même décriée, notamment parce qu'elle peut faire fuir les petits oiseaux et qu'elle s'attaque aux couvées des passereaux au printemps afin de nourrir ses oisillons. Cependant, ni la pie ni la perruche à collier ne sont responsables de la raréfaction de certaines espèces. « Dans un écosystème, les espèces interagissent, entrent en compétition, se parasitent », explique François Chiron, écologue spécialiste des oiseaux et des mammifères, maître de conférences à AgroParisTech et chercheur à l'université Paris-Saclay, qui a participé à l'étude rendue publique en 2020. « Cette compétition entre espèces ne doit pas être perçue comme quelque chose de négatif : elle permet de réguler les populations et participe d'un écosystème équilibré, diversifié et résilient. »Les perruches à collier étant des espèces cavicoles (c'est-à-dire qui vivent dans des cavités, comme les anfractuosités des platanes), des études ont cherché à comprendre si elles pouvaient perturber la reproduction d'autres oiseaux qui nichent dans ces mêmes cavités. En Belgique, des chercheursde l'université d'Anvers ont conclu que, si la population des perruches à collier augmentait très fortement, elles pourraient gêner légèrement la sittelle torchepot, petit oiseau que l'on trouve fréquemment en ville.Toutefois, c'est la seule espèce pour laquelle un problème pourrait se poser. Et, selon les chercheurs, l'impact de ces perruches sur les sittelles reste très faible par rapport à d'autres menaces, telles que la réduction des espaces boisés ou le morcellement des espaces naturels sous l'effet de l'activité humaine.D'un point de vue général, la perruche a un effet mineur à modéré sur les autres espèces. « Même si c'est l'espèce d'oiseau introduite la plus présente actuellement en Europe, elle ne semble pas être une menace pour l'avenir de la faune », confirme François Chiron. Elle peut cependant poser des soucis d'ordre non écologique : des nuisances sonores près de leurs dortoirs, des dégâts vis-à-vis de l'agriculture urbaine, car elles s'attaquent aux arbres fruitiers... « Mais pas plus que d'autres espèces locales, finalement. Il ne faut pas forcément les voir comme une espèce à part », soutient le chercheur.Les perruches à collier ne constituent donc pas un péril pour la biodiversité francilienne. Elles paraissent s'intégrer petit à petit dans la biodiversité et la chaîne alimentaire. Des prédateurs rapaces, oiseaux et autres mammifères s'y intéressent depuis peu, et leur nombre pourrait donc se stabiliser dans les années à venir.« Lorsqu'elles sont introduites dans un nouveau milieu, les espèces exotiques envahissantes ne sont pas confrontées, dans un premier temps, à des prédateurs ou des parasites, et leur population augmente. Mais par la suite, des prédateurs s'y adaptent et régulent leur population », remarque Xavier Japiot, naturaliste pluridisciplinaire chargé d'études sur la biodiversité pour la Ville de Paris.La chouette hulotte a d'ores et déjà commencé à consommer des perruches à collier, faisant son marché, la nuit, dans les dortoirs de l'oiseau exotique. M. Japiot a aussi eu l'occasion d'observer un épervier d'Europe s'en prendre à une perruche. Mais le malheureux n'avait pas anticipé le fait que ladite perruche, oiseau qui vit en groupe, alerte toutes ses camarades, et a dû faire volte-face. « Lorsqu'une perruche à collier se fait attaquer, les autres viennent aussitôt à son secours. C'est très efficace, d'autant plus que leur bec est extrêmement puissant », conclut Xavier Japiot.Plusieurs dizaines de milliers de perruches à collier sont aujourd'hui établies en Europe, les populations les plus nombreuses se trouvant au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Grèce... et en France.
La cape d'invisibilité des crustacésImages animales 5 | 6 La biologiste américaine Laura Bagge a photographié la phronime, un crustacé fascinant, capable de se rendre invisible dans l'eauClaire GuillotLa phronime est le plus cool des animaux ! » La biologiste américaine Laura Bagge ne cache pas son excitation en évoquant le petit animal auquel elle a consacré sa thèse. Premier argument en faveur de la phronime, ce crustacé gros comme une crevette, de la famille des amphipodes hyperiides : elle aurait inspiré le monstre dans le film Alien. Celui qui, si vous vous en souvenez, se sert des humains comme d'un garde-manger.« La phronime est un parasite, explique la biologiste, qui transforme ses proies en réserves de nourriture. » Ce qui, loin d'horrifier notre scientifique, l'enthousiasme au plus haut point : « La plupart des crustacés pondent leurs oeufs et s'en désintéressent. Mais la phronime est une très bonne mère ! Elle capture une salpe, qui est une sorte d'animal gélatineux, creuse un trou dedans pour y faire une maison et y pond ses oeufs pour qu'ils aient toujours une réserve de nourriture. Ensuite, elle y habite avec ses bébés, et les promène comme dans une poussette. » Une habitude qui vaut à la phronime, aux Etats Unis, le charmant surnom de pram bug, c'est-à-dire « insecte landau . En France, on est un peu moins attendri, et un peu plus dégoûté : la phronime y est plutôt surnommée « tonnelier des mers » ou « monstre des tonneaux » car elle évide ses proies en forme de barrique pour y loger ses rejetons et se balader dedans.Mais la vraie « coolitude » de la phronime tient surtout à son exceptionnel talent pour le camouflage, dans un endroit où il n'y a nulle part où se cacher. Une qualité que Laura Bagge a découverte à l'occasion d'une sortie en mer, lorsqu'elle a remonté des créatures diverses dans un seau pour les étudier. « Je ne voyais rien, c'est seulement lorsque j'ai plongé ma main dans l'eau de mer que j'ai senti qu'il y avait des animaux dedans. Et autant on peut comprendre qu'un animal gélatineux comme la méduse soit transparent, autant c'est plus difficile à concevoir pour la phronime, qui a des muscles, un système digestif, un cerveau et une enveloppe dure. Comment les phronimes peuvent-elles organiser tout leur corps pour le rendre invisible ? J'ai décidé d'en faire l'objet de ma thèse. »Car être transparent ne suffit pas à être invisible, rappelle Laura Bagge : « Un morceau de verre totalement transparent peut être repéré à cause des reflets sur sa surface. » Le défi est donc grand pour la phronime, que l'on rencontre aussi bien dans les profondeurs marines que dans des zones plus proches de la surface, où percent encore les rayons du soleil. « Dans les eaux profondes sans lumière, certains poissons sont bioluminescents, c'est-à-dire qu'ils ont leurs propres phares pour repérer leurs proies. Et plus près de la surface, c'est le soleil qui entraîne des reflets. Mais, dans les deux cas, la phronime est capable de se camoufler. »En 2016, la scientifique formée à l'université de Duke (Caroline du Nord) a eu la chance d'embarquer à bord d'Alvin, le submersible scientifique de la Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI), propriété de la marine américaine, à la recherche de la phronime. « C'est le sous-marin qui a exploré l'épave du Titanic ! », précise la biologiste décidément cinéphile.Après avoir demandé au sous-marin de rester entre deux eaux, elle a utilisé un slurp sampler (littéralement, « avaleur d'échantillons »), sorte d'aspirateur géant pour récolter ses phronimes en douceur. « Alvin a des projecteurs superpuissants. Mais même avec ça, les phronimes étaient très difficiles à repérer. »Une fois les phronimes placées dans l'aquarium, la biologiste a réussi à les photographier, ce qui n'a pas été une mince affaire vu le camouflage très efficace de la bête : « J'ai installé un studio photo dans un aquarium, et quand j'ai positionné des flashs tout autour, j'ai réussi à prendre des images vues du dessus, en macrophotographie. Finalement, le plus visible ce sont ses yeux, elle en a quatre, qui forment des points noirs. »Pour percer le secret des super-pouvoirs de la phronime, Laura Bagge a dû utiliser un autre style d'appareil photo. Même si, à ce stade, on ne peut plus parler de photographie, car la lumière n'intervient plus dans l'opération : « C'est un microscope à balayage électronique qui bombarde d'électrons le sujet étudié afin d'obtenir une image. On l'utilise pour des choses très petites, de l'ordre de dix nanomètres, une taille inférieure à celle des ondes lumineuses. C'est utile pour des virus par exemple. »La phronime ainsi examinée a révélé que sa surface était recouverte d'une couche de minuscules sphères ordonnées de façon très régulière. Cette structure joliment appelée nipple array en anglais, soit « arrangement en mamelons », est ce qui lui permet d'absorber tous les reflets, un peu comme les boîtes d'oeufs que les apprentis rockeurs collent sur les murs de leur garage pour étouffer les bruits de leurs instruments de musique.La même structure avait déjà été découverte, dans les années 1960, sur les yeux de la mite, et avait donné lieu à une application très courante : les verres de lunettes antireflet. Pour la phronime, le plus étonnant est que cette couche antireflet semble située à l'extérieur de sa carapace. « Nous n'avions jamais rien vu de tel, et nous nous demandons encore ce que c'est exactement. Cela ressemble beaucoup à des bactéries, mais il faudrait faire davantage de recherches pour en être certain », explique la biologiste. Qui convoque cette fois Harry Potter : « Nous cherchons à savoir de quoi est faite la cape d'invisibilité de la phronime... »Au cours de son travail scientifique, Laura Bagge recourt régulièrement à la photographie. Celle-ci est devenue indispensable aux chercheurs, en particulier grâce à de nouveaux appareils capables de voir mieux ou différemment que l'oeil humain, finalement très limité. « Nous ne voyons que trois couleurs, indique Laura Bagge. Combinées entre elles, elles nous permettent de voir l'arc-en-ciel. Mais certains animaux en voient bien davantage, comme l'ultraviolet... et s'en servent pour émettre des signaux à leurs congénères. Les scientifiques utilisent des caméras multispectrales pour les repérer. Les crevettes-mantes sont ainsi capables de voir seize canaux de lumière colorée. »La biologiste a aussi, grâce à des filtres adaptés sur des appareils photo, montré comment des scarabées dorés étaient sensibles à la polarisation de la lumière ils captent la direction des ondes. Et renvoie à la docu-série La Vie en couleurs actuellement diffusée sur Netflix, qui explore la façon dont les animaux utilisent les couleurs pour survivre et communiquer.A Duke University, la biologiste a suivi un cours de photo appliquée à la recherche scientifique, pour « apprendre à manipuler les appareils, et à adapter les réglages à différents sujets comme, par exemple, des animaux qui nagent super-vite ! » Mais son goût pour les images lui vient aussi du professeur original sous la direction duquel elle a fait sa thèse : Sönke Johnsen aimait la photographie dans un but purement esthétique, pour obtenir de belles images de ses objets d'études. « L'approche de Sönke Johnsen, qui a eu un cursus artistique avant de faire de la biologie, m'a beaucoup inspirée. Je ne m'intéresse pas qu'à l'aspect purement scientifique des choses. Je trouve que ces animaux sont extrêmement beaux, et la photographie me permet de les mettre en valeur, de les montrer aux gens, de les sensibiliser. »Depuis la phronime, Laura Bagge a élargi ses recherches pour s'intéresser à « la façon dont, sur terre et sous l'eau, les animaux voient le monde et comment ils évitent d'être vus . Un art du camouflage riche en possibles applications biomimétiques, en médecine, en optique, en science des matériaux. Mais aussi éventuellement dans l'art de la guerre, un domaine où depuis longtemps les techniques de camouflage s'inspirent de la nature. C'est d'ailleurs dans le laboratoire de recherche fondamentale de l'armée de l'air américaine que la biologiste mène actuellement ses travaux.
Phronima : Phronime était la fille du roi crétois Étéarque. Suite à un complot, Thémison, un marchand, devait la jeter à la mer mais, incapable d’une telle cruauté, il n’en fit rien.
Mais ceux qui sont perçus comme les ingénieurs des rivières n'ont pas que des alliés. Malgré leurs prouesses en matière de construction, leur ténacité leur vaut parfois d'obstruer les fossés de drainage. Pêcheurs et agriculteurs n'accueillent donc pas forcément la nouvelle avec enthousiasme, notamment depuis la réintroduction controversée des castors en Écosse, où l'on compte désormais plus de mille castors sauvages. John Varley, directeur de Clinton Devon Estates, une société de gestion et de développement immobilier, est mitigé quant à la réintroduction de cette espèce :Dans un environnement adapté, les castors peuvent avoir une influence très favorable, mais s'ils sont au mauvais endroit ils peuvent causer de gros problèmes."À lire aussi: Agriculture. L'UE réfléchit à interdire l'élevage des animaux en cageDe leur côté, les pêcheurs craignent que la réintroduction du castor puisse avoir des effets néfastes sur les poissons, tout du moins si elle n'est pas correctement organisée. Les castors peuvent en effet bloquer les rivières et empêcher la migration des poissons. Mark Owen, membre de l'Angling Trust, une organisation de pêche, s'inquiète notamment pour les saumons :Les populations de saumons sont dans un état inquiétant. Il reste si peu d'individus que je ne suis pas sûr de pouvoir observer des saumons dans les rivières anglaises jusqu'à la fin de mes jours. Tout ce qui est susceptible d'empêcher les saumons de remonter les rivières pour atteindre les frayères est très préoccupant."Éviter les conflitsMark Elliott, qui dirige le programme consacré aux castors de l'association de protection de la faune et de la flore du Devon (Devon Wildlife Trust), souhaite rassurer agriculteurs et pêcheurs. Ces six dernières années ont été l'occasion d'essayer d'"apaiser les tensions provoquées par les castors". Avec son équipe, il fait fréquemment disparaître les barrages de castors s'ils sont dérangeants. Ils utilisent également des buses qui sont installées au travers des barrages pour évacuer l'eau et éviter les inondations, précise The Independent. Mark Elliott dresse ainsi un premier bilan positif :Les zones humides créées par les castors sont d'une valeur inestimable pour l'écosystème. Nous traversons une crise écologique et les castors sont très utiles pour recréer l'habitat détruit."George Eustice, le secrétaire d'État à l'Environnement, a par ailleurs déclaré que son ministère agirait "avec prudence" concernant la réintroduction des castors