« L'Amazonie, c'est un passé renié, un présent en fumée, un futur hypothéqué »Par Nicolas BourcierStéphen Rostain est archéologue. Directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans le laboratoire Archéologie des Amériques, il a longtemps vécu et travaillé en Guyane et en Equateur, où il a dirigé plusieurs programmes interdisciplinaires et internationaux. Ses travaux ont radicalement changé le regard que l'on avait sur le monde précolombien d'Amazonie. Il s'est particulièrement intéressé à l'analyse du paysage à travers une approche faisant appel à l'écologie historique. Sous ses dehors sauvages, l'Amazonie est en fait une terre « domestiquée » , rappelle-t-il.Baroudeur empruntant le plus souvent des chemins accidentés, imprévus, Stéphen Rostain est l'auteur d'une trentaine de livres pour moitié scientifiques et l'autre moitié à destination du grand public. Ses ouvrages les plus récents sont Amazonie, l'archéologie au féminin (Belin, 2020), qui a reçu le Grand Prix du livre d'archéologie, et La Forêt vierge d'Amazonie n'existe pas (Le Pommier, 268 pages, 23 euros), paru cette année. Il revient pour Le Monde sur son engagement et sa profonde admiration pour ces peuples amérindiens qui ont toujours vécu en interaction avec leur milieu naturel. Un milieu qui fait face, insiste-t-il, à une destruction systématique menée, depuis trois siècles, par les sociétés occidentales.Le titre de votre dernier ouvrage précède-t-il son écriture ?Oui, peut-être ! Ce livre est le résultat de trente-cinq ans de recherches. A chaque fois que je dis faire de l'archéologie en Amazonie, on me demande systématiquement la même chose : mais que trouvez-vous ? Cette question me laisse pantois, car elle fait forcément référence à ce que l'on trouve ailleurs. On est dans une admiration sans borne des cultures de la pierre, que l'on compare forcément à nous.Prenez les Incas ou les Mayas avec leurs édifices et leurs temples, ils ont fini par être perçus comme étant « presque » aussi civilisés que nous, non ? De fait, nous vivons dans un monde tellement urbanisé depuis le Moyen Age que nous avons confiné la civilisation entre les murs, et la sauvagerie, dans la forêt. Notre société naturaliste a séparé d'une barrière infranchissable le monde sauvage du monde citadin et civilisé. Entre les deux, il y a la campagne, qui n'est ni tout à fait sauvage ni tout à fait civilisée, une espèce de purgatoire de la civilisation. Cette frontière est fondamentalement inscrite dans nos gènes.Les Occidentaux ne comprennent pas, par exemple, que les indigènes « parlent » avec les tapirs et les jaguars. Et pourtant, ne faisons-nous pas la même chose avec nos chats et nos chiens ? Nous pensons qu'ils comprennent, qu'il y a un échange et de l'amour, non ? Et bien, c'est exactement la même chose avec les Amérindiens, sauf que les animaux ne sont pas domestiques, ils sont sauvages.Le constat c'est ça : une physicalité, une apparence différente, mais une âme comparable. L'Amazonie, c'est ce paradoxe permanent et hermétique à notre compréhension. C'est ça que j'ai voulu transmettre, d'une manière peut-être différente d'un énième essai sur la déforestation.Parce que l'urgence n'a jamais été aussi manifeste ?On le dit depuis près de quarante ans, mais l'Amazonie est vraiment au bord du précipice. Malade, affaiblie, exsangue, elle n'a plus sa vitalité d'autrefois. Dans certaines régions du sud et de l'est, la forêt amazonienne rejette plus de carbone qu'elle n'en absorbe. Près de 20 % de sa couverture a disparu en un siècle. Or, l'argument utilisé pour la détruire a toujours été le même, et ce, jusqu'à aujourd'hui : puisqu'elle est vierge, elle ne produit rien, elle est inutile, on peut donc y aller sans retenue.Dans ce livre, j'ai essayé d'inverser la proposition : l'Amazonie est culturelle, elle est anthropisée et domestiquée. J'ai abordé cet état de fait dans mes précédents ouvrages mais, cette fois-ci, je me suis davantage engagé parce que nous devons être plus militants et arrêter de prendre des pincettes, surtout face à ceux brandissant des tronçonneuses !Après quarante années passées dans le milieu scientifique, j'ai appris que les chercheurs ne sont pas forcément les meilleurs déclencheurs d'alerte, en tout cas sur les questions écologiques. Il y a une certaine frilosité à s'impliquer et à donner des informations définitives. La langue du bon scientifique reste le conditionnel. Et c'est cette timidité à affirmer les choses qui donne une espèce de brume au lecteur. Plutôt que d'en rester à un constat d'échec sur le grave état de santé de l'Amazonie, il nous faut donc urgemment comprendre les divers usages qui ont été faits de cette nature sylvicole et s'ouvrir les horizons face à la chronique habituelle d'une mort annoncée.C'est un plaidoyer ?Oui, ou plutôt un cri pour signifier qu'il y a deux façons de faire et que la nôtre est mauvaise. Notre attitude est inconséquente et irresponsable, alors que nous nous plaçons nous-mêmes dans une responsabilité vis-à-vis de ces peuples considérés à tort sauvages et irresponsables !En quoi est-ce si important pour sa préservation de savoir que l'Amazonie était occupée par des hommes il y a plus de 13 000 ans ?C'est important pour plusieurs raisons. En premier lieu, reconnaître qu'il y a un peuplement ancien, aussi vieux qu'ailleurs. Jusqu'à aujourd'hui, l'Amazonie est perçue comme une terre sans histoire, une simple aire géographique et non culturelle, où les Amérindiens ne sont qu'un détail de cette non-histoire. Prendre conscience de cette obsession de la stérilité tropicale qui a prévalu pendant des siècles est indispensable pour mettre en branle le statu quo et agir sur les décideurs.L'intervention humaine en Amazonie a commencé dès les premiers peuples paléolithiques. Ils ont manipulé des espèces végétales, ils se sont installés, déplacés, organisés. Au cours des siècles, des milliers de personnes se sont regroupées dans différentes régions d'Amazonie. Certains villages occupaient une surface de plus de 300 hectares. Il faut réellement imaginer cet immense bassin de 7 millions de kilomètres carrés comme un vaste marché, avec ses réseaux, ses bourgades et ses agglomérations, ses foires aussi où l'on venait échanger les produits de la pêche, les piments, les meilleurs curares, les outils, les céramiques, les arcs, etc.Oui, l'Amazonie précolombienne était traversée de routes permanentes et de tertres, de canaux, de fossés entrecroisés, de digues contenant des bassins et des réservoirs, des champs surélevés de toutes formes, dimensions et agencements possibles. Une terre à l'héritage architectural difficilement perceptible au premier regard, mais indéniable. Une aire gigantesque aux identités fortes, occupées par des populations diverses, parlant plus de 300 langues indigènes différentes et sans frontière physique aucune.C'est ce passé culturel impressionnant qui a débordé la simple échelle humaine, impactant et transformant les paysages. Ceux-ci ont été pollués par la présence humaine, mais pollués sans destruction. Ils sont devenus métis entre nature et culture, et, malgré cette pollution, ont gardé leurs pouvoirs de tempérance et de climatologie. L'Amazonie est ainsi restée pendant des siècles un acteur essentiel d'équilibre écologique mondial. Un milieu dans lequel les Amérindiens se sont intégrés tout en cohabitant parfaitement, sans tronçonnage ni tractopelle. En cela, ils nous montrent que les humains peuvent vivre avec la nature, dans un profit mutuel. N'est-ce pas un modèle d'espoir et un formidable exemple pour l'agriculture de demain ?Vous parlez aussi de « paradoxe amazonien »…Oui et même de damnation amazonienne ! Les Amérindiens étaient tellement bien intégrés et tellement en interaction intime avec la nature qu'on ne voit pas leurs traces. Cette force est devenue leur faiblesse. Qu'a dit l'Europe pendant la colonisation ? Puisque vous n'avez pas pu faire fructifier ces terres, vous n'en êtes pas propriétaires. Nier toute mise en culture notable de l'Amérique par les Amérindiens justifiait de leur refuser le statut de propriétaire des sols. En d'autres mots, laissez-nous faire. Le schéma n'a depuis pas changé, la mauvaise foi a perduré, et le résultat s'affiche, là, de manière effrayante et déplorable, devant nos yeux.Un des éléments centraux de votre livre est la « terra preta », terre noire en portugais, découverte il y a moins d'un demi-siècle. Expliquez-nous…Les Amazoniens ont concocté un sol artificiel en quelque sorte magique. Cette « terra preta », née des activités et rejets humains, n'est pas banale. C'est un sol composite, sombre et fertile, associé à des restes d'implantations, enrichi des débris d'occupation, du charbon et des cendres. Cette terre si particulière est la résultante d'occupations longues ou successives. Après des décennies d'études, elle continue d'intriguer. L'histoire même de ce sédiment hors norme est proprement fascinante : elle forme l'héritage direct des populations précolombiennes.On a longtemps pensé qu'il ne restait pour ainsi dire rien de ces peuples qui construisaient leurs bâtiments de bois et feuillages. C'était faux. Les Amérindiens ont clairement exercé une action déterminante sur l'environnement. Bien que le concept de propriété des terres soit absent du monde amérindien, l'espace sous le contrôle d'un groupe amazonien a toujours été minutieusement organisé et géré. Ils ont transformé l'Amazonie de manière beaucoup plus intensive que supposée auparavant : le couvert végétal, la nature des sédiments ou même le modelé des sols.En ce qui concerne la « terra preta », les fortes pluies tropicales ont créé un lessivage puissant qui a enfoui les charbons et les nutriments, produisant un phénomène étrange. Il semble qu'elles contaminent alors le sol indemne, en le transformant à son tour en « terra preta ». La ténébreuse fertilité artificielle s'étend progressivement et naturellement.Cette terre améliorée offre un potentiel appréciable pour le cultivateur. Bien avant l'arrivée des Européens, les autochtones y avaient planté du manioc et du maïs, ainsi qu'au moins trente espèces utiles, tant alimentaires que médicinales ou autres. Les savants estiment que la superficie totale de « terra preta » couvre 0,3 % du bassin de l'Amazone. Ce n'est pas rien ! C'est même absolument exceptionnel, un travail de titan.La découverte récente de milliers de champs surélevés est-elle pour vous tout aussi fascinante ?Oui, les Précolombiens ont édifié des buttes dans les savanes inondables afin de cultiver en drainant l'excès d'eau. Ces champs surélevés montrent comment les premiers peuples d'Amazonie combinaient savoir ancestral, astuce, efficacité et capacité d'interaction. Ces monticules souvent alignés avec une incroyable régularité métronomique fonctionnaient comme des écosystèmes efficaces. Agriculteurs et géomètres de génie, ils mesuraient tout, au point parfois d'être dans la totale démesure en construisant des damiers de terre gigantesques, non seulement fertiles mais aussi, une fois de plus, camouflés dans le paysage et l'environnement. Avec le matériau le plus modeste qui soit, la terre, ils ont créé des merveilles monumentales.Ces agriculteurs-bâtisseurs ont disparu d'un coup, pourquoi ?Pourquoi les habitants de l'île de Pâques ont-ils disparu ? Pourquoi les Mayas se sont-ils effondrés ? Ce sont des mystères difficiles à évaluer. Ici, en Amazonie, on est dans des paysages particuliers, des paysages de savanes inondables et donc très sensibles aux variations climatiques. On s'est aperçu que, entre 1000 et 1200, voire 1400 de notre ère, il y a de grandes transformations dans tout le bassin amazonien, avec des gens qui circulent dans tous les sens, des groupes qui apparaissent, d'autres qui disparaissent. On voit aussi des légères modifications climatiques qui coïncident avec la conquête européenne. On pense qu'il y a eu un peu plus de pluie en basse Amazonie, sur la côte des Guyanes. Et, si le niveau de l'eau augmentait dans les marais, les buttes devenaient inutilisables. En tout cas, la technique des champs surélevés s'est lentement éteinte peu avant ou aux alentours des premières années de la colonisation.Ensuite, l'Amazonie a été pénétrée par les colons, qui violèrent ses fleuves et semèrent la mort. La bombe microbienne venue d'Europe fut à elle seule responsable de la chute démographique de près de 90 % de la population amérindienne. Pour donner un ordre de grandeur et selon les estimations de différents archéologues, l'île de Marajo, à l'embouchure de l'Amazone, et le village de Santarem comptaient près de 20 000 habitants au moment de la conquête.Quels sites archéologiques sont les plus révélateurs ?Les premiers habitants d'Amazonie ont marqué leur présence directement dans la terre, la flore et le paysage lui-même. Deux sites archéologiques majeurs retiennent peut-être plus l'attention que d'autres. Les sites de Chiribiquete et de La Lindosa, en Colombie, sont parmi les plus extraordinaires. Ils sont hébergés dans un paysage incomparable de tepuys, plateaux de grès émergeant de la forêt pour culminer à près de mille mètres d'altitude. A leurs pieds, des dizaines d'abris-sous-roche ont été peints de milliers de dessins. Des représentations d'animaux, d'humains, de non-humains, d'esprits, de végétaux, de maîtres de la nature et d'autres êtres vivants de ce monde et de l'au-delà constituent des ensembles de pictogrammes mythologiques, témoignages de conceptions particulières du monde.D'autres sites démontrent avec encore plus d'évidence cette intimité entre humain et nature. Par exemple, la vallée de l'Upano, le long du piémont oriental des Andes, en Equateur, a fait l'objet de terrassements spectaculaires. Il y a plus de deux mille ans, des communautés construisirent des centaines de plates-formes symétriques disposées autour de places carrées et basses. Ils creusèrent également des chemins très larges et profonds reliant toutes ces structures. Grâce à un travail monumental, ils ont presque intégralement remodelé la superficie de leur territoire tout en initiant un véritable proto-urbanisme.Cette Amazonie précolombienne était donc une construction humaine réalisée en étroite interaction avec la créativité de la nature. Les Amérindiens ne s'y sont pas trompés en concevant le monde comme une continuité entre humains et non-humains, sans dresser de barrière entre la culture et la nature. Aujourd'hui, tous les voyants sont au rouge : la déforestation n'a jamais été aussi virulente, la biodiversité chute drastiquement et l'Amazonie vit une terrible pandémie [de Covid-19] .Quel regard portez-vous sur la situation actuelle ?J'ai un mauvais pressentiment. Comme je l'ai écrit, l'Amazonie, c'est un passé renié, un présent en fumée, un futur hypothéqué. Le sort est atroce pour les Amérindiens qui voient leurs terres bafouées, dépouillées de leurs ressources vitales, les sols dévitalisés et les eaux empoisonnées. Et plus terrible encore, les sites sacrés – roches, collines, cascades, rivières, arbres, etc. –, fondamentaux à la cohésion sociale et spirituelle du groupe, ont été anéantis sans état d'âme, laissant planer des menaces métaphysiques et structurelles sur la communauté.Le Brésil, l'Equateur et tous les pays amazoniens sont tiraillés, d'une part, entre subvenir à d'énormes besoins énergétiques et maintenir leur dynamisme économique et, d'autre part, protéger le temple de la diversité du géant forestier et soutenir ses habitants, les Amérindiens. C'est l'autre grand paradoxe pour lequel je ne vois pas de solution miracle.Avez-vous des pistes ?La forêt tropicale voit chaque jour son espace se résorber, des trésors de biodiversité l'accompagnant dans sa disparition. Parallèlement, c'est un patrimoine humain irremplaçable qui est définitivement anéanti.Pour enrayer cette « mécanique du désastre », la prochaine étape devrait être d'inscrire au Patrimoine mondial des sites amazoniens d'exception car, aussi absurde soit-il, aucun monument précolombien d'Amazonie n'est encore protégé officiellement. Un seul a été récemment inscrit en 2018 par l'Unesco, dans le centre de la Colombie. C'est le parc de Chiribiquete, couvrant une superficie de 27 800 kilomètres carrés – presque la superficie de la Belgique – qui a été reconnu patrimoine mixte culturel et naturel de l'humanité. Malgré cela, il est encore sujet à des menaces tangibles sans que des mesures de préservation réellement efficaces soient mises en place.L'Equateur fut le premier à voter une Constitution, en 2008, sous la pression d'une menace alors croissante d'extraction pétrolière anarchique, pour attribuer à la forêt tropicale, aux rivières et même à l'air les mêmes droits qu'aux hommes. Pourtant, cette bonne intention a vite été oubliée quand il s'est agi de trouver de nouveaux puits de forage pétrolier. La situation est aujourd'hui redevenue catastrophique. En Nouvelle-Zélande, la rivière Whanganui a obtenu en 2012 une « voix légale », qui lui octroie les mêmes droits qu'une personne devant la justice. Là, cette loi fonctionne, pourquoi pas en Amazonie ?Avec le recul, on sait aujourd'hui qu'un site « protégé » n'a aucune chance de survie si ce ne sont pas les populations locales qui s'en occupent. Ce sont elles qui gèrent le mieux ces espaces. Il est grand temps d'écouter les autochtones, dont le savoir résulte de millénaires d'observations et d'apprentissage du monde tropical. Trop peu invités aux COP et autres événements où se prennent les décisions, ils se sont organisés et ont investi le monde académique occidental où ils obtiennent leur doctorat. L'Occident doit apprendre à les écouter et la concertation pourra enfin s'engager pour une meilleure justice environnementale.Comme le dit mon ami anthropologue Philippe Descola, l'humain est un virus pour la terre. Il faudrait qu'il apprenne à devenir un remède ! En tout cas, il faut se méfier de prescrire une cure depuis l'extérieur, sans intégrer les savoirs écologiques et culturels locaux, ce qui implique de développer une véritable justice environnementale tendant à minimiser équitablement la vulnérabilité et à répartir uniformément l'accès aux ressources. Nous en sommes loin.
EDIT : prochain volume des Mondes anciens de chez Belin le 23/03, le second tome de la Grèce antique, de Clisthène à Aristote (510-336 av. J.-C.). https://www.amazon.fr/Grèce-classique-Clisthène-Aristote-510-336/dp/2701164931
Ayant baigné dedans via plusieurs des volumes de Belin je n'ai pas eu trop de problèmes, même si bon, je suis comme lui et donc incapable de faire le résumé des subtilités d'outrages aux drosophiles. Juste un erreur cartographique quand il parle du Tibet mais bon c'est littéralement marginal.
Ah une erreur sur le Tibet? Pourquoi donc?
Allez zou, du moringa, des chocapic bio et on relance le bazar
A quand un chaîne youtube de ton cru pour causer Tibet en long en large et en profondeur ?
Il dit vers la 44e minute qu'un général chinois nestorien est venu administrer la région. Sauf qu'à l'époque les Tang ils en étaient plutôt à éviter que les Tibetains ne viennent piller leur capitale Chang'an (ce qu'ils firent en 763). Par contre il est beaucoup plus vraisemblable que ce général ait été envoyé administrer une région reprise à l'empire tibétain et / ou peuplée de Tibétains et de peuples qu'ils avaient soumis et intégrés à leur empire. À l'époque toute cette région qui constitue l'actuel Xinjiang et des bouts du Qinghai et du Gansu constituaient la très lucrative route terrestre de la soie que se disputaient Chinois, Arabes, Tibétains, anciens Ouïghours et Karlouks (actuels Ouïghours, c'est pas les mêmes que les précédents).Ceci dit, il y a bien quelques traces de christianisme au Tibet, de rares mentions mais ça n'a pas vraiment pris. On sait aussi qu'un tsenpo (empereur) avait pris des décrets interdisant les manichéistes.https://earlytibet.com/2007/12/02/christianity-in-early-tibet/
Les Chachapoyas, mystérieux guerriers des nuagesBrendan SainsburySix siècles avant les Incas, la culture chachapoya a prospéré à partir de l'an 800 sur les hauts plateaux du nord du Pérou, région de plissures montagneuses, de canyons vertigineux et de somptueuses cascades, où les pentes orientales des Andes descendent vers le bassin humide de l'Amazone.C'est là que s'est peu à peu implantée une constellation de cacicazgos (de petits potentats), qui exploitaient des champs en terrasse et servaient d'intermédiaires dans les échanges entre les Andes et l'Amazonie. La population, peut-être 500?000 âmes à son apogée, était rassemblée autour de puissants chamanes et animée d'un féroce esprit guerrier. Elle a évolué presque sans connaître d'agression extérieure jusqu'à l'invasion des Incas dans les années 1470.À lire aussi: Cop26. Climat : au Pérou, le génie ancestral des Incas au secours des récoltes Une société égalitaireLa culture chachapoya étant orale, ce que l'on en sait provient des vestiges archéologiques mis au jour sur des sites funéraires difficiles d'accès, dans les falaises calcaires qui se dressent au-dessus des forêts de nuages du Pérou. Ces chullpas, tombeaux de pierre, sont des mausolées semblables à des chaumières. Creusées dans la roche et décorées de motifs couleur de rouille, elles contiennent des sarcophages ornés de visages humanoïdes. Imposantes, elles dominent toujours le paysage depuis des hauteurs isolées, preuve de l'existence d'une culture d'une vigoureuse indépendance, clairement distincte de ses voisines andines. Contrairement à d'autres civilisations sud-américaines, les Chachapoyas semblent avoir rejeté toute hiérarchie. Si elles étaient élaborées, leurs méthodes d'inhumation étaient apparemment assez égalitaires, et ce qui subsiste de leur architecture ne présente que peu de symboles de statut ou de pouvoir.Beaucoup de chullpas ont été pillées, ce qui complique un peu plus les recherches. D'autres, comme celles qui ont été découvertes sur le flanc d'une falaise qui surplombe le lac des Condors en 1996, ont été réutilisées par les Incas. La mise au jour de ce site a bouleversé le domaine de l'archéologie péruvienne, car il laisse entrevoir le niveau de développement des Chachapoyas à l'arrivée des Incas, à la fin du XVe siècle. À l'intérieur des tombes, les archéologues ont retrouvé plus de deux cents momies de l'époque inca, ainsi que de la céramique simple, des objets en argent, des gravures sur bois et des textiles teints en rouge exceptionnels. Les Chachapoyas étaient des tisseurs réputés. Leurs étoffes aux couleurs vives décorées de motifs animaliers étaient prisées des Incas.Des guerriers redoutablesDes récits espagnols remontant au temps de la colonisation dépeignent les Chachapoyas comme blonds et blancs de peau, mais il s'agit sans doute de textes apocryphes, à l'origine de légendes fantastiques sur de mythiques explorateurs venus d'au-delà des mers. Des fouilles archéologiques ultérieures sur le site du lac des Condors et ailleurs ont dissipé le mythe qui prétendait que les guerriers des nuages étaient des Vikings égarés.À lire aussi: Services secrets. L'âge d'or de l'espionnage espagnolEn revanche, ils étaient réputés pour leur ardeur redoutable au combat. Refusant de se soumettre à l'Empire inca, alors en pleine expansion au XVe siècle, ils ont résisté avec acharnement depuis leurs forteresses dans les hauteurs avant d'être finalement vaincus, vers 1475. Après avoir déposé les armes à contrecoeur, nombre d'entre eux ont ensuite été déportés dans des régions éloignées de l'empire afin de prévenir toute révolte. Ceux qui sont restés sur place ont préféré s'allier aux Espagnols quand ceux-ci sont arrivés dans les années 1530, mais du fait des maladies européennes et du traitement impitoyable que leur ont infligé leurs nouveaux maîtres, la langue et la culture chachapoyas avaient pour ainsi dire disparu au début du XVIIe siècle.Les vestiges les plus frappants de la civilisation chachapoya se trouvent à Kuélap, magnifiques ruines d'un site urbain, politique et religieux juché à 3?000 mètres au-dessus de la vallée de l'Utcubamba, sur une crête montagneuse auréolée de brume, à l'abri derrière des murailles de 20 mètres de haut. Kuélap aurait été édifié au moins sept cents ans avant la citadelle de Machu Picchu, et ses constructeurs semblent avoir été d'aussi habiles maçons que les Incas, plus tardifs. Toutefois, au lieu de construire des bâtiments rectangulaires, tels que l'on en voit dans d'autres civilisations d'Amérique du Sud, les Chachapoyas ont érigé des structures en calcaire circulaires qui étaient apparemment surmontées de toits de chaume coniques. Les frises rhomboïdes simples et les serpents sculptés qui ornent les façades de pierre sont tout aussi caractéristiques, et on les retrouve dans une demi-douzaine d'autres sites dans la région.À lire aussi: Histoire. Kuélap, l'autre Machu PicchuOccupé dès l'an 500 de notre ère, Kuélap représente l'aboutissement d'un effort collectif qui s'est étendu sur plusieurs siècles. Il prouve sans ambiguïté qu'une société extrêmement développée et bien organisée existait dans le nord du Pérou longtemps avant l'apparition des Incas. Les murs d'enceinte, massifs, contiennent des restes humains et servaient probablement de sites funéraires rituels. À l'intérieur de ces formidables fortifications, 420 autres bâtiments ont été identifiés et cartographiés, depuis des demeures familiales jusqu'à une structure cylindrique qui aurait été le centre cérémoniel des lieux.Kuélap a été abandonné à la fin des années 1500, peut-être à l'issue d'un massacre et d'un incendie. Il a été redécouvert par un magistrat péruvien en 1843, mais, éclipsé par la renommée touristique de Machu Picchu et étant difficile d'accès, il n'a fait l'objet de fouilles ambitieuses qu'à partir de la fin des années 1990. Les travaux se poursuivent et continuent de poser autant de questions qu'ils apportent de réponses. Si le monumentalisme est impressionnant, on ne sait toujours pas vraiment comment fonctionnait la citadelle au quotidien, ni quels étaient son statut et sa signification spirituelle pour l'ensemble de la culture chachapoya.
Le génome des Britanniques révèle une migration datant de 3?000 ansUne étude génétique réalisée par une équipe de plus de 200 chercheurs, et publiée dans la revue Nature, a analysé l'ADN de 793 Européens ayant vécu entre 4 000 ans avant J.-C. et 43 ans après J.-C. dans des régions de l'actuel Royaume-Uni et de l'Europe continentale, relate Le Temps.Elle révèle que les habitants actuels de l'Angleterre et du pays de Galles ont plus d'ancêtres issus des agriculteurs européens primitifs que n'en avaient les habitants de l'âge du bronze précoce (vers 2 500 ans av. J.-C.) dans ces deux régions.À lire aussi: Paléogénétique. Comment les Néandertaliens ont perdu leur chromosome YÀ cette époque (celle où est érigé Stonehenge), la proportion de génomes communs entre les "Britanniques" et les fermiers du néolithique n'est que de 30 %. Mais elle va augmenter considérablement entre 1000 et 875 av. J.-C. dans ces deux régions du sud de la Grande-Bretagne, ce qui indique un flux migratoire en provenance du Vieux Continent.Diffusion des langues celtiquesLes personnes qui se sont installées dans le sud de la Grande-Bretagne seraient responsables d'environ la moitié de l'ascendance des populations ultérieures. Ce qui pourrait expliquer la diffusion des premières langues celtiques dans l'île britannique.Le quotidien suisse précise : "On repère [cette migration] d'abord dans le Kent, au sud de l'Angleterre et non loin du détroit du Pas-de-Calais, avant qu'elle ne se diffuse jusqu'à la fin de l'âge du fer [43 ans après J.-C.] en Angleterre et au pays de Galles, mais pas en Écosse". Et l'un des auteurs de l'étude, Ron Pinhasi, professeur au département d'anthropologie évolutive de l'université de Vienne, souligne :C'est l'une des inconnues de notre étude. On aurait pu s'attendre à ce que ces génomes gagnent aussi le nord de l'île britannique, mais ce n'est pas le cas."Il est fort probable que cette migration continentale soit venue de l'actuelle France, même si "l'absence de sépultures anciennes dans le nord de la France, de l'autre côté du Channel, ne permet pas de relier ces génomes continentaux à une origine géographique proche."Proximité avec la FranceEn effet, les comparaisons d'ADN montrent "une plus forte proximité des individus britanniques avec des individus retrouvés en France, entre 800 et 200 avant notre ère, dans le Grand Est et en Occitanie, qu'avec les autres individus européens".Toutefois, souligne Le Temps, il ne faut pas "imaginer une vague migratoire de grande ampleur qui aurait traversé la Manche pour s'installer sur le sol britannique". Car, sur le plan génétique, une migration correspond à un flux de gènes qui peuvent avoir été apportés par quelques individus seulement. "Un petit nombre de migrants bien assimilés induira un flux génétique plus important dans la population hôte qu'un groupe plus nombreux qui ne s'assimilerait pas."Digérer le lactoseLe flux de gènes en provenance du continent a été comparativement moins élevé ensuite, au cours de l'âge du fer (de 700 avant J.-C. à 45 après J.-C.). La trajectoire génétique indépendante que connaît la Grande-Bretagne à partir de cette époque se reflète aussi dans l'augmentation d'un gène qui confère aux adultes la capacité de digérer le lactose du lait : sa fréquence atteint 50 % contre 7 % en Europe centrale où il faudra attendre un millénaire pour la voir augmenter rapidement. Sur le plan de la consommation des laitages, "l'île britannique avait donc acquis près de 1 000 ans d'avance sur ses voisins européens?!"