Récemment j'ai commencé
Ikigami, de Motorō Mase.
Un seinen de type drama dans un "japon parallèle" dystopique.
Pour assurer la prospérité du Japon, pour maintenir la croissance de sa productivité et baisser la criminalité, une loi stipule que tout les enfants doivent être vaccinés dès leur premier jour d'école et que parmi les gosses, un sur mille se verra injecter un vaccin empoisonné qui les tuera un jour programmé à l'avance entre leurs 18 et 25 ans. L'anonymat est assuré pour que personne ne sache qui mourra avant la date fatidique. Selon les autorités, cela permet d'inculquer une puissante peur de la mort parmi la population, qui leur fait redécouvrir la valeur de la vie et les éloigne donc des futilités et de la délinquance.
L'Ikigami, ou Préavis de mort, est le nom qu'on donne au document qu'un fonctionnaire remet à un de ces jeunes condamnés 24h avant son décès, afin qu'il puisse profiter de son dernier jour pour s'organiser, faire ses adieux et boucler ses affaires avant le grand départ.
La narration du manga est de type "tranches de vie". On a un héros, Fujimoto, qui exerce le job de livreur d'Ikigamis. C'est lui qui délivre la mauvaise nouvelle au condamné, et qui l'accompagne pour arriver à encaisser le coup initial et pouvoir profiter correctement de son dernier jour. En parallèle à la progression de Fujimoto, on découvre les histoires des condamnés à mort qu'il rencontre : leur vie passée, leurs soucis quotidiens, leurs appréhensions pour l'avenir, et leurs réactions devant l'annonce de leur mort programmée.
Pour le coup c'est une narration franchement maline puisqu'elle nous permet de comprendre mieux les enjeux politiques et sociaux de la loi (ainsi que la façon dont des administrations se sont organisées autour) à travers les yeux et les actes de Fujimoto, et en parallèle de voir concrètement les ravages -et parfois, les bienfaits- que la loi fait sur les futurs des jeunes condamnés et de leurs proches.
Autant le concept m'a paru au début un peu absurde. J'ai vraiment du mal à paner pourquoi aussi peu de monde se lève contre cette loi dans le japon du manga, une majorité de la population semble même croire que c'est une bonne chose. D'un autre côté l'éducation bourre le crâne sur le bienfondé de la mesure et punit sévèrement ceux qui la critiquent en public, mais un totalitarisme pareil qui ne fait aucun (ou très très peu) remou ça me titille un peu dans le fond de l'intestin grêle. Surtout qu'à part cette loi, c'est un japon tout à fait japonais qui correspond à notre réalité (en tout cas, rien dans les premiers tomes ne suggère le contraire)
Mais si vous arrivez à mettre de côté le scepticisme sur les settings un peu douteux du manga, ou que vous n'en voyez aucun, les histoires courtes des condamnés à mort vous plairont surement pour leur sincérité, leurs petites morales peu convenues, leur cruauté vache ou parfois, tout simplement leur beauté.
Eh oui avec ce concept on peut pondre de belles petites histoires qui finissent bien, qui ont une aura de conte de fée tout en s'ancrant férocement malgré tout dans la réalité. L'auteur arrive à émouvoir. Ça peut arracher des larmichettes et tout si vous êtes du genre grosse tapette qui pleure devant le Titanic (j'ai connu une grosse tapette de ce genre là, elle était dans mon miroir)
Je recommande aux fans de seinens sentimentaux, ou tout simplement d'oeuvres dramas bien orchestrées. Une vision de la nature humaine nuancée et bien mise en scène.
Les gens qui veulent de la critique sociale trouveront p-e leur compte, perso j'ai pour l'instant pas trouvé l'"oeuvre d'anticipation" qu'on m'avait annoncé au dos du bouquin. Le système est imaginé avec un souci du détail très intéressant mais rarement mis à l'épreuve de la critique, c'est ce qui fait que le lecteur vient à se demander "mais pourquoi ils acceptent ça ?"... parce qu'aucune instance politique ne répond de manière satisfaisante à la question.
Mais j'en suis qu'aux 10 premiers tomes, ça va p-e se raffiner plus tard.
Dans tous les cas c'est un manga profond et j'ai l'impression un peu amère d'avoir juste effleuré sa surface et de pas lui faire honneur avec ce texte. En tout cas, ce manga, "on aime ou on aime pas", mais on reste pas indifférent.
Je sais pas si quelqu'un avait déjà parlé de ce manga ici avant moi, mais si c'est le cas ça fait pas de mal d'avoir plusieurs avis.