C'est peu dire que j'attendais le film comme un messie, admirant la filmographie de Snyder (un pur formaliste), vénérant le comic Dark Knight Returns, et considérant Man of Steel comme le meilleur film de super-héros sorti au cours de la dernière décennie. Ce qui me fait mal, c'est que finalement, les inquiets avaient bien raison, le film ploie sous l'ampleur de ce qu'il a à raconter, pèle mêle : des histoires de références chez DC Comics, les suites de Man of Steel et la construction d'un univers filmique. C'était sans doute trop et il aurait fallu un scénariste, un monteur et un réalisateur de génie pour arriver à mener à bien cette tâche.
En fait, je pense que la forme sous laquelle beaucoup ont choisi de présenter leur critique avec les points positifs d'un côté et les points négatifs de l'autre est assez révélatrice, le film accumulant les bons points, notamment dans sa première partie, et les mauvais incontestables, avec parfois des scènes étranges mélangeant les deux comme celle du cauchemar.
Au niveau du tout bon, il y a les acteurs et leurs personnages, tous qu'ils soient des personnages majeurs et mineurs comme quoi cette espèce de branlette qu'on a, à chaque fois qu'un acteur est désigné pour un rôle, c'est vraiment ridicule, on devrait bien plus s'inquiéter quant au studio et à l'équipe artistique et technique qu'il met en place. Ben Affelck est Batman, un personnage fidèle à celui des comics qui réussit à unir le côté créature de film d'horreur qu'on avait chez Burton (la première scène avec les flics filmé comme un film de bogeyman est révélatrice) et celui d'artiste martial brutal des films de Nolan, le tout en nettement mieux filmé en ce qui concerne les scènes de combat que les deux précédents. Cavill est à la hauteur, avec ce côté de plus en plus désillusionné
qui annonce son sacrifice final
alors qu'il respire la confiance en lui en début de métrage. Jesse Eisenberg nous offre le meilleur Luthor qu'on ait eu sur grand écran, un psychopathe génial osant narguer dieux et démons malgré sa vulnérabilité humaine. Au niveau des personnages féminins qui occupent tous les seconds rôles, le contrat est rempli, Lois Lane est fidèle à son personnage, à la fois damoiselle en détresse et femme d'action, le peu de scènes accordées à Gail Gado campe un personnage assez intéressant d'immortelle guerrière, à la fois plus sage que tous les autres protagonistes et capable d'un sourire mutin et juvénile quand elle est confrontée à un défi insurmontable.
Les idées de base du script sont donc bonnes et c'est sans doute le film de super-héros le plus adulte qu'on ait vu dans ses thématiques et même dans son déroulement :
l'attentat suicide qui massacre une partie des personnages secondaires de manière incroyablement abrupte est quand même très osé
. Ce sont les détails qui gâchent l'ensemble, Comme souvent, dans le cinéma hollywoodien de ces dernières années, il y a un paquet de maladresses, que ce soit d'ailleurs survenu au niveau du script ou au niveau du montage. Le plan de Luthor et ses motivations restent trop nébuleux, le combat entre Batman et Superman qui aurait du être le point pivot du métrage est trop court et leur réconciliation trop rapide alors que l'idée est vraiment bonne à la base. Du côté des longueurs inutiles, le teaser des différents héros DC est presque honteux (en particulier celui sur Cyborg), la scène du cauchemar
et surtout de l'intervention de Flash qui pourtant la justifie puisqu'en ayant la possibilité de voyager dans le temps, il peut prévenir Batman du danger imminent
est quand même sacrément impromptue, ils auraient du d'ailleurs foutre cette scène en post générique façon Marvel, ça aurait passé crème. Le dernier acte cumule pas mal les problèmes soulevés, d'un côté, on a une baston ultra générique et rendu parfois peu lisible juste à cause d'un effet visuel en trop
(les projections d'énergie de Doomsday) et on a le sacrifice de Superman qui honnêtement m'a surpris, je ne pensais vraiment pas qu'ils iraient jusque là même si ça peut faire une superbe motivation pour rassembler la Justice League dans le but de le remplacer de de lui faire honneur et sans doute de l'affronter pour le ramener du bon côté.
Couillu mais sans doute de trop dans un métrage qui accumule déjà trop de références.
En définitive, j'ai encore du mal à savoir si le film est un splendide ratage ou une grande œuvre malade. En tout cas, c'est clairement l'inverse de tout ce que Marvel a proposé ces dernières années en terme d'ambiance et de prises de risques, les critiques sur la manque de second degré et d'humour sont pour le coup totalement stupides.
3/6