Livres Hebdo, 80 pages par semaine, n’est pas un magazine professionnel tout à fait comme les autres. Surtout connu pour ses classements des ventes, il proposait aussi un traitement journalistique de ce milieu, à l'instar de la récente protestation contre Hachette des librairies belges.Surtout, le magazine constituait depuis longtemps la seule passerelle de transmission d'informations entre éditeurs, libraires et bibliothécaires. "S'il n'y a plus de rédacteurs qui se consacrent à la librairie et aux bibliothèques, comment les professionnels trouveront-ils de l'information de qualité dans le journal ?", s’interroge un bibliothécaire ayant signé la pétition mise en ligne par les journalistes. "Livres Hebdo est une source majeure pour la connaissance des actualités du monde du livre, et un des rares endroits qui publie des informations sur les bibliothèques", s’inquiète un autre.Les journalistes rencontrés par Arrêt sur images décrivent aussi un problème plus général, celui du Cercle de la librairie, l’entité qui chapeaute Electre. Créé il y a plus de 150 ans, il rassemblait par cooptation des professionnels des mondes de la reliure, de l’édition, de la librairie et de l’imprimerie pour des actions communes de lobbying réglementaire. Rapidement, il compte plusieurs centaines de membres, publie des ouvrages et propose surtout des services liés aux renseignements bibliographiques sur les ouvrages disponibles. Signe de sa réussite, ce cercle interprofessionnel s’offre un siège dessiné par Charles Garnier (de l'Opéra) sur le boulevard Saint-Germain. Ce bâtiment historique est toujours nommé Cercle de la librairie alors qu’il a été vendu dans les années 1980 (il est désormais occupé par l’école de journalisme de Sciences po Paris), suite à une première crise économique de ses activités commerciales. La cession, qui s’accompagne d’une indépendance plus nette par rapport au syndicat national de l’édition qui avait quasiment phagocyté l’institution censée être interprofessionnelle, permet de financer des investissements importants.En 1979, ses membres décident la création de Livres Hebdo. Il remplace le bien moins journalistique Bibliographie de France, qui se contentait de reproduire les notices bibliographiques des ouvrages nouvellement parus. Le Cercle parvient aussi à créer en 1986, après une genèse longue et douloureuse, la base de données bibliographique Electre, toujours une référence à ce jour. Les informations transmises par les éditeurs sur leurs nouveaux ouvrages sont remises en forme et rectifiées en cas d'erreur, permettant aux abonnés d'Electre d'avoir accès facilement et de manière fiable à la couverture, au titre, à l'auteur, à l'année de parution, à l'éditeur, au distributeur, au numéro ISBN et aux catégories de classement en bibliothèque, entre autres. En 1986 naît également le système d’achat destiné à relier libraires et éditeurs, nommé Electre transmission (renommé Dilicom et devenu entité autonome en 1988). "La partie commerciale du Cercle se redresse, et connaît une période de prospérité jusqu’au milieu des années 2000", rappelle le journaliste et chef des informations de Livres Hebdo, Hervé Hugueny, licencié lui aussi. cet âge d’or s’interrompt en 2008, lorsque le président Jean-Marie Doublet est évincé par le conseil d’administration à un an de la retraite."Une des raisons du conflit est qu’il voulait essayer de convaincre, sinon d’obliger, les éditeurs à payer pour l’usage de la base Electre, car il y a un gros travail de remise en forme des métadonnées qu’ils envoient, or le prix en est très majoritairement supporté par les bibliothèques et les libraires", détaille Hugueny. "Chez les éditeurs, il y a un sentiment de propriété du Cercle, que les libraires ont déserté par lassitude. Cette situation correspond d’ailleurs à l’état du pouvoir dans la chaîne du livre…"De nouvelles bases de données moins complètes entrent en concurrence avec Electre, qui perd de nombreux clients. Ces bases sont gratuites, comme celle de la BNF, ou moins chères comme la base ORB de Decitre interactive. La base ORB fera d'ailleurs l'objet d'un contrat de quelques années avec Amazon, qui possède désormais près de 20 % du marché de la vente de livres en France : grâce à Decitre interactive, le géant du e-commerce pourra ensuite prendre son indépendance avec une base de données interne. Aujourd’hui, le Cercle de la librairie est dominé de la tête et des épaules par les dirigeants des plus grands éditeurs, progressivement devenus des géants par rapport aux autres maisons d’édition, suite aux nombreux rachats réalisés entre concurrents ces 30 dernières années. "Il y a un énorme conflit d’intérêts", estime Viellard."Le Cercle de la librairie est une coquille vide", résume un éditeur membre de l’institution, joint par ASI, qui préfère rester anonyme. "Les grands groupes en ont besoin, mais en même temps, ils ont perdu l’habitude de collaborer avec l’apparition des difficultés. Les patrons se neutralisent mutuellement alors qu’historiquement, ce sont toujours les maisons d’édition les plus importantes qui ont été motrices des organismes interprofessionnels."
A la bibliothèque Saint-Serge d’Angers, un mercredi soir de mars avant le confinement, une quinzaine d’étudiants étaient assis en cercle sur des couvertures. Nova, une chienne Cavalier King Charles noire fait le tour de chacun, comme pour dire bonjour. « Vas-y, donne-nous ton dos », lance une douce voix féminine à Heaven, l’un des deux Golden Retriever également invités en vedettes. Quatre mains caressent sa robe dorée. « Voir des chiens à la BU me fait vraiment du bien », assure Louise, étudiante en deuxième année de médecine, le visage barré par de grosses lunettes rondes. « Ça me change les idées, ça m’apaise. Je vais repartir en me disant : en fait, c’était une bonne journée. » « S’occuper d’un animal est une thérapie hors pair pour s’évader et se retrouver soi-même », confirme Myriam, avant d’ajouter : « Malheureusement quand on est étudiant, on a rarement la possibilité d’en accueillir un chez soi… Ces ateliers sont donc un bon palliatif. » Ces dernières années, toutes les bibliothèques universitaires, en France comme à l’étranger, rivalisent d’idées pour améliorer « l’expérience utilisateur ». Et cela passe d’abord par une reconfiguration complète de leurs espaces. « Pour répondre aux différents besoins des usagers, on se doit de proposer à la fois des zones silencieuses, des salles de travail en groupe et des coins autres pour téléphoner, boire, manger ou même dormir », énumère Frédéric Saby.En 2017, la bibliothèque santé de l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne a inauguré une salle de sieste de 40 m2 avec tipis, matelas et tapis colorés pour permettre à ses étudiants en médecine de se reposer.Les offres proposées aux étudiants et aux enseignants-chercheurs se sont étoffées. « Dans les bibliothèques de l’université de Paris, on met désormais gratuitement à disposition des ordinateurs portables, des casques antibruit, des clés USB, des antivols de vélo et même, sur deux de nos 22 sites, du matériel de production vidéo », se félicite Amélie Morin-Fontaine, chargée de communication à la direction des bibliothèques d’universités de Paris, qui mise aussi sur l’ouverture à d’autres services : « Pour faciliter la vie des étudiants et les toucher en plus grand nombre, le pôle d’orientation et de professionnalisation organise aussi des permanences dans nos murs. »Développer des lieux hybrides, studieux et conviviaux, des tiers-lieux inspirés des home-like libraries, ces bibliothèques « comme à la maison » répandues dans les pays anglo-saxons et nordiques, c’est le pari que commencent à faire les universités françaises. A l’image de Lille qui a inauguré, en septembre 2016, un learning center futuriste baptisé Lilliad. A l’intérieur, un café, un espace événementiel, un lieu expérimental valorisant la recherche à l’université et une bibliothèque dotée de plus de 50 salles de travail en groupe. Montant du projet : 30 millions d’euros.