Il était plus que temps. Au fur et à mesure que je m’impliques dans les films, une étincelle m’a parcouru : étant sur un forum sur un dessin animé japonais, évoquons des films japonais. La logique a encore fait ses preuves. On va commencer par le plus connu de tous :
Akira Kurosawa.
Je me rappelle que c’est parfois en fouillant les tiroirs qu’on tombe sur des trucs dingues:une vieille carte Yu-Gi-Oh! qu’on cherchait désespérément, un souvenir d’enfance. Parfois, c’est un DVD. Là c’est un DVD issu d’une collection concoctée par le journal Le Monde. Au milieu de films essentiellement en noir et blanc et ne dépassant pas les années 50, se trouve un des plus célèbres d’un réalisateur plus méconnu qu’on ne le pense.
Je mets le DVD dans le lecteur. Bim, pas grand-chose au niveau du menu. La version japonaise sous-titrée semble être toute seule. Bon d’accord. Je suis parti pour deux heures trente (je ne me rendais pas vraiment compte des histoires de version intégrale, plus ou moins longue et autres) de samouraïs, de regarder l’original d’un western que j’avais regardé plus tôt. En tout cas, ça s’installe bien et je retiens déjà le personnage du sage joué par
Takashi Shimura, qui sera un des acteurs attitrés du maître. Le premier vrai contact sera avec
Godzilla (la version de 1954, culte comme c’est pas permis), puis de nouveau avec la rétrospective dont je vais parler. Mais je raconterai les premières fois avec un acteur une autre fois. Pour l’heure, parlons de films japonais.
Aujourd’hui, parlons de films japonais. Je vais essayer d’éviter de parler du réalisateur étant donné que même si c’est encore celui qui sait ce qui se passe sur un plateau, sachons nous rappeler l’existence de scénaristes, chef-opérateurs, compositeurs et… non, je déconnes. En fait, c’était juste pour passer sous les radars de "Louis Skorecki", critique de cinéma prêt à sortir la mitrailleuse chaque fois qu’on parle plus du réalisateur que des films (comme si lui en parlait, avec des papiers en forme de dialogues artificiels qui cachent le rien). Et comme d’habitude, partout des nains, quelques géants. Et un en or. Massif.
Cette année, 12 films ont été projetés, 11 se présentèrent à mes yeux. Oui, je sais, négligence, cinéphilie en bois, bouh. Que voulez-vous. Toujours est-il que le peu que j’ai vu m’a ébloui sur cet homme.
Akira Kurosawa est ce géant en or. Une place dans le panthéon officiel du cinéma qu’il n’a jamais volée, même avec Shakespeare. Ce sont des expériences que je tiens à vous faire partager. Si c'est du hisptering, je veux bien être fusillé.
Mettez vous en kimono, en bandana et en tailleur et lisez à l’état zen. Même si vous verrez un un deux intrus.
Akira Kurosawa -
Qui Marche sur la Queue du Tigre (1945).
Paf, premier film dans la chronologie et première collaboration avec Takashi Shimura. Ce film-là se passe au Moyen-Age et raconte une terrible épreuve que doit passer un prince local et son escorte. En effet, un poste frontière fermement dirigé a reçu ordre d’arrêter le dit prince car son ennemi tient la région. Tout ça rythmé par les clowneries d’un colporteur.
Ça ne dure que cinquante minutes, mais j’avoue avoir eu du mal avec ce film. Surtout avec ce colporteur dont le maniéré me faisait tout juste sourire. Mais un sidekick ça peut se trouver, et je l'orienterai plutôt (
@Max,
@Sergorn aussi ). Pour le reste, il arrive bien pour servir la tension car jamais un film n’aura aussi bien porté son titre.
Akira Kurosawa –
Les Bas-Fonds (1957).
Parmi les films japonais vus récemment, c’est celui où je me suis le plus ennuyé. Le quotidien de déshérités et de malchanceux dans un vrai trou est assez dur à voir. Même la présence d’un vieillard qui prend la vie du bon côté ne rassure pas trop quand on a en tête un autre film (ça, on en reparlera). Immondices, espoir et le reste. Rien n’est épargné. Un très beau film, mais personnellement, je n’en fais pas mon pain quotidien. Je vous le laisse à votre jugement.
Seijun Suzuki –
La Jeunesse de la Bête (1963).
Nondidiou, un intrus. Et avec un sacré twist. Quand je vous ai dit que je parlerai surtout de films japonais. Quoiqu’il en soit, une sacrée curiosité dans le genre film yakuza.
Akira Kurosawa –
Les Salauds dorment en paix (1960).
Le VRP le plus émérite d’une entreprise se marie avec la fille de son directeur. Problème : une pièce montée de plus a été livrée avec un message funeste.
Excellent, un de ceux que j’ai préféré dans la rétrospective sur Akira Kurosawa. Là, on a affaire à des intrigues de famille, la vengeance et des scènes hallucinantes. J’y ai presque vu le conditionnement de l’homme. C’est vraiment terrifiant, et le rythme est parfait. Rebondissements, trahisons, suspense, tout passe.
Cette version restaurée est d’ailleurs du plus bel effet, mais si les Japonais sont des impropres notoires quand il s’agit de conserver les films.
A voir, et je le recommanderai surtout
@BigFire ,
@Alaiya ,
@black dragon,
@Max et aussi
@Kodeni Akira Kurosawa –
Entre le Ciel et l’Enfer (1963).
A peu près dans le même registre. Mais la dernière partie est un peu plus vicieuse, à dire vrai. Cet après midi, j’étais retombé sur un post sur un forum vantant le Japon n’ayant pas de problèmes sociaux. Et ben ce film n’aide pas à y croire encore.
Voir un directeur d’une compagnie de chaussures être pris le couteau sous la gorge avec un enfant qui n’est même pas le sien en dit long sur les contradictions entre l’honneur et la vie des autres gens. Il faut du temps pour comprendre le sens du titre. Une fois ceci fait, ça renforce le film. Ajoutez à ça l’enquête et l’antagoniste, et c’est tout bon. J'ai bien sûr pensé à
@Cedde,
@Damien et ceux qui aiment être mené dans le suffoquant et le palpitant.
Akira Kurosawa –
Vivre dans la Peur (1955).
Celui-là était bien brûlant en son temps. Suffit de regarder la date de sortie : sept ans après le bombardement nucléaire du mois d’août 1945. Les stigmates font mal au Japon et le vieil homme qui songe même à aller au Brésil pour échapper à la Troisième Guerre Mondiale a mal aussi.
En fait, Kurosawa montre une société déboussolée lorsqu’elle s’attache trop à un socle, à quelque chose, au point de vivre à son crochet.
Ici, Shimura ne prend pas d’importance au début, mais vers le milieu, la performance sera vraiment impressionnante. Pareil pour l’autre acteur fétiche :
Toshiro Mifune. Une véritable institution, celui-là. Et dans ce film, il est méconnaissable à tout point de vue. Maigre, décharné et anxiogène au-delà du raisonnable. Christian Bale peut aller se rhabiller.
Akira Kurosawa –
Dodes’Ka Den (1970).
Celui que j’ai raté. Et le pire c’est qu’il y avait une séance de rattrapage le samedi suivant. Tant pis, si la télé est frappée d’esprit et d’intelligence-on peut rêver- elle diffusera ce film. Après, n’ayant pas accroché aux bas fonds, on a beau me dire que c’est LUI le chef d’œuvre de Kurosawa et un de ceux de la planète, ben… on verra.
Peut-être,
@Oiseau Vermillon ?
Akira Kurosawa –
Le Chateau de l’Araignée (1957).
J’en avais déjà parlé, mais je redis que c’est très réussi et, je pense, une très bonne porte d’entrée quand on veut insister sur le réalisateur. Et puis de toutes façon, un excellent film. Pour tout le monde.
Akira Kurosawa –
Je ne Regrette rien de ma Jeunesse (1946).
Ah ça, pour ne rien regretter, il en faut dans le froc. Et le personnage, étudiant anti-militariste et pour la liberté d’expression, en a fait son commandement. Chose qu’une camarade un peu trop couvée et frivole devra apprendre, surtout dans la rude campagne dans le nord du pays.
J’avais trouvé ce film un peu plus difficile mais le dernier tiers est vraiment génial. Si vous voulez voir une femme forte, c’est le genre de films qu’il faut regarder ne serai-ce qu’au Japon.
Kenji Mizoguchi –
Conte des Chrysanthèmes tardifs (1939).
L’autre intrus. Mais je tenais à en parler car le visionnage remonte avant la rétrospective sur Kurosawa. J'en avais parlé
@Mysthe mais là, c'est peut-être trop ancien pour le coup.
Akira Kurosawa –
Yojimbo (1961).
Pour une Poignée de Dollars avant. Point barre.
@Wolgy, si tu me lis.
Akira Kurosawa –
Kagemusha (1980).
Quand vous êtes un vagabond promis à la peine de mort et que vous pouvez remplacer le seigneur un moment, avouez qu’il faudrait être le dernier des cons pour préférer la croix. C’est ce qui arrive à au Kagemusha chargé de servir de doublure. On devient alors l’ombre de Shingen Takeda, maître du clan. Après, ce n’est pas le tout de ressemble au modèle à tel point qu’on s’y tromperait. Il faut savoir aussi faire illusion, car le Conseil du seigneur est sur les dents : jusqu’au le stratagème pourra fonctionner avec les dissensions, les ruses ennemies et la terreur qui pèse sur le Kagemusha.
On a parfois accusé ce film d’être du Shakespeare en toc, les scènes de batailles d’être interminables ou inutiles. Mais ça, c’est seulement si un témoin n’était pas là pour les observer. Regardez toute la scène du siège d’une forteresse. Le Seigneur Shingen permuté se tient, il hésite, regarde autour de lui. Il est tantôt admiratif tantôt impuissant. Regardez-le, et vous verrez. Surtout
@Oiseau Vermillon,
@cacaman,
@AZB et ceux qui aiment le destin lourd sur les épaules.
Akira Kurosawa –
Les Sept Samouraïs (1954).
Là, j’ai pu le regarder dans sa version longue. Et je crois que c’est le film des onze que j’ai pu voir qui s’adresse à vous tous. Oui, oui : tout le monde peut regarder et apprécier Les Sept Samouraïs. Mais pas question de le regarder dans sa version tronquée pour l’export même si cela lui a ouvert les portes du succès international.
En effet, le récit prend une autre ampleur : les villageois sont dépeins d’une manière différente. Alors certes, ça diminue leur détresse face aux pillards lorsqu’ils engagent sept samouraïs. D'ailleurs, un des acteurs joue un villageois peureux qui contraste avec son rôle postérieur dans
Les Bas-fonds. Mais heureusement, certains personnages gagnent en épaisseur. Celui qui en avait bien besoin est Kakutshiro Okamoto, le jeune samouraï désireux d’en apprendre toujours plus. Sa relation avec les autres, surtout Kanbei et les villageois, est bien mieux montrée. Y compris avec Kikyouchi.
Ah,
Toshiro Mifune… Au départ, il ne devait y avoir que six Samouraïs, et l’acteur suggéra de rajouter un alcoolique car sinon, ce serait trop chiant. Un don du ciel !! Voilà un personnage qui vous fera aimer vraiment les comiques de service. On le savait à l’affiche japonaise d’époque, c’est lui la vraie star du film. Il s’énerve contre les faux semblants, on prend le temps de comprendre et d’apprécier ce personnage. Il roule des yeux, fait le clown en supervisant l’entraînement des villageois ou arrive à vraiment donner l’impression d’être bourré. Bref, assure un max.
Quant au reste, vous avez développement, patience et surtout quota d’épicness qui explose le compteur. Surtout lors des batailles. Le tournage ne fut pas de tout repos : budget qui explose, soucis du détail qui commence à irriter les collaborateurs, et bien sûr l’inévitable temps pourri qui éprouve les acteurs dans le froid, la pluie et le vent. En plus, le décor du village ayant été construit selon la méthode de l’époque, ça aide pas. Et je ne parlerai même pas des autres scènes d’affrontement tournées par trois caméras en même temps. Tout ça pour une réussite.
Alors oui, le grand classique, blablabla. Mais croyez-moi, le connaître c’est déjà pas mal.
Akira Kurosawa –
Ran (1985).
Alors là, si voulez de l’épique, gare à bien ménager votre estomac. Parce que le film étant adapté directement de Shakespeare, les scènes de bataille intense, les retournements de situation, les apparitions incroyables de personnages vont cous assaillir de toutes.
@Sergorn a eu le temps d'être ébloui, alors pourquoi pas
@AZB,
@Anubis,
@Numby des Poissons ou encore
@Wild Pegasus et autres. Jetez vous sur des 2h42 qui ne seront jamais perdu.
Ça commence par trois frères, ça se met à se méfier les uns des autres. Les quiproquos des uns et les manigances des autres feront le reste. Tchac, Boum, Pan-pan-pan (ben oui, déjà les fusils à l’époque), Plant, couic (bon dieu, ce rouge). Et puis surtout, des dizaines de minutes à regarder, hagard, les va et viens entre les escarmouches entre les héritiers et l’errance d’un vieil homme. Bien que la présence de son bouffon ne soit pas vraiment nécessaire. Pas plus que certaines parties de chant soudaines.
Pour le reste, Kurosawa peut remercier Coppola et Lucas de l’avoir sorti de l’enfer de développement. Les années 50-60 furent fastes, je vous ai parlé des années 80. Perso, je pioche un peu à droite et à gauche. Ceux que j’ai aimé le plus, ce sont ceux-là :
Le Château de l’Araignée.
Les Salauds Dorment en Paix.
Les Sept Samouraïs.
Ran.
N’hésitez pas à parler de Kurosawa, vos expériences éventuelles avec ce réalisateur. Ou même, soyons fous, avec les deux intrus dont j’ai brièvement parlé. A bientôt pour la deuxième partie, que cette fois, je vous narrerai au fur et à mesure. En attendant, j’ai les gros biceps d’Eric Adams (Manowar) qui m’attendent.