A une vingtaine de kilomètres de la réserve, Alain Baudouin, un éleveur de 55 ans, dont une trentaine d’années dans le Vercors, ne comprend pas. Pourquoi créer un sanctuaire ici ? Pourquoi ne pas faire confiance aux « autochtones » pour protéger ces espaces ? « Pendant 50 000 ans, les aborigènes d’Australie ont vécu en symbiose avec la nature, dit-il. Puis ils ont subi les décisions de gens venus d’ailleurs. Dans le Vercors, le pastoralisme existe depuis plus de 7 000 ans. Nous avons su nous adapter aux hommes, aux maladies et aux virus, tout en nourrissant la population et en favorisant cette biodiversité, puisque c’est le mot à la mode. Aujourd’hui, la société fait la même chose aux ruraux, aux bergers et aux éleveurs de montagne que ce que les colons ont fait en Australie. »Alain Baudouin garde des brebis depuis l’âge de 7 ans. A Combovin, il a aujourd’hui un troupeau de 300 bêtes. Il en a réduit la taille ces dernières années pour s’adapter à la sécheresse – il ne pouvait plus nourrir davantage d’animaux. Il assure n’avoir jamais utilisé ni engrais chimique ni pesticide et pratique la vente directe. Valéry Vassal, lui, produit 250 000 litres de lait bio par an, qu’il vend à une coopérative du Vercors. Deux hectares par vache, jamais de désherbant ni de labour, des haies et des bosquets dans ses prairies… « Ce qui me fait râler, c’est qu’on n’arrive pas à récupérer ces terres pour l’agriculture, explique-t-il. J’aurais bien aimé racheter une partie du bois : un agriculteur qui fait du bois de chauffage, il gagne sa vie avec ça. Ce combat, c’est pour mes trois enfants. Qui va rester vivre dans le Vercors ? »Pour ces éleveurs, l’Aspas se trompe de combat. Pourquoi acheter des sites du Vercors et non pas des friches industrielles pour empêcher davantage d’artificialisation des terres ou d’étalement urbain ?