L'amiante c'est pas grave, c'est minéral, c'est inerte et inoffensif tant qu'on n'en respire pas les poussières. Mais "le reste", oui on peut craindre.
La gestion de l’eau en France est inadaptée à la raréfaction de la ressource, selon la Cour des comptesMartine ValoDans leur rapport annuel, les magistrats de la rue Cambon soulignent la multiplicité des acteurs impliqués et une organisation « inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative ».« L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. » Avec ce rappel du code de l’environnement en guise d’introduction, la Cour des comptes donne le ton du chapitre de son rapport annuel, publié vendredi 10 mars, consacré au sujet : grave et critique. La législation précise aussi que « la protection, la mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général ».Pourtant la France ne respecte pas ses propres principes à l’égard de la ressource hydrique, et n’atteint pas non plus le « bon état » qu’impose une directive-cadre européenne : 56 % de ses masses d’eau de surface et 33 % des souterraines en sont loin. Sa politique se révèle illisible par la multiplicité des acteurs, trop complexe, changeante en raison d’une « instabilité législative », selon la Cour. Elle manque de cohérence et se révèle même « contradictoire », jusqu’au niveau du gouvernement, où s’opposent les attentes des ministres de l’environnement, de l’agriculture, de la santé, de l’industrie et de l’énergie.« D’ores et déjà, sur une partie croissante du territoire, la consommation liée aux différents usages excède, sur des périodes de l’année de plus en plus longues, la capacité des milieux à fournir de l’eau », soulignent les magistrats. C’est désormais « une préoccupation majeure », en France. Pas moins de treize chambres régionales des comptes se sont attelées au rapport. Aussi émaillent-elles leur texte de nombreux exemples territoriaux – comme ces arrêtés de restriction différents pris par deux préfets de deux départements contigus au sujet d’un même cours d’eau. Elles concluent à une « organisation inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de l’eau », comme l’indique le titre de leur analyse.La politique nationale de l’eau repose sur une approche par bassins hydrographiques – il en existe sept en métropole, y compris la Corse, auxquels il faut ajouter ceux des outre-mer. De tailles très variables, certains sont à cheval sur plusieurs régions. Cette organisation, qui date des années 1960, paraît « cohérente avec la réalité physique et géographique », mais elle ne correspond « à aucun découpage administratif du pays ». Or tout s’est complexifié lorsqu’il est apparu que la ressource disponible devenait plus rare, à la fois en raison du changement climatique, des déséquilibres entre les prélèvements et les réserves, mais aussi à cause de pollutions diffuses (qui affectent 43,3 % des masses d’eau de surface).Zones humides dégradéesLe temps où les collectivités locales pouvaient se contenter de veiller à l’approvisionnement de leurs administrés en eau potable et à l’assainissement est terminé, expliquent en substance les magistrats. Il faut désormais prendre en compte la totalité du cycle de l’eau, ce qui englobe des missions essentielles comme la prévention des inondations et des risques de submersion marine, le maintien des écosystèmes, et la « gestion équilibrée et durable de la ressource ». Voilà qui comprend nécessairement la répartition et l’arbitrage entre les différents usagers, dont les écosystèmes.Le rapport cite non seulement quelques chiffres sur la consommation des Français, mais aussi ce qui malmène les milieux naturels et qui entrave par conséquent le bon fonctionnement du cycle de l’eau. Ainsi l’infiltration des pluies nécessaire à la recharge des nappes souterraines est freinée par l’artificialisation des sols (+ 12 % entre 2006 et 2014). Autre exemple : 58 % des zones humides sont dégradées. En 2020, 21 % des 1 372 espèces aquatiques s’étaient éteintes ou étaient menacées.Prendre le problème à bras-le-corps demanderait une volonté politique et une réelle coordination. Récemment le législateur a plusieurs fois fait évoluer les attributions des compétences entre de nombreux acteurs : commissions locales sur l’eau, établissements publics, syndicats intercommunaux, Office français de la biodiversité, agences de l’eau, administrations de l’Etat…Les magistrats épinglent au passage les « projets de territoire de gestion de l’eau », ces nouveaux venus dans l’architecture foisonnante du secteur qui n’ont pas d’« existence légale ou réglementaire ». Mieux vaudrait généraliser les schémas d’aménagement et de gestion des eaux à l’ensemble des sous-bassins hydrographiques, selon la Cour. Elle regrette que les départements n’aient plus voix au chapitre et note l’absence de chef de file identifié. La gouvernance de l’eau, estiment les magistrats, est un exemple de « décentralisation inachevée, confiant des responsabilités importantes aux collectivités locales, conjuguées à une intervention permanente de l’Etat qui manque de cohérence ».
Controverse sur la communication souterraine dans les forêtsBiologie Une étude remet en cause le rôle joué par des réseaux mêlant des champignons filamentaires et les racines des arbresHervé MorinSi vous pensez que les forêts sont parcourues de réseaux souterrains permettant aux arbres d’alimenter leurs jeunes descendants ou de les alerter en cas d’attaque de ravageurs, vous avez probablement été induit en erreur par des vulgarisateurs mal avisés, ou des scientifiques trop enthousiastes. C’est la conclusion d’une étude publiée dans Nature Ecology & Evolution le 13 février, dans laquelle sont examinées plusieurs affirmations souvent médiatisées concernant les réseaux de mycorhizes, résultats de l’association symbiotique entre des champignons filamentaires et les racines des arbres.L’existence de ces mycorhizes, qui permettent aux champignons de bénéficier des sucres produits par les arbres en échange de l’eau et des minéraux qu’ils contribuent à puiser dans le sol, n’est pas remise en cause par Justine Karst (université de l’Alberta, Edmonton), Melanie Jones (université de Colombie-Britannique) et Jason Hoeksema (université du Mississippi). Ce que ces chercheurs ont voulu vérifier, c’est l’existence d’autres fonctions supposément remplies par ces réseaux souterrains.Absence de preuvesAprès avoir épluché la littérature scientifique, ils estiment que leur étendue réelle est mal documentée sur le terrain et que certains rôles qui leur sont attribués, notamment en termes d’entraide aux jeunes pousses, sont « insuffisamment étayés » – les preuves pouvant même être carrément absentes.Justine Karst et ses collègues estiment qu’au fil du temps les scientifiques ont montré un regard de plus en plus biaisé sur ces études, tendant à « surestimer les résultats et à ignorer les facteurs confondants de façon à promouvoir les effets bénéfiques de ces réseaux dans les forêts » .Cette idée selon laquelle les arbres – y compris d’espèces différentes – pourraient communiquer entre eux et mutualiser des ressources de façon souterraine s’enracine notamment dans une étude publiée par le journal Nature en 1997, et présentée en « une » sous le titre « Wood-Wide-Web ». A l’aide de marqueurs radioactifs, Suzanne Simard, professeure d’écologie forestière à l’université de Colombie-Britannique, montrait pour la première fois de façon contrôlée sur le terrain des transferts de carbone bidirectionnels entre bouleaux et sapins de Douglas, susceptibles de bénéficier aux arbustes dont les capacités de photosynthèse étaient amoindries par l’ombrage de leurs aînés.Depuis lors, la notion de coopération entre arbres – qui va à rebours de la vision darwinienne d’une compétition pour la lumière, l’eau et les nutriments – a fait florès. Elle est reprise dans des best-sellers comme La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben (Les Arènes, 2017), dans nombre de documentaires, ou des conférences TED, comme celle de Suzanne Simard, visionnée 5,5 millions de fois.Cette Canadienne est au centre des débats. Elle a lancé en 2015 le « Mother Tree Project » visant à étudier la façon dont les pins Douglas matures peuvent aider à régénérer les forêts exploitées pour leur bois ou attaquées par des ravageurs. Mais ses prises de position semblent l’avoir éloignée de certains scientifiques, dont Melanie Jones, qui avait cosigné l’étude de 1997. « C’est pénible à reconnaître, mais en préparant l’article de Nature Ecology & Evolution , tant Justine Karst, Jason Hoeksema que moi-même avons trouvé des cas où nous avions négligé des explications alternatives plausibles dans nos articles précédents » , précise-t-elle.Des « truands dans le réseau »Suzanne Simard n’a pas répondu à nos questions, mais a déclaré à plusieurs médias qu’elle maintenait ses résultats. Pour Marc-André Selosse (Muséum national d’histoire naturelle), spécialiste des relations entre champignons et végétaux, l’étude de Nature Ecology & Evolution va être reçue « avec soulagement » par la majorité de la communauté scientifique, de plus en plus agacée par le décalage entre une présentation de la forêt où régnerait l’entraide entre les arbres « et ce que nous y voyons réellement, mais aussi ce qu’on en ignore encore » .Pour autant, il redoute que le balancier n’aille trop loin dans l’autre sens, au point de nier l’importance des réseaux mycorhiziens. « Ils existent bel et bien et nous avons montré qu’ils peuvent véhiculer des molécules carbonées entre les arbres et des plantes qui n’ont pas la capacité de le produire, faute de système chlorophyllien, notamment certaines gentianes tropicales ou des orchidées forestières de chez nous. » Il évoque des « truands dans le réseau » , comme certaines plantes de sous-bois privées de lumière qui le détournent à leur profit. Mais aussi les difficultés méthodologiques inhérentes à ce type de recherche sur des filaments fongiques et racinaires éminemment fragiles. « L’histoire de ces réseaux est plus terne et moins certaine que ce qui a été raconté » , conclut Marc-André Selosse, mais elle n’en mérite pas moins d’être explorée, assure-t-il.