(Je précise que ce compte n'est pas le mien )
Peut-on être prostituée et contente de l’être ?Maïa MazauretteIl faudrait écouter sans se draper dans une position morale les travailleuses sexuelles se disant libres et heureuses, explique Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale ». Elles ne prétendent pas parler au nom de toutes, et leurs témoignages ne devraient pas être disqualifiés par avance.LE SEXE SELON MAÏA« Il suffit d’écouter les femmes », déclarait Simone Veil dans son discours du 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale. Elle défendait le droit à l’avortement. Elle a été écoutée. Et pourtant, un demi-siècle plus tard, cette question se pose et se repose encore, au sujet du voile, de l’homoparentalité, des violences : il y a des femmes qu’on écoute plus que d’autres.Sur la prostitution, la surdité atteint son maximum. A ma gauche, des militantes féministes qui veulent « écouter les survivantes ». A ma droite, des militantes féministes qui veulent « écouter les travailleuses ». Les deux camps avancent d’excellents arguments et une impressionnante batterie de chiffres. Les deux camps clament que les médias donnent la priorité aux « mauvais » témoins, donc aux mauvaises femmes. (Que voulez-vous, on fait tout de travers.)En ce mois d’octobre, l’actualité nous offre l’occasion d’explorer cette fracture : selon un rapport publié tout récemment par la Commission européenne (vous pouvez le consulter ici), 60 % du trafic d’êtres humains en Europe concerne le trafic sexuel. 92 % des victimes sont des femmes ou des filles. 23 % sont des enfants. Les esclaves sexuelles viennent en priorité du Nigeria, de Roumanie, du Royaume-Uni, d’Albanie, du Vietnam…, la liste est longue, les chiffres désespérants.Hasard du calendrier, deux essais viennent de sortir, évoquant des travailleuses sexuelles libres et heureuses. Balance ton corps par Bertoulle Beaurebec (La Musardine, 170 p., 17 euros), se veut un « manifeste pour le droit des femmes à disposer de leur corps ». L’Utile et l’Agréable, par Maïna Lecherbonnier (Ed. Blanche, 230 p., 19 euros) nous plonge dans des mémoires d’« escort girl ». Il y a un an, Emma Becker racontait dans La Maison son expérience dans un bordel berlinois (Flammarion, 2019), tandis que le « Putain de podcast » de Loubna donnait la parole à six travailleuses du sexe. Il faut encore ajouter à la liste un essai remarquablement bien documenté, qui paraîtra le 30 octobre : Vilaines Filles, par Pauline Verduzier (Anne Carrière, 220 p., 18 euros).Clivage entre réglementaristes et prohibitionnistesD’un extrême à l’autre, comment adopter une position morale unilatérale ? Sans doute faudrait-il y renoncer. Les esclaves sexuelles ne tirent aucun revenu d’une activité contrainte. Les travailleuses du sexe indépendantes tirent un revenu, parfois très confortable, d’une activité peu contrainte. C’est pourtant le même mot qui recouvre les deux situations : « prostituées ».Dans le camp réglementariste (« il faut encadrer »), ce raccourci sémantique constitue le nœud du problème : une prostituée n’est pas une esclave. Mais pour le camp prohibitionniste (« il faut interdire »), la pression financière exercée sur les prostituées les rend esclaves, qu’elles le veuillent ou non, d’une contrainte telle qu’elle s’apparente à du « viol tarifé » – selon une terminologie utilisée jusque dans l’association Osez le féminisme !.Face à un tel clivage, qu’est-ce qu’on fait ? Comme Simone Veil, on écoute les femmes. Toutes. (Je laisse volontairement de côté le cas des prostitués hommes, qui génèrent d’autres problématiques et d’autres fantasmes.)Les esclaves sexuelles ont du mal à parler, par peur, par honte, ou parce que leur milieu social, leur situation administrative, leur connaissance de la langue, ne leur permet pas de prendre la parole publiquement. Cependant, les témoignages qui émergent sont écoutés. Parfois sur un mode sensationnaliste, d’accord… mais sans contestation. On ne peut pas en dire autant des prostituées heureuses. Ces dernières vendraient leurs services pour de mauvaises raisons, elles seraient les victimes temporaires d’une forme de dissonance cognitive qui leur ferait accepter (voire revendiquer) l’inacceptable. A posteriori, ces travailleuses se rendront compte qu’elles ont été influencées par les médias, abusées par le système, détournées du sens commun par les traumatismes supposément subis.Pire encore, elles trahiraient toutes les femmes, et le féminisme. Ce que la journaliste Pauline Verduzier résume d’une question lapidaire : « Accuserait-on l’ouvrière d’être un suppôt du capitalisme parce qu’elle s’échine sur sa ligne de production pour nourrir sa famille ? »« J’exerce une activité agréable et rémunératrice »Cette disqualification de la parole de femmes adultes et vaccinées devrait nous alarmer. D’autant qu’il n’y a aucun besoin de se prostituer pour comprendre à quel point la manœuvre est infantilisante : du harcèlement (« tu le cherches ») à l’avortement (« tu le regretteras »), du voile (« tu es manipulée ») au masochisme (« tu aimes ça, mais inconsciemment ») en passant par le viol (« les femmes disent non mais elles pensent oui »), on ne manque pas de piqûres de rappel.Alors d’accord. Ecoutons, sans les psychiatriser, celles qui se prostituent avec joie. Pour Bertoulle Beaurebec, « la grande majorité de la population en France doit louer son corps pour gagner de l’argent (…). La seule différence qui existe entre les prostituées libres et les hôtesses de caisse, c’est la relation qu’elles ont avec leur corps et avec l’argent ». Maïna Lecherbonnier nous interpelle directement : « J’exerce une activité agréable et rémunératrice, en faisant ce que j’aime le mieux et ce que j’aime le plus (…). Quitte à faire ce qui vous plaît le mieux, pourquoi ne pas le faire de façon intéressée ? »Dans leurs ouvrages, il n’y a ni drame ni faute originelle qu’il faudrait exorciser. La sexualité n’est pas vécue comme une violence. Le rapport à la transaction non plus. L’amusement, le plaisir, les aventures, la personnalité des clients, les sommes échangées démontrent que ces prostituées-là sont privilégiées… Et alors ? Elles ne prétendent pas parler au nom de toutes, et leur bonne fortune ne devrait pas les rendre inaudibles. (Certains journalistes sont pauvres, d’autres sont riches, pourtant personne ne vient arracher leur carte de presse aux seconds.)Le constat est identique chez Pauline Verduzier : la misère existe, le misérabilisme n’est pas obligatoire. Quand on se prétend féministe, on ne peut pas « infliger » sa vision de l’émancipation à toutes les autres femmes.Ouvrir la conversation dans nos chambres à coucherLes difficultés et la stigmatisation sociale existent, bien entendu. Personne ne le nie. Mais justement, les aléas de cette activité produisent de la résistance, par un attachement soutenu à la question de la dignité. Maïna Lecherbonnier se qualifie malicieusement de sainte ou de bonne sœur. Bertoulle Beaurebec, qui s’inscrit dans le féminisme intersectionnel, refuse de considérer son corps comme sacré… mais elle ne transige en rien sur son amour-propre : « Tu es une déesse et tes désirs sont souverains. »En écoutant ces femmes-là sans chercher à protéger nos certitudes, sans négocier avec leurs témoignages, sans opposer aux mots qui dérangent une armée de « oui mais », c’est une nouvelle conversation qui s’ouvre. Jusque dans nos chambres à coucher. Selon l’étude suisse « Unisanté 2018 », 53 % des jeunes femmes de ce pays ont déjà accordé des rapports sexuels sans en avoir envie (mais en consentant tout de même). Elles l’ont fait pour plaire, par amour, parce qu’elles n’ont pas osé dire non, par manque de confiance en elles ou en leurs limites, mais avant tout pour « maintenir la relation ».Si nous parlons de pression exercée sur la sexualité, en quoi l’argent diffère-t-il des sentiments ? A quel niveau d’endorphines et d’ocytocine cesse-t-on d’avoir le choix ? Parce que franchement, 53 % de personnes concernées, ça fait beaucoup. Et ce n’est pas comme si ces couples contemporains romantiques échappaient au pouvoir de l’argent. Entre une travailleuse du sexe qui couche pour payer son loyer, et une comptable qui couche pour garder un conjoint qui paye le loyer, le continuum est clair. Maïna Lecherbonnier, Bertoulle Beaurebec, Pauline Verduzier, ne manquent pas de le faire remarquer.C’est d’ailleurs exactement pour cette raison qu’il faudrait écouter « toutes » les femmes – pas seulement celles dont les paroles confortent notre vision du monde : sans doute alors, pourrons-nous commencer à nous écouter nous-mêmes. Manifestement, nous avons des choses à nous dire.
https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/bordeaux-collision-entre-voiture-tramway-circulation-ligne-c-interrompue-1887932.htmlC'est combien dans l'échelle de filsdeputerie, ces trois raclures de bidet ?
Le niveau de l'échelle "organiser une rencontre très violente entre leur crâne et n'importe quoi de bien pointu". Un morgenstern par exemple.
Ou du niveau "les ligoter puis les nourrir avec leur propre merde".
Edit : sur un sujet totalement différent, une réflexion qui évite le manichéisme et que j'ai trouvé intéressante. Spoiler (click to show/hide)https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/10/25/peut-on-etre-prostituee-et-contente-de-l-etre_6057281_4497916.html
Erdogan confond-il ses rêves de puissance ottomane avec la réalité ? Mais comme il a, hélas, le soutien de son opinion publique il peut encore continuer un moment.