Y a un peu des deux mais c3po vient plus facilement à l'esprit.
La femme robot du film metropolis.
Trois mois après avoir renoncé à sa commandite, Arnaud Lagardère a perdu le contrôle de son groupe : Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré, a annoncé le lancement d’une OPA sur Lagardère, avec le soutien des principaux actionnaires. Jamais une telle concentration horizontale et verticale n’a été réalisée dans le monde des médias et de la communication. Un signe supplémentaire de notre effondrement démocratique.C’était censé être un pacte de marbre, comme Arnaud Lagardère l’annonçait, triomphant, à ses équipes. Il serait PDG à la tête du groupe au moins pendant cinq ans ! Une éternité dans le monde des affaires. Il n’a pas duré six mois.Le 15 septembre, Vivendi, contrôlé par le groupe Bolloré, a annoncé qu’il allait racheter les 17, 93 % du capital détenu par le fonds activiste Amber dans le groupe Lagardère, selon les accords conclus entre Bolloré et Amber en août 2020. L’opération, scellée au prix de 24,10 euros par action – soit une prime de 20 % par rapport aux derniers cours –, doit être réalisée d’ici au 15 décembre 2022, le temps d’obtenir les autorisations des différentes autorités de régulation (CSA, concurrence). À l’issue de cette opération, Vivendi, qui détiendra 45,1 % du capital de Lagardère, lancera une OPA sur la totalité du groupe, conformément à la législation boursière.Avant même la clôture de l’opération qui doit entériner une concentration sans précédent dans les médias et dans la communication, Vincent Bolloré va disposer, dans cette période cruciale des élections présidentielle et législatives, d’une multitude de titres et de moyens audiovisuels, sans aucun contrôle et aucune entrave. Sauf si les différentes autorités de régulation lui imposent des restrictions, ce qui ne s’est jamais fait jusqu’alors, le CSA allant jusqu’à entériner le projet de rapprochement entre TF1 et M6 sans piper mot.Chacun préfère maintenir la fiction que toutes les sociétés agissent de façon indépendante et autonome jusqu’à ce que tous les feux verts soient donnés. Ce qui a parfaitement été démontré chez Europe 1, notamment depuis que Vincent Bolloré a pris le pas dans le groupe Lagardère...Vivendi seul maître à bord du groupe Lagardère, qui s’en étonne ? Personne. La façon dont Vincent Bolloré a pris sans attendre le contrôle du groupe et imprimé sa marque dès les premières heures ne laissait aucun doute sur le sujet. Avant même la conclusion de l’accord avec Arnaud Lagardère, il avait obtenu fin mars le départ d’Arnaud Nourry, patron de Hachette, seul homme à opposer quelque résistance à son dessein, en essayant de monter une opération de rachat de la partie édition.Les serres s’étaient encore plus raffermies dès juin, avec la mise au pas de la rédaction d’Europe 1, par le renvoi des chroniqueurs et personnalités emblématiques et historiques de la radio jugés trop éloignés de « la ligne du parti » : le départ de 70 journalistes, la confirmation de Louis de Raguenel, transfuge de Valeurs actuelles, comme chef du service politique. Pour confirmer cette remise au pas politique, des émissions communes avec partage des équipes entre CNews, la chaîne phare de Vincent Bolloré qui abrite Pascal Praud et jusqu’à dernièrement Éric Zemmour, et Europe 1.Il n’y avait qu’Arnaud Lagardère – mais parvenait-il à se duper lui-même ? – pour affirmer que tout allait bien dans le meilleur des mondes, qu’en dépit de la perte de la commandite il restait le patron, et que les changements éditoriaux chez Europe 1 n’étaient en aucun cas la marque de dérives politiques mais seulement une redynamisation des équipes au nom de la bonne gestion. « Aucun objectif ne m’a encore été fixé, ni par Vincent Bolloré ni par un autre actionnaire. Je présenterai ma stratégie pour les diverses branches du groupe au conseil d’administration le 24 septembre, ainsi que le budget 2022 et les tendances à trois ans, mi-décembre. Le périmètre va rester intact », affirme-t-il le 5 septembre dans un entretien au JDD – son propre journal – pour défendre sa ligne.Vincent Bolloré ne lui a même pas laissé jusqu’au 24 septembre.C’est peut-être là la seule surprise de cette opération : le fait que tous les actionnaires s’accordent pour en finir au plus vite avec Arnaud Lagardère.C’est peut-être là la seule surprise de l’annonce de l’OPA : le fait que tous les actionnaires s’accordent pour en finir au plus vite avec Arnaud Lagardère. « Arnaud Lagardère a trop joué avec les uns et les autres. Il a trompé tout le monde. Il a fait l’unanimité contre lui. Personne ne veut plus l’aider, même pas pour sauver les apparences », constate un observateur.De fait, loin de susciter les divisions et les affrontements, comme l’héritier de Jean-Luc Lagardère avait pu l’espérer, les quatre autres principaux actionnaires du groupe – Bolloré, la Financière Agache, holding familiale de Bernard Arnault, le fonds activiste Amber et le fonds souverain qatari – paraissent avoir trouvé dans la plus grande discrétion un terrain d’entente et un mode opératoire commun. Et contrairement à ses habitudes passées, Vincent Bolloré paraît avoir accepté de jouer collectif. « Il n’avait aucune envie de défier Bernard Arnault. Et ce dernier n’avait pas non plus envie de ferrailler pour Arnaud Lagardère, qui l’a beaucoup déçu. Cela permet de jeter les bases d’un compromis », explique un connaisseur du dossier. « Les actionnaires avaient des agendas différents, les uns [Amber, le fonds qatari – ndlr] voulaient de l’argent, Arnault sortir de là avec quelques compensations, Bolloré le reste. Ce qui facilite les choses pour trouver un terrain d’entente », poursuit un autre observateur.Tout s’est donc enchaîné très vite, à partir du moment où l’assemble générale de Lagardère a adopté la fin de la commandite, la dernière protection d’Arnaud Lagardère, le 30 juin. Est-ce le fait que Lagardère n’ait pas compris la situation nouvelle et qu’il ait continué d’agir comme bon lui semble, en achetant la maison d’édition américaine Workman Publishing ou en passant un accord avec le chinois JD.com, sans en référer à ses actionnaires ? Il y a même comme un air de « ce soir, la famille Corleone règle ses comptes » dans cette opération.Dès le 1er septembre, la Financière Agache, qui avait investi 180 millions d’euros en septembre 2020 pour prendre 27 % dans Lagardère Capital, la holding personnelle d’Arnaud Lagardère, ce afin de venir en défense face à l’offensive de Vincent Bolloré, annonçait l’échange de cette participation contre des actions du groupe Lagardère.Pour le monde financier, l’annonce était limpide : Bernard Arnault lâchait irrémédiablement Arnaud Lagardère. Le milliardaire lui faisait payer le prix de ses trahisons multiples, des négociations secrètes dans son dos avec Vincent Bolloré à son refus de lui vendre Le JDD et Paris Match, deux titres qui hystérisent la classe politique et qui semblent avoir motivé l’arrivée du milliardaire dans ce dossier, présenté comme étant un service commandé de l’Élysée.Dans la foulée, le fonds activiste Amber, à l’origine de toute l’affaire, a activé l’accord passé le 10 août 2020 avec Vivendi, qui entérinait leur action de concert pour partir à la conquête du groupe Lagardère, et demandé le rachat de ses parts. Un accord sur le prix de rachat a été trouvé et nul doute qu’il a été négocié avec tous les autres actionnaires. La prime de 20 % offerte par Vivendi, qui est dans la norme des opérations boursières, permet à chacun d’encaisser une plus-value, prix de leur patience et de leur aide dans cette attaque, et d’éviter les surenchères.Vivendi s’en sort à très bon compte. Il aurait pu se voir demander beaucoup plus, alors qu’il vient de lancer la cotation indépendante de sa filiale américaine, Universal Music, valorisée à plus de 30 milliards d’euros, prévue entre le 21 et 23 septembre.Tout étant bouclé, Vincent Bolloré a décidé de lancer son attaque éclair. Et il a saisi un moment où le groupe Lagardère était particulièrement affaibli : au lendemain de la perquisition du parquet national financier au siège de Lagardère, accusé d’avoir manipulé les voix et les votes en 2019 pour contrer l’assaut du fonds Amber. Une façon de rappeler à Arnaud Lagardère qu’il n’avait plus aucune marge de manœuvre.Une concentration horizontale et verticale sans précédent dans les médias et la communicationÀ la suite de l’annonce de l’OPA, le groupe Lagardère a publié un communiqué pour se féliciter de l’initiative de Vivendi. « Ce projet témoigne de la confiance de Vivendi dans la pertinence du modèle stratégique de Lagardère basé sur la complémentarité de ses activités et son efficacité opérationnelle. Il conforte le respect de l’intégrité du groupe Lagardère et le soutien apporté à son management », affirme-t-il. Dans les milieux financiers et les couloirs du groupe, on parle plutôt de grands déménagements, d’« avalements », de partages des dépouilles, voire de dépeçage.Vincent Bolloré affiche depuis longtemps sa volonté de bâtir un grand groupe de médias et d’édition. Mais jusqu’où pourra-t-il aller ? Quelle attitude adopteront les autorités de régulation et de concurrence ? À entendre certains de ses proches, le seul vrai problème résiderait dans le rapprochement entre Editis (cinquante maisons d’édition) et Hachette, les deux premiers groupes d’édition français qui détiennent un duopole sur les éditions scolaires notamment.En 2003, les autorités de la concurrence s’étaient opposées au rachat de l’activité édition de Vivendi par Lagardère. Elles avaient imposé la création d’Editis, racheté à un moment par le groupe Wendel, propriété d’Ernest-Antoine Seillière, qui s’était empressé de le revendre à un groupe espagnol qui lui-même avait fini par le revendre à Vivendi.L’entourage de Vincent Bolloré veut croire que la situation a depuis évolué. « Hachette est devenu depuis un grand groupe d’édition international. L’activité française est beaucoup plus réduite et il n’est pas sûr que les recoupements soient aussi importants que cela entre Editis et Hachette en France », explique-t-on. Les autorités de la concurrence partageront-elles cet avis et accepteront-elles de se déjuger ? Des experts du droit de la concurrence pensent qu’un tel revirement est impossible. En coulisses, des négociations exploratoires ont été engagées, selon nos informations, avec Gallimard – dont Bernard Arnault détient 10 % –, notamment pour voir ce qui pourrait lui être cédé.Selon certaines sources, Le JDD et Paris Match seraient aussi promis à Bernard Arnault pour le prix de son soutien. Et peut-être d’une paix armée avec l’Élysée très actif en coulisses sur ce dossier ? « Ce sont les seuls actifs qui l’intéressent vraiment. Cela lui permettrait de renforcer son pôle presse (Les Échos, Le Parisien, Radio Classique) », explique un proche du dossier. D’autres semblent persuadés que les deux titres resteront bien dans le giron de Bolloré.À l’exception du pôle distribution (Relay) dont personne ne semble savoir à ce stade quel destin lui sera réservé, Vincent Bolloré, lui, hériterait de tout le reste : au-delà de l’édition, il reprendrait Europe 1, Virgin Radio… ; des ensembles qui viendraient s’ajouter à l’empire médiatique que Bolloré contrôle déjà : Canal+, CNews, le groupe Prisma (Télé-Loisirs, Gala, Capital, Voici, Femme actuelle), premier groupe de presse magazine en France dont il a repris le contrôle en mai, sa participation dans le groupe de presse Prisa (El País, Caracol Radio) en Espagne, sans parler de Havas avec ses agences de publicité (Euro RSCG, Havas Worldwide), ses activités d’achat d’espace publicitaire (Havas Media) et de communication (Havas Sport & Entertainment), son institut de sondage et d’opinion (CSA).Il y a quelques années encore – comme au moment de l’élaboration de la loi Hersant ou la privatisation de Havas –, une telle concentration horizontale et verticale de titres, de canaux, de moyens dans les médias et la communication aurait suscité un tollé et provoqué des mesures dans le monde politique. Aujourd’hui, les mêmes assistent passivement à la concentration inexorable entre quelques mains de tous les moyens d’information et des groupes de presse, sans même demander l’application des lois existantes. Ce n’est qu’une traduction supplémentaire de notre effondrement démocratique et de la capture du discours et des politiques publiques par quelques puissants, prêts à tout, jusqu’à la diffusion des propos les plus nauséabonds.