Reprise particulière pour moi : le collège où je travaille a été évacué en raison d'un déminage. Je commençais à 11 heures et on m'a téléphoné vers 9 heures pour me dire de ne pas venir. Cela fait un jour de vacances en plus ! J'en ai profité pour prendre ma nouvelle voiture ce matin. J'ai calé cinq fois pour aller du garage à ches moi. J'avais beaucoup d'appréhension, un mois après mon accident. J'espère que ma peur disparaîtra progressivement.
Edit. En France, Rance Poire a perdu sa place de premier média de désinformation au profit d'Epoch Times, affilié à la secte Falun Gong.
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La DGSE et son magot secret dans les filets de la justicePar Gérard Davet et Fabrice LhommeLa direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) préfère l'ombre. La voici pourtant, bien malgré elle, propulsée dans la lumière crue des « affaires ». Selon les informations du Monde , son ancien directeur général entre 2013 et 2017, le diplomate Bernard Bajolet, a été mis en examen par la juge Claire Thépaut, à Bobigny, le 18 octobre 2022, pour « complicité d'extorsion » et « atteinte arbitraire à la liberté individuelle par dépositaire de l'autorité publique ». L'ancien directeur du cabinet de M. Bajolet, le général Jean-Pierre Palasset, bénéficie, pour sa part, du statut intermédiaire de témoin assisté dans ce dossier.L'actuel patron de la DGSE, le très discret Bernard Emié, a également dû s'expliquer, mais en tant que simple témoin, sur les embarrassantes mesures d'extorsion dont se serait rendue coupable la DGSE, en mars 2016, à l'endroit d'un riche entrepreneur, Alain Duménil. M. Bajolet et son ancien adjoint sont soupçonnés d'avoir permis ou autorisé la mise en œuvre d'un chantage intimidant sur cet homme d'affaires qui s'était retrouvé, un peu par hasard, au début des années 2000, à devoir gérer l'argent caché des « services ».Devant la juge Thépaut, ces trois figures du renseignement ont surtout dû lever le voile sur l'un des secrets les mieux gardés de la République : qu'est devenu le trésor de guerre de la DGSE, ces 23 millions d'euros accumulés depuis un siècle, puis dilapidés au gré d'investissements hasardeux ? D'après les trois hauts fonctionnaires, c'est M. Duménil qui aurait, par des manœuvres financières déloyales, récupéré, pour son profit personnel, les avoirs des services. Lui dément et se plaint depuis des années des « pressions » de la DGSE…L'affaire remonte jusqu'aux plus hautes sphères de l'Etat. « Le président de la République était au courant de l'escroquerie subie par mon service » , a ainsi affirmé sur procès-verbal M. Bajolet, nommé à son poste, en 2013, par François Hollande. Sollicité par Le Monde , ce dernier n'a pas voulu se livrer plus avant, campant sur une prudente réserve : « L'affaire dont vous me parlez se situe aujourd'hui sur le terrain judiciaire, ce qui ne me conduit pas à en parler. » Ce qui peut aussi signifier, en creux, qu'il avait bien été informé de cette histoire.De son côté, l'actuelle DGSE a vivement démenti auprès du Monde « avoir exercé la moindre menace, séquestration ou tentative d'extorsion » à l'encontre de l'homme d'affaires. « M. Duménil est un affairiste international et un délinquant qui a été condamné en France et fait l'objet de poursuites fiscales à l'étranger » , déclare la DGSE, cinglante. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense (autorité de tutelle) au moment des faits, n'a, quant à lui, pas souhaité s'exprimer.Le magot a prospéréLe Monde a eu connaissance de multiples éléments confidentiels, dont certains sont issus de l'enquête menée par Claire Thépaut. Avant sa désignation, en juin 2021, la justice avait longtemps traîné des pieds pour enquêter. Mais la juge détient désormais nombre de pièces couvertes par le « confidentiel défense » déclassifiées. En conséquence, ce dossier – il est « particulièrement sensible » , selon les écrits de la magistrate – l'a poussée à refuser la transmission des procès-verbaux de l'enquête à M. Bajolet, pourtant en droit d'y prétendre au vu de son statut de mis en examen.Pour bien comprendre la genèse de cette histoire, il faut d'abord remonter à la sortie du premier conflit mondial, en 1918. C'est à ce moment-là que se constitue le « trésor » géré par les services secrets. « Au départ , cela vient des dommages de guerre de la première guerre mondiale que l'ancêtre de la DGSE a obtenus de la part de l'Etat français » , a raconté à la juge Bernard Bajolet, qui n'a pas répondu au Monde. « Ensuite, a-t-il poursuivi, ce dispositif a été reconduit au lendemain de la seconde guerre mondiale en soutien du BCRA [Bureau central de renseignements et d'action] , le service de renseignement de la Résistance, et la DGSE s'est vu confier un patrimoine important pour permettre à l'Etat français de survivre au cas où il y aurait un effondrement semblable à celui de 1940. L'Etat s'est constitué un capital secret dans ce but. Cet argent a été investi dans différentes sociétés, avec un contrôle externe et interne. Ce patrimoine est destiné à être préservé et à fructifier, et il n'est pas destiné à financer des actions clandestines. »Cet argent est-il pour autant géré par des professionnels de la finance ? Non, à l'évidence, comme en est convenu le général Palasset, ancien directeur des cabinets de MM. Bajolet et Emié. « Ce patrimoine privé est géré par le service » , a affirmé succinctement le général. Il n'en dira pas davantage, car, à l'en croire, « c'est couvert par le secret » . Mais il semble que, pendant de nombreuses années, l'argent en question ait prospéré, sans que quiconque y mette son nez. « Ces actifs fructifiaient » , admet, lui, M. Emié.Les investisseurs se sentent donc pousser des ailes, jusqu'à investir dans le secteur du luxe, par le biais de la société EK Finances (EKF). Précision de ce même M. Emié devant la juge : « Ils [les fonds] ont été placés à hauteur d'environ 10 millions d'euros entre les mains de la société EKF. » Au fil du temps, en convertissant les francs en euros, une somme correspondant à 23 millions d'euros actuels aurait ainsi été placée, même si les chiffres peuvent parfois varier selon les documents consultés.« On ne peut plus suivre »Arrive l'année 1997. EKF se développe : vêtements, optique, cosmétique, joaillerie… Elle regroupe quelques autres marques connues comme Harel, Jacques Fath ou Jean-Louis Scherrer. A sa tête, un homme d'affaires, François Barthes. Dans son actionnariat figurent notamment trois sociétés, minoritaires mais bien présentes : HV International, Financière Médicis et une structure luxembourgeoise nommée Portugal-Luxembourg. Trois entités très discrètes, créées et utilisées par la DGSE pour diversifier ses investissements.Mais la gestion d'EKF se révèle douteuse et les pertes deviennent préoccupantes. « Je ne savais pas que c'était la DGSE qui avait investi dans mon groupe , déclare au Monde M. Barthes. J'ai découvert qu'il y avait quelque chose de pas très clair quand je suis allé voir les banques pour refinancer mon projet. Elles voulaient savoir d'où venait l'oseille ! Et je ne connaissais pas la réponse. » Car EKF perd toujours de l'argent, par millions d'euros. « Nous avons divisé les pertes par huit en quatre ans , se défend François Barthes . Mais la DGSE avait investi, de mémoire, environ 20 millions d'euros, et on leur demandait de remettre au pot, car on perdait encore 2,5 millions d'euros par an. »Un homme est missionné par l'Etat pour mettre fin à cette situation, intenable financièrement et très risquée sur le plan de l'image : Alain Juillet, futur directeur du renseignement de la DGSE. En 2001, il déjeune avec François Barthes au Pavillon Ledoyen, restaurant huppé de la capitale. La société Sozan vient d'être montée de toutes pièces par la DGSE afin de regrouper les trois autres « véhicules » financiers, HV International, Financière Médicis et Portugal-Luxembourg. « Il me dit : “François, on ne peut plus suivre, il faut trouver des partenaires pour nous remplacer” » , se souvient M. Barthes. « La DGSE aurait dû investir dans la pierre, poursuit-il , et pas dans la petite culotte ! Le luxe, c'est à des années-lumière de leur culture. »En 2002, c'est un militaire, le général Philippe Rondot (1936-2017) – conseiller pour le renseignement de la ministre de la défense Michèle Alliot-Marie –, qui va secouer le système. Dans une note adressée à ses supérieurs, en septembre 2002, il tonne : « Le règlement – si l'on peut dire – de l'affaire EKF, fait apparaître de très graves dysfonctionnements dans la gestion des fonds spéciaux alloués au service. La perte sèche enregistrée dans cette opération se situe autour de 180 millions de francs ! S'il est normal que la DGSE dispose d'un “trésor de guerre”, encore convient-il (…) qu'il ne serve pas à entretenir chez quelques correspondants affairistes et mal contrôlés de la DGSE leurs “danseuses”. »La DGSE reçoit la consigne de récupérer sa mise initiale. Et c'est toujours Alain Juillet qui gère la suite, comme il nous le confirme : « Le service m'a missionné ; la DGSE perdait chaque mois de l'argent, il fallait sortir de là. Une banque m'a alors recommandé Alain Duménil comme sauveur potentiel. » Sauf que le remède, nommé Duménil, va se révéler pire que le mal…Bourbier financierQui est cet homme à l'entregent bien établi ? Un héritier, l'une des 500 premières fortunes du pays, patron de nombreuses sociétés dont la marque de prêt-à-porter de luxe Smalto… A l'époque, sa réputation n'est pas encore entachée par ses démêlés judiciaires. « Ils [la DGSE] avaient fait un audit très poussé , précise M. Barthes, le PDG d'EKF. Et, moi, j'étais au bout du bout. Ils ont choisi un montage avec Duménil : être coté en Bourse dans un an au plus tard, et après, chacun pourrait reprendre ses actifs. »Sur procès-verbal, M. Emié, l'actuel directeur général de la sécurité extérieure, a poursuivi le récit : « La société étant en mauvaise santé, le service s'est désengagé de cette holding, et les parts ont été rachetées par Alain Duménil, (…) dont la moralité n'était pas connue du service. » Son prédécesseur, Bernard Bajolet, abonde : « Duménil n'est pas entré tout seul à la DGSE, il a pénétré la DGSE. (…) Il a ou avait un réseau très puissant. » L'homme d'affaires bénéficiait, notamment, d'un passeport diplomatique malgache et de solides accointances au sommet de l'Etat, qui lui ont permis d'obtenir les plus belles décorations de la République. « Il avait des appuis politiques » , a dit M. Bajolet à la juge. Alain Duménil, lui, assure avoir simplement flairé la bonne occasion. « Même s'ils m'ont caché que l'argent était celui de la DGSE » , affirme-t-il aujourd'hui au Monde . S'il l'avait su, peut-être aurait-il modéré ses ardeurs…Les négociations aboutissent. Le 21 novembre 2002, un protocole d'accord est signé. Claire Legras, directrice des affaires juridiques du ministère de la défense, a dû en détailler le contenu à la justice, dans un courrier du 7 mars 2018 : « L'économie générale de cette transaction reposait sur le rachat, par Duménil, de la totalité des actifs des sociétés liées à l'Etat [en réalité la DGSE] au sein d'EKF (51 %), par échange d'actions avec Francesco Smalto Holding [FSH] , devenue Alliance Designers, société du groupe Duménil, assorti d'une convention de garantie de passif et de la cession pour 1 euro du compte courant de 12,7 millions d'euros. »Les sociétés de la DGSE se voient remettre 14,86 % du capital de FSH, pour une contre-valeur de 10,8 millions d'euros. « On s'est mis d'accord sur un prix , relate Alain Duménil. Ils s'en sortaient avec un bénéfice. » L'introduction en Bourse, prévue un peu plus tard, est censée permettre à la DGSE de valoriser ses parts et de ressortir de ce bourbier financier avec les honneurs. Mais M. Duménil est un flibustier de la finance, sans états d'âme. « Il a tout piqué ! , résume crûment M. Barthes. Il a déposé le bilan en ayant débarrassé les sociétés de leurs actifs. Il n'a laissé que des coquilles vides derrière lui. »« C'est un escroc notoire »De fait, le 7 août 2003, Alain Duménil lance une augmentation de capital de FSH sans prévenir ses partenaires, actionnaires minoritaires. Il procède ensuite à une large cession d'actifs. Dans la foulée, les sociétés créées en accord avec la DGSE sont placées en liquidation judiciaire, avec un passif de plus de 47 millions d'euros. Et c'est ainsi que le trésor des services secrets s'est volatilisé. La DGSE possède 21,2 % des parts d'une structure désormais exsangue. Elle a misé pour 23 millions d'euros et perdu.L'Etat a beau introduire une rafale de procédures, impossible de remettre la main sur le magot. A plusieurs reprises, la DGSE, par le truchement de ses avocats, tente de renouer le dialogue avec l'entrepreneur. Peine perdue. « J'ai acheté, j'ai payé , maintient Alain Duménil. Smalto m'appartenait . Je ne dois rien à la DGSE et j'ai injecté plus de 55 millions d'euros dans cette société EKF, les livres comptables en attestent. »Reste que se mettre ainsi à dos la DGSE, ce n'est pas forcément une sinécure. Les plaintes déposées prospèrent. En 2014, une information judiciaire est ouverte. Deux ans plus tard, M. Duménil est mis en examen pour « banqueroute par détournement d'actifs », notamment pour avoir mis en œuvre le « transfert de l'intégralité des parts de Smalto Holding, mettant ainsi la société Smalto à l'abri des créanciers d'Alliance Designers [la société créée en commun avec la DGSE] , et entraînant cette dernière dans une situation financière irrémédiablement compromise » . Les sociétés liées à la DGSE obtiennent au tribunal de commerce un dédommagement global de… 300 000 euros seulement. Mais elles veulent évidemment se constituer partie civile dans le volet pénal de l'affaire, afin de faire valoir leurs droits d'actionnaires lésés et, surtout, d'obtenir des dommages et intérêts. Elles chiffrent leur préjudice global entre 18 millions et 28 millions d'euros.Ces sociétés ont pourtant perdu ce combat essentiel : le 19 janvier 2021, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a rejeté leur requête, arguant qu'elles ne « rapportent pas la preuve d'un préjudice direct résultant des faits de banqueroute » . En clair, pour la justice, si M. Duménil a détourné les actifs d'Alliance Designers, ce n'était pas au préjudice de la DGSE.Mais, pendant tout ce temps, les services secrets ne se sont pas contentés d'activer la justice. Comme l'a résumé Bernard Emié : « Cette affaire Duménil est pour nous très sérieuse, dans la mesure où nous avons subi un immense préjudice, (…) aujourd'hui estimé à une somme entre 12,5 millions et 16,7 millions d'euros. » Alain Duménil ? « Je pense que c'est un escroc notoire » , tranche M. Emié. « Un menteur professionnel et un affabulateur, un grossier personnage » , renchérit le général Palasset.Côté services de renseignement, tous les sentiments se mêlent dans cette drôle d'affaire : fierté bafouée, ressentiment… et certitude d'avoir de sacrés moyens pour obtenir réparation. C'est peut-être ce mélange détonant qui va pousser la DGSE à aller plus loin. Trop loin, selon la justice.L'entremise d'un « honorable correspondant »En 2016, voilà quatorze ans que les « services » tentent de trouver un accord à l'amiable avec Alain Duménil. Or, celui-ci les nargue, voire les humilie. « A chaque fois qu'on l'approchait, il nous répondait : “J'en ai rien à foutre” » , se souvient M. Juillet. Le 11 février 2010, l'entrepreneur n'a-t-il pas accepté, selon les dires de M. Bajolet, de recevoir chez lui un « honorable correspondant », qui lui aurait proposé de dédommager la DGSE à hauteur de 6 millions d'euros ? Las, M. Duménil n'aurait manifesté « aucune intention de payer quoi que ce soit » , déplore M. Bajolet. Mais, comme le dit ce dernier, ce service a une « énorme patience » et « ne se décourage pas » .D'autant que le destin de l'entrepreneur s'est singulièrement obscurci. En l'espace de quelques années, il a cumulé les déboires. En 2012, il est condamné à six mois de prison pour « complicité de banqueroute » par la cour d'appel de Grenoble. En juin 2017, à Paris, il écope d'une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis pour fraude fiscale. Sans parler des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, du fisc suisse, ou encore d'algarades musclées avec les forces de l'ordre. Du fait de ces mésaventures, l'Elysée suspend, en 2014, sa décoration au titre de l'ordre national du Mérite. Rien qui ne le traumatise vraiment, en fait. Jusqu'au 12 mars 2016.Ce jour-là, M. Duménil s'apprête à prendre un vol pour Genève, à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Il est accompagné de son amie, avocate. Il ne se doute de rien quand deux policiers de la police aux frontières (PAF) lui ordonnent de les suivre, au motif fallacieux d'une usurpation d'identité liée à son passeport. Il les suit vers un local de la PAF, sans imaginer un instant qu'au siège de la DGSE il a été décidé de profiter de son passage à Paris pour lui faire entendre raison. Dans ce petit bureau, destiné à la fouille des voyageurs suspects, deux hommes l'attendent, peu bavards. Le décor est spartiate : une table, une chaise. Les policiers sortent. M. Duménil reste seul avec les deux inconnus, des officiers traitants de la DGSE.Que s'est-il vraiment passé, ce jour-là ? Une note de la DGSE, estampillée « confidentiel défense » , non signée mais émanant de la « direction générale » et titrée « Compte rendu d'entrevue » , livre les dessous de l'affaire. C'est ce document, daté du 14 mars 2016, qui a motivé la mise en examen de M. Bajolet. Car, en préambule, il est bien précisé que c'est « sur l'initiative du directeur général » que M. Duménil a été « intercepté » à Roissy. A en croire la note, pendant six minutes, il a été seulement question, avec Alain Duménil, des « modalités de reprise de contact entre les avocats » .« Il s'agit clairement de menaces »Confronté à cette note confidentielle, M. Bajolet reconnaît l'existence préalable d'une réunion, boulevard Mortier, au siège de la DGSE à Paris, avec ses chefs de service, où on lui fait part de la possibilité de rencontrer l'entrepreneur : « J'ai seulement validé la mise en relation avec M. Duménil, (…) mais je n'en attendais pas grand-chose. » A-t-il agi sur ordre ? « Le président de la République était au courant de l'escroquerie subie par mon service ; en revanche, je n'ai à aucun moment sollicité son aval pour cette mise en relation » , affirme-t-il .Le patron de la PAF à Roissy, Patrice Bonhaume, n'a pas exactement les mêmes souvenirs. Il a d'ailleurs rapporté aux enquêteurs qu'il lui avait été dit que « cette affaire était suivie au plus haut niveau de l'Etat, et notamment par les services du premier ministre » . Alors en poste à Matignon, Manuel Valls dément auprès du Monde : « Je n'ai aucun souvenir de ce sujet, dont je n'avais jamais entendu parler. »La version proposée par M. Bajolet sur la nature de cette curieuse « entrevue » est vivement contestée par M. Duménil. A en croire son récit, l'un des agents lui aurait dit : « Vous avez volé l'Etat de 13 millions, ce qui fait aujourd'hui, avec les intérêts, 15 millions. Il faut nous les rendre. » M. Duménil a poursuivi, devant les enquêteurs : « Il m'a donné le 29 mars 2016 comme date limite pour la remise des fonds. Il s'est montré très menaçant, parlant de me retrouver en chaise roulante, voire plus… Il s'agit clairement de menaces concernant mon intégrité physique. J'ai vu qu'il avait entre les mains un porte-vues, qu'il a ouvert, montrant de nombreuses photos essentiellement de ma famille et de moi-même avec des amis. (…) Ils voulaient me faire comprendre qu'ils pouvaient également s'en prendre à n'importe laquelle de ces personnes. »Choqué, M. Duménil quitte le local très en colère, loupe son vol et décide de déposer une plainte, provoquant l'ouverture d'une enquête préliminaire. Mais la justice prend des réquisitions de non-lieu, le 24 novembre 2016, puisqu'il est impossible d'identifier les deux agents de la DGSE, dont l'identité est classifiée. Alain Duménil se constitue donc partie civile, obtient la désignation d'un juge d'instruction, qui, lui aussi, ne se montre guère allant. Mais les avocats de l'entrepreneur sont tenaces. Mes William Bourdon et Nicolas Huc-Morel multiplient les demandes d'actes et obtiennent la déclassification de certains documents – souvent « caviardés », il est vrai – de la DGSE.Le fameux « compte rendu d'entrevue » rédigé de mars 2016 étaye la version présentée par la victime. Il y est même fait mention de ceci par l'officier l'ayant rédigé : « Afin de crédibiliser ce discours, (…) a montré à AD [Alain Duménil] un catalogue de photos prises à Genève et à Londres de lui-même et sa famille, afin de lui faire comprendre qu'il est contrôlé depuis longtemps. » Ce catalogue de photos a aussi été déclassifié ; Le Monde y a eu accès, et il paraît évident, à sa lecture, que M. Duménil était surveillé. Le parquet, pourtant, encore une fois, réclame un non-lieu définitif, le 16 juin 2020.« C'est quand même le monde à l'envers »Les avocats de M. Duménil font appel… Et gagnent sur toute la ligne. « Les éléments déclassifiés obtenus, comme les premières déclarations des policiers, accréditent les déclarations d'Alain Duménil » , note, le 15 juin 2021, la chambre de l'instruction, qui reprend dans ses écrits le verbe « extorquer » et les termes « séquestration » et « bande organisée » . Elle fait même état d'une « minutieuse préparation » de la part de la DGSE, et ceci « sur initiative du directeur général » , Bernard Bajolet, donc . Non seulement deux nouveaux juges sont désignés, en juin 2021, dont l'expérimentée Claire Thépaut, mais il est fait droit à la demande des avocats de l'homme d'affaires : les responsables de la DGSE devront être entendus par la justice.Les voici donc devant la juge Thépaut, sommés de justifier l'espionnage d'un citoyen de 73 ans. « Il n'était pas surveillé » , assure pourtant à la magistrate M. Emié. « Nous assurions une surveillance de M. Duménil depuis plusieurs années , le contredit M. Bajolet. Pas seulement en raison du contentieux qui l'opposait à la DGSE, mais à cause des soupçons que nous avions quant à sa participation à des activités de délinquance organisée. » Et d'évoquer un bateau ayant appartenu à M. Duménil, le Nomad , qui aurait servi à un trafic de drogue. « Je l'avais vendu depuis longtemps » , rétorque l'homme d'affaires.Quid de l'album contenant des photos privées ? « Je n'ai pas vu ces photos » , affirme M. Bajolet. Les menaces à peine voilées ? « Mes collaborateurs à la DGSE sont réputés pour leur politesse » , dit-il, sans plaisanter. Son ex-adjoint, le général Palasset, note, un brin narquois, que ses agents devaient « respecter les règles de courtoisie que nos chères mamans nous ont apprises » .Ces arguments n'ont guère ému Claire Thépaut, puisque M. Bajolet a été mis en examen. « Je suis bouleversé par ça , lâche-t-il à la juge, à l'issue de son interrogatoire de première comparution. C'est quand même le monde à l'envers, c'est Duménil qui vole l'Etat… Il s'agissait simplement de l'inviter à reprendre contact via ses avocats. » L'entrepreneur s'insurge : « Il s'agissait bien de menaces, et comment accepter que l'Etat français incite l'un de ses citoyens à verser 15 millions d'euros sur un compte secret aux Bahamas, comme ils l'ont fait avec moi ? »M. Duménil ne compte pas lâcher l'affaire, ses avocats encore moins. « Cette mise en examen, qui révèle un vrai scandale d'Etat, n'est pas le point final de l'instruction , déclarent Mes Bourdon et Huc-Morel. D'autres responsabilités, en amont et en aval, doivent être caractérisées. » En attendant, leur client vit dans une ambiance un rien paranoïaque. Au téléphone, il redouble de prudence. Quand il vient à Paris, il jette régulièrement un œil à son rétroviseur. Son amie n'a-t-elle pas déposé une plainte à la suite d'une agression par deux hommes casqués, juchés sur une moto, qui s'en sont pris à sa voiture, dont le propriétaire n'est autre qu'Alain Duménil ?Bernard Bajolet, lui, n'a pas fini de ruminer : « Pour quelqu'un qui a servi l'Etat pendant quarante-cinq ans comme c'est mon cas, dans les postes les plus exposés, y compris physiquement, je ne m'attendais pas à répondre, un jour, à de telles accusations… »